Chapitre 1 - Rencontre

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Nos habitudes en disent long sur nous. Comme tous les mercredi après-midi, je prends le métro puis le RER pour rendre visite à ma mère qui habite en banlieue. Comme toujours à la même heure, je croise cette femme avec son fils, ce vieux monsieur qui lit son journal et ce SDF devant le supermarché. Je ne fais même plus attention à eux, ces personnes que l'on ne connaît pas mais que l'on voit plus souvent que certains amis. Au début j'essayais d'imaginer la vie de chacun, pour passer le temps. 

Je croyais ces habitudes ancrées pour longtemps dans mon quotidien. Seulement, ma vie allait changer.

« Arrêt Jean Jaurès », résonne une voix masculine. C'est mon arrêt, le quartier où j'ai grandi. Des aires de jeux bétonnées, des immeubles et des parkings. Des endroits comme celui-ci, il y en a partout en France. Beaucoup de personnes s'arrêtent à cela, moi je vois ça différemment.  Ce que les gens ne savent pas, c'est que dans l'immeuble où j'habite vit une vieille dame extraordinaire âgée de 100 ans. Ils ne savent pas non plus qu'au coin de la rue, dans l'allée de la boulangerie, des résistants on étaient fusillés en 1944 par des nazis. Non, les gens n'ont pas conscience de cela car on leur présente ces quartiers comme la déchéance humaine.  

J'ai vécu une enfance tout à fait heureuse ici, même si parfois j'ai eu du mal à me trouver des occupations. A l'époque, beaucoup de mes amis habitaient ce quartier et nous pouvions nous réunir chez l'un ou l'autre pour jouer à des jeux de sociétés ou regardaient un dessin animé. 

Pourtant, j'ai décidé de m'éloigner de ce lieu pour mes études et  je suis partie vivre à Paris il y a deux ans. Je préférerais mille fois vivre chez ma mère plutôt que dans ma petite chambre de bonne au dernier étage d'un immeuble, dans un quartier assez mal famé, mais le trajet est trop long.

- Bonjour, ma chérie, comment vas-tu ? me demande ma mère lorsque je franchis le pas de la porte. 

- Très bien maman, merci. 

Ma mère est une belle femme, même si elle l'ignore. D'origine franco-vietnamienne, elle est grande et fine, avec de jolis yeux en amande et ses cheveux noirs ébène ont gardé tout leur éclat. Depuis toute petite je l'admire car elle est toujours coquette et élégante et elle m'a appris à l'être. J'ai, dit-on, hérité de sa beauté asiatique. Cependant, je n'ai pas son caractère. Selon elle, j'ai plutôt celui de mon père, un homme que je n'ai jamais connu. J'ai grandi seule à ses côtés, en essayant par tous les moyens de m'identifier à une figure masculine, sans succès. 

- Alors Anha Ly, comment se passent les cours ? Tu as eu des notes récemment ? questionne ma mère, la seule personne à m'appeler encore par mon prénom entier. En général, tout le monde m'appelle Ahna.

-  Oui je suis contente, les cours sont intéressants et le prof de traduction nous a annoncé une grande nouvelle. La fac va organiser un concours d'écriture et le premier prix est une bourse pour partir un mois à l'étranger, je m'exclame avec enthousiasme.

- Oh ... C'est, c'est génial. J'espère que tu gagneras, après tout c'est ton rêve depuis toujours.

- Ne t'inquiète pas maman, ça ne veut pas dire que je t'abandonne, ce n'est que pour un temps. De toute façon, rien ne dit que je vais réussir. »

Depuis des années, mon futur projet professionnel est un sujet de discorde entre nous. Je sais qu'elle souhaite le meilleur pour moi, mais cela lui fait peur de se retrouver définitivement seule. Pour lui changer les idées, je décide de lui préparer un bon repas et me dirige vers la cuisine lorsque quelque chose retint mon attention. Là, dans la poubelle du tri sélectif, il y avait quatre bouteilles de vin vides.

-  Tu as reçu de la visite maman dernièrement ?

- Non, pas du tout pourquoi ? me répond ma mère du salon.

Manhattanhenge (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant