Chapitre 16 - Départ

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Seule devant mon ordinateur et ma série préférée, avec un bol de soupe et mon fidèle jogging, je ne peux m'empêcher de ressasser ce qu'il s'est passé hier avec Raphaël. J'étais bien loin d'imaginer la finalité de notre rencontre lorsque je suis entrée chez lui, je m'en serais bien abstenu. 

Au contraire de mon voisin et ex petit-ami – si on peut dire ça – Léna a très bien cette annonce et elle était même très heureuse pour moi. Je lui ai promis que ça ne changerait rien entre nous et que je lui donnerais des nouvelles aussi souvent que je le peux. Cependant, elle m'a fait un long discours pour me dire qu'elle comprenait la réaction de Raphaël, bien qu'elle l'a trouva exagérée.

« Mais toi à sa place Ahna. Ce mec se rend compte qu'il t'apprécie et deux jours plus tard pouf ! Ton père est vivant et tu pars vivre à l'autre bout de la terre.

- Là c'est toi qui exagères.

- Oui, je schématise mais en gros c'est ce qu'il s'est passé. Il faut que tu en sois consciente. Tu as fais une erreur en acceptant l'offre de Mike sans l'avoir consulté avant, la communication est la base d'un couple.

- Mais nous ne nous étions jamais considérés comme tel. Je ne savais pas ce qu'il voulait. Je pensais que nous étions des amis, avec une certaine attirance disons « psychique »...

- Et physique, précisa Léna en me faisant un clin d'œil équivoque.

- Il n'y a donc que ça qui t'intéresse voyons ! Ah, ta façon de parler va me manquer tu sais... Tu viendras me voir un jour si je reste là-bas ?

- Bien sûr Ahna, c'est promis ! Il faudra que je bosse trois ans comme serveuse avant pour pouvoir me payer un billet mais oui »

Nous avons ri et cela me fit du bien. Notre complicité est unique et je sais que rien ne changera entre nous, ce qui me rassure car elle est vraiment comme un pilier pour moi.

Après ça, je suis allée voir Mike dans le même café qu'hier et nous nous sommes racontés nos vies. Du moins, une partie. Ces enfants ont l'air adorable, j'ai tellement hâte de les rencontrer en espérant qu'ils m'accepteront. Trois d'entre eux sont plus âgés que moi et les deux derniers sont plus jeunes. Il y a Joey 27 ans, le frère jumeau de Chloé, respectivement trader et rédactrice d'un magazine de mode. Ensuite, Aidan, né de la seconde femme de Mike à 24 ans et il est depuis quelques années mannequin pour une grande maison. Quand à Emily, elle est âgée de 19 ans et fais des études en communication à l'Université de New-York. Enfin, la benjamine Elizabeth avait 14 ans et était encore à la Middle School, l'équivalent de notre collège en France, en dernière année.

Tout allait très vite et j'avais réellement besoin de m'identifier à une famille. Oui, c'est ça un besoin, quelque chose de vital. Il fallait que je me reconstruise dans une cellule familiale. Certes, cela ne va pas être facile, j'en suis consciente mais je pense que cela peut m'aider à avancer. Si je reste je vais sûrement avoir besoin de m'inscrire dans une université et Mike était prêt à financer les frais. Cette décision m'a énormément touchée car il souhaite ce qu'il a de mieux pour moi, comme pour rattraper toutes ses années.

Oui, ce soir-là beaucoup de choses se bousculent dans ma tête. Un trop plein d'émotions que je n'arrive pas à garder en moi, je pleure encore et encore. De joie, de tristesse, d'espoir. Des sentiments totalement contradictoires mais qui en disent long sur mon état d'esprit.

                                                                                 *****

« Le vol 3846 à destination de New-York décollera dans 45 minutes... », répète une voix féminine à travers le haut-parleur. Cette fois, ça y'est le grand jour est enfin arrivé. Je n'ai quasiment pas dormi de la nuit tellement je sentais le stress montait petit à petit. Je n'arrive pas à croire ce que je suis en train de faire. Je lâche tout – ce qui est assez peu dans mon cas - pour partir à l'autre bout de l'océan, dans une nouvelle famille et jamais je ne me serais cru avoir la force de tenter une aventure pareille. Léna est là avec moi, jusque dans les derniers instants puisque Mike a dû repartir lundi matin aux Etats-Unis. C'est donc seule que je vais prendre l'avion pour la première fois de ma vie et je n'arrive pas à déceler si c'est cela ou le fait de partir qui me terrorise le plus.

Hier, j'avais envoyé un message à Raphaël avec l'heure de mon vol, dans un ultime espoir de réconciliation. Partir de cette façon sur de mauvaises paroles, ne présageait rien de bon pour l'avenir même si je ne voulais pas croire que je ne le reverrai plus.

Maintenant, je ne souhaite plus qu'un miracle, le voir débarquer par exemple, comme dans les films à l'eau de rose. Cependant, l'heure du départ approche et je dois me faire une raison, il ne viendra pas.

J'avais également reçu la réponse de mon professeur concernant le concours d'écriture, je n'avais malheureusement pas été retenue mais cela m'importait peu, je quittais la France de toute façon.

« Les passagers du vol 3846 en direction de New-York sont priés de se présenter dans la salle d'embarquement, merci. »

Je m'approche du comptoir où le personnel contrôle les billets et je fais la queue.

« Tu vas énormément me manquer ma copine ! Je ne sais pas comment je vais faire pour vivre sans toi, ça fait tellement longtemps qu'on se connaît maintenant... Fais bien attention à toi et appelle-moi si tu as le moindre souci. Je ne serais pas là physiquement parlant mais tu pourras toujours compter sur moi, je veux que tu te mettes bien ça dans la tête Ahna. Tu es ma plus fidèle amie et je t'aime », me dit Léna.

Ses beaux yeux bleus sont embués et je commence à apercevoir des larmes qui roulent le long de ses joues. Moi non plus je ne sais pas ce que sera ma vie sans elle. Elle a été présente dans les pires et les meilleurs moments de ma vie. Je la serre fort dans mes bras et lui dit à quel point je l'aime aussi.

« Au revoir », je souffle dans un murmure.

« Bonjour Mademoiselle, votre billet s'il vous plait. C'est un aller ou un aller-retour ? » me questionne l'hôtesse.

Je lui souris, je n'avais pas pensé à ça.

« Pour le moment, ce n'est qu'un aller merci. » Elle me rend mon billet et me demande d'avancer.

Je scrute une dernière fois la salle d'embarquement à la recherche du visage de Raphaël mais je ne vois que Léna me faire des grands signes d'adieu.

Manhattanhenge (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant