Chapitre 12 - Premier contact

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Le jour se faufile entre les rideaux fins et je me réveille en douceur. Bon sang, j'ai un sacré mal de tête ! J'ouvre les yeux lentement pour ne pas que le soleil m'éblouisse. Je ne reconnais pas ma chambre et je mets un temps à comprendre que je suis dans le lit de Raphaël. Oups ! Je me rends compte en levant la couette que je suis dans le plus simple appareil et lui aussi. 

Rapidement, les souvenirs reviennent et un grand sourire s'étire sur mon visage. C'était une nuit merveilleuse. Il est allongé à côté de moi, recroquevillé dans la couette, tel un enfant. Son visage est empreint d'une douceur que je ne connais pas encore. Ses traits parfaits et ses lèvres pleines me donnent envie de l'embrasser.

Machinalement, je consulte mon portable pour voir si j'ai des notifications. En effet, j'ai un message de Léna : « N'oublies pas, jusqu'à midi pour rendre ton chef d'œuvre ! ». Un coup d'œil à l'horloge de mon smartphone me fait paniquer, il est dix heures quarante-cinq. Je me lève à la hâte, joue à cache-cache pour retrouver l'ensemble de mes vêtements et m'habille. Puis, j'écris un petit mot à Raphaël afin qu'il ne croit pas que je me suis sauvé et fonce à mon appartement à l'étage au-dessus.

« Pile à l'heure Mademoiselle Nguyen ! Je vois que vous avez veillé tard pour venir à bout de votre travail, je vous félicite », me congratule le professeur Sailly.

Je rougis, s'il savait la verité.

« Je me suis donné à cent pour cent, j'espère que vous apprécierez.

- Ne vous en faîte pas, je suis sûr que c'est très bien. Vous recevrez un email lundi avec le résultat du concours. Bonne journée Ahna. »

Satisfaite, je sors de la salle où Léna m'attends. Nous choisissons d'aller déjeuner chez elle afin que je lui raconte ma soirée de la veille. Visiblement, elle est aussi excitée que moi par ma nouvelle romance. Elle me fait jurer de ne pas lâcher « ce canon » et de me décoincer un peu. A son tour, elle me raconte ses derniers rendez-vous, avec plus ou moins de détails dont je me passerais volontiers. Je n'ai jamais trop aimé parler de ces choses-là mais Léna elle, est plutôt crue dans ses propos. C'est aussi ce qui me plaît dans notre amitié, elle est exactement ce que je ne suis pas.

Nous sommes en train de dévorer notre steak-frites lorsque mon téléphone sonne. Mon cœur fait un bond, c'est un numéro non francophone qui s'affiche. Je croise le regard de Léna.

« Décroche vite ! » s'écrie-t-elle.

J'ai les mains moites et je ressens une bouffée de chaleur m'envahir complètement. Je respire profondément, clique sur le bouton vert et actionne le haut parleur :

« Allo ? », dis-je d'une petite voix.

« Bonjour, êtes-vous Ahna ? répond une voix masculine.

- Oui, c'est bien moi. Vous êtes ?

- Je me présente, je suis Mike Carter. Mary m'a parlé de vous et comme j'ai une totale confiance en elle, j'ai décidé de vous appeler. J'ai été infiniment touché d'apprendre la mort de votre mère, Loan. J'avais énormément d'affection pour elle, nous avons passés de si bons moments tous les deux à Paris. Cela remonte il y a bien longtemps ... »

A sa voix, je le sens sincère et imprégné par la nostalgie. Cela me fait chaud au cœur, même si il marque une certaine distance avec moi. Avant que j'aie pu lui répondre, il reprend :

« Vous devez sûrement me trouver odieux de n'avoir jamais cherché à prendre de ses nouvelles. La vie est ainsi faite, pour moi mon aventure avec Loan n'était que passagère. Lorsque je suis reparti aux Etats-Unis, je savais que je ne l'a reverrai pas et la vie a repris son cours comme avant. Bien sûr, je n'ai jamais su qu'elle avait été enceinte, sinon j'aurais essayé de prendre mes responsabilités. »

Le mot « essayer » me fait frissonner et me tord le cœur.

« Je vous rassure, je n'ai trompé aucune femme avec votre mère, j'étais déjà séparé de ma première compagne. Néanmoins, j'ai eu une vie depuis et plusieurs enfants. L'annonce que m'a faîte Mary m'a abasourdi car jamais je n'aurais pu imaginer avoir une fille en France... Je peux vous poser une question ?

- Bien sûr, je vous en prie.

- Quand êtes-vous née ?

- Je suis née le 22 août 1995, j'ai aujourd'hui 21 ans. »

Il ne dit rien pendant quelques instants, je suppose le temps de compter les mois.

« En effet, il y a de fortes chances pour que vous soyez ma ... ma fille. Whouah ! C'est un choc, je n'arrive toujours pas à y croire. Ecoutez, j'ai vraiment envie de vous rencontrer, accepteriez-vous ? demande-t-il d'un ton enjoué.

- Oui, oui évidemment ! J'accepte avec grand plaisir, c'est inespéré pour moi si vous saviez ! »

J'essaye de ravaler mes larmes mais les sanglots restent coincés dans le fond de ma gorge et ma voix vibre d'émotion. Pendant cette longue semaine, j'ai imaginé beaucoup de scénarios différents mais au fond de moi je ne pensais pas qu'il allait avoir à cœur de me voir en chair et en os. 

Je jette un coup d'œil à ma meilleure amie et je vois des gouttes d'eau se formaient le long de ses joues. Je le sais, cet instant restera gravé en moi. Toute ma vie je me suis demandé à quoi pouvait bien ressembler mon père, lui que je croyais mort. En moins de deux mois, ma vie avait littéralement basculé, ma mère avait quitté ce monde mais mon père était bien vivant.

« Je peux être à Paris ce week-end, cela vous convient ? s'enquit-il.

- Evidemment ! Appelez-moi lorsque vous serez là, j'habite dans le vingtième arrondissement, je précise.

- Entendu, alors, à samedi. Prenez soin de vous Ahna, au revoir. »

Manhattanhenge (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant