Chapitre 10 - L'appel

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Je respire une grande bolée d'air et prends mon téléphone portable. J'avais préalablement réfléchie à ce que j'allais bien pouvoir dire à cette femme. Il fallait que je sois convaincante et surtout qu'elle se souvienne de ma mère sinon tout était perdu. Je compose le numéro indiqué sur la lettre et sur la photographie. Pourvu qu'elle n'ait pas changé d'adresse !

J'appuie sur le bouton vert, ça y est la tonalité se fait entendre. Une femme au fort accent américain décroche, une chance pour moi que je parle couramment l'anglais :

« Allo ?

- Bonjour, je suis bien chez Mary Johnson ? je demande en croisant les doigts.

- Je suis désolée mais Madame Johnson n'habite plus ici. »

Tous mes espoirs s'effondrent.

« Ah... très bien, merci.

- De rien, au re...

- Attendez ! Savez-vous où je peux la joindre ? S'il vous plaît c'est extrêmement important... dis-je en essayent de paraître la plus sincère possible.

- Je ne connais pas son numéro ni son adresse. Mais je sais qu'elle travaille au « Miracle Records », je vais vous donner le numéro attendez.

- Oui j'attends, merci mille fois Madame ! »

La femme me donne le numéro et une fois les salutations faites, je raccroche le téléphone. Bon, c'est toujours ça, me dis-je un peu déçue. J'en profite pour regarder sur internet où se trouve ce fameux label d'enregistrement et je tombe sur une photographie de Mary Johnson. Visiblement, elle a une fonction très importante puisqu'elle est directrice artistique, rien que ça !

Le bureau est basé à New-York. Comment vais-je faire pour lui parler cette fois ? Je tente une première fois en exposant simplement ma situation. Après quelques échanges, il est clair que la standardiste n'a pas du tout cru à mon histoire. En même temps, la demande ne doit pas être habituelle et je décide donc de me faire passer pour une artiste en quête label, venant de la part de Mike Carter. 

Cette fois, je gagne en crédibilité puisque on me met en attente en me dirigeant vers une tierce personne du nom de Sara Baker. Cette dernière me pose tout un tas de questions concernant ma musique auxquelles je réponds en essayant d'être sûr de moi bien que je suis en pleine improvisation.

« Très intéressant ... me dit-elle. Je transfère votre appel à Madame Johnson, elle connaît très Monsieur Carter et se fera une joie d'aider une de ses découvertes musicales. Au revoir. »

Je suis sans voix, ce mensonge a fonctionné, je ne sais même pas comment. Il est clair que si telle était la vérité, Mike Carter aurait lui-même joint Mary. Soudain, une voix féminine se présente :

« Bonjour, ici Mary Johnson. Vous avez été repéré par Mike c'est bien ça ? »

Il fallait maintenant que je mette fin au traquenard.

« Bonjour Madame, je m'appelle Anha Ly Nguyen, je suis la fille de Loan Nguyen. J'appelle de sa part, je vous en prie vous souvenez-vous d'elle ? Elle était mannequin pour Cabelo à la Fashion Week de Paris en 1994 et ...

- Bien sûr que je me souviens de Loan ! Cela fait au moins quinze ans je n'ai pas eu de ses nouvelles, mais nous étions très amies en ce temps-là. Comment va-t-elle ? demande-t-elle d'un ton enjoué. »

Oups, je ne me suis pas préparée à cette question, bien qu'elle soit évidente. Je déglutis et dit avec peine :

« Elle est ... elle est décédée il y a presque un mois ... »

Le silence s'établit au bout de la ligne.

« Oh ... mon dieu ! Je suis profondément navrée de l'apprendre. Comment cela est-il arrivé ? »

Sa sincérité me touche beaucoup et je lui raconte tout, l'accident, le secours apporté par Raphaël, la seconde crise cardiaque. Puis, j'entre dans le vif du sujet :

« Madame, la raison de mon appel est particulière ... Ma mère m'a laissé une lettre, dans laquelle elle dit avoir fréquenté Mike Carter et que je suis sa ... sa fille. Je crois savoir qu'elle vous avait écrit, en vous donnant la responsabilité de le lui dire, ou pas.

- Tout à fait, je me souviens. Loan avait l'air complétement désemparée. Je sais que Mike l'a aimé profondément même si leur histoire n'a pas duré longtemps. Cependant, je n'ai pas eu la force de lui avouer. Surtout, je trouvais que ce n'était pas à moi de prendre une telle décision, lourde de conséquences. Je suis désolée Anha mais Mike n'est pas au courant ... J'espère que tu ne m'en veux pas. »

J'accuse le coup. D'un côté, cela justifie pourquoi il n'a pas cherché à me retrouver. Je me rassure comme je peux en me disant que l'inverse aurait été pire.

« Non bien sûr, je comprends. Ecoutez, je n'ai aucune famille. Ma mère n'est plus là et j'ai souffert toute ma vie de l'absence de mon père. Croyez-vous qu'il soit trop tard ? Accepterait-il de me rencontrer ?

- Je connais très bien Mike. Il aime ses enfants plus que quiconque et il est toujours présent pour eux. C'est un père exemplaire. Si cela vous tient tant à cœur, je vais lui en parler et lui seul décidera de la suite des événements.

- OUI ! Merci Madame Johnson, du fond du cœur ! Vous ne pouvez pas savoir à quel point c'est important pour moi, je vous en suis très reconnaissante. »

Je sens les larmes me montaient aux yeux, je ne vais pas pouvoir me retenir. Je respire bruyamment pour reprendre mon souffle.

« Je t'en prie Anha, appelle moi Mary. J'espère sincèrement qu'il t'accordera une chance, en tout cas, je vais tout faire pour. S'il le souhaite, il te contactera de lui-même. Courage, ne perds pas espoir, il mettra probablement du temps à digérer la nouvelle. Au revoir Anha, je suis certaine que tu es aussi belle que ta mère. »

Je l'a remercie encore une fois et repose mon portable. Cette fois c'est fait, j'ai un pas vers mon avenir. J'ai envie de sauter partout, l'euphorie me gagne, comme si j'avais fumé quelques substances illégales, je ne tiens pas en place. Il me reste à l'annoncer à Léna et Raphaël.

Manhattanhenge (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant