Chapitre 11 - Un dernier verre

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« C'est génial Anha, je suis vraiment très heureuse pour toi ! J'espère sincèrement qu'il t'appellera, sinon il ne sait pas ce qu'il rate crois-moi, me dit Léna en s'esclaffant.

- Merci, mais j'ai vraiment peur de sa réponse. Si elle est négative, il va falloir que je l'accepte et ce ne sera sûrement pas facile d'être rejeter ainsi ... »

Elle me prit dans ses bras, chose qui n'arrive pas souvent et me dit les mots que j'ai besoin d'entendre.

Hier, j'ai rendu les clés de l'appartement de ma mère. J'ai eu le sentiment de l'abandonner, de la trahir comme si j'avais jeté toutes ses affaires pour me débarrasser d'elle alors que c'était uniquement parce que je n'avais pas d'autres option. J'ai regardé une dernière fois le lieu où j'ai grandi, vide et sans âme. Ce n'était plus chez moi et je ne voulais plus jamais revenir ici, du moins pour l'instant. Le souvenir de ma mère était encore trop présent, comme si chaque mur de l'immeuble me criait « je suis là ! ». Un mois. Déjà. C'était à la fois passé très vite et lentement mais je sais qu'il était encore trop tôt pour tourner la page. Si tant est que je la tourne définitivement un jour. Je voulais aller de l'avant et le coup de téléphone était déjà une bonne étape. Seulement, depuis deux jours, je n'avais pas eu de nouvelles.

Ce matin-là depuis une semaine, je me décide à aller en cours. J'ai totalement laissé tomber, je ne vais pas avoir le choix, il va falloir que je repique cette année. Je suis en cours de littérature anglaise lorsque le professeur nous rappelle un événement que j'ai totalement oublié : le concours d'écriture pour partir un mois à l'étranger.

« Vous devez me remettre pour jeudi au plus tard vos travaux. N'oubliez pas, votre production doit faire cinq pages en anglais bien sûr. Vous devez inventer votre propre nouvelle, recueil de poèmes ou article de presse. Madame Bayet et moi-même élirons le ou la gagnante et vous connaitrez le résultat assez rapidement. Certains m'ont déjà rendu leurs travaux et nous avons donc 10 participants pour le moment. Quelqu'un aurait-il le courage de s'ajouter à cette liste ? Il ne vous reste que deux jours ! »

Léna me tapote le bras en me faisant signe de lever la main. Je lui souffle que je n'ai pas le temps en deux jours de rédiger quelque chose de correct, elle lève les yeux au ciel en soupirant.

« Anha est partante Monsieur !

- Quoi ? Non je n'ai pas le temps Monsieur.

- Ahna, on peut en faire des choses en deux jours vous savez ? rétorque le professeur. »

Oui, je sais. Le temps de perdre sa mère par exemple et de voir sa vie basculer. Je sais qu'au fond d'elle, elle aurait été fière de moi si j'avais gagné ce concours. J'abdique :

« Très bien Monsieur, je suis volontaire !

- Alors à jeudi Mademoiselle Nguyen ! L'heure est finie, vous pouvez disposer. »

Je rentre chez moi et me met directement à la tâche. J'ai toujours eu une idée de récit dans un coin de ma tête, une nouvelle fantastique avec des sorciers, des choix et un univers parallèle. Je reçois un message de Raphaël, il voudrait me voir. Je l'appelle directement pour lui expliquer et nous remettons notre rendez-vous à plus tard.

Au bout de quatre heures, j'avais déjà la trame du récit, il ne me restait plus qu'à rédiger. Vers deux heures du matin, prise de fatigue je m'endors avec le sentiment du devoir accompli.

Je me réveille assez tôt ce matin et continue mon travail, que je finis vers midi. Je l'envoie par email à Léna et Raphaël afin d'avoir leurs corrections et avis.

Je suis en train de me faire à manger lorsque l'on sonne à ma porte. Je regarde par le judas, c'est Raphaël. Mon cœur fait un bond, visiblement je l'apprécie plus que je le souhaiterais.

« Surprise ! J'ai demandé à mon boss si je pouvais finir de bosser chez moi cet après-midi », m'apprend-il.

Il me prend dans ses bras et m'embrasse passionnément. J'avais presque oublié à quel point c'est agréable de sentir son corps contre moi.

« C'est une excellente nouvelle », dis-je ravie. « As-tu reçu mon email ?

- Oui mais je n'ai pas eu le temps de lire ton travail. On peut regarder ça ensemble si tu veux mais j'ai jamais été très fort en anglais », répond-il en m'adressant un sourire à faire fondre n'importe qui. « Au fait... Tu as eu un appel de tu-sais-qui ?

- Hé ! On ne parle pas de Voldemort quand même ! » je m'exclame en le taquinant. « Mais non, je n'ai toujours pas eu de retour de la part de Mike Carter. Cela ne fait que deux jours, peut-être lui faut-il plus de réflexion avant de prendre une telle décision...

- Tout de même, tu es sa fille ! »

Devant mon air contrarié, il n'insiste pas et change de sujet.

Plus tard dans la journée, Léna m'appelle pour me prévenir qu'elle a fini de corriger mon travail. « C'est d'la bombe Anha ! », me dit-elle en guise de compliment. Grisée par cet encouragement, j'imprime ma nouvelle. Demain, j'irais la donner au professeur Sailly. Pour fêter ça, Raphaël, une fois son travail terminé, m'emmène dans un bar du Xe arrondissement. La musique et le mojito aidant, je commence à me détendre et relâcher la pression. Il m'enlace et nous dansons comme des pantins désarticulés, c'est-à-dire mal, mais au moins la joie de se retrouver est réelle.

Il doit être une heure du matin lorsque, après ce qui doit être mon sixième cocktail, je lui propose de rentrer.

« Encore un dernier verre, jolie Anha. Je veux profiter de cette soirée avec toi !

- Raphaël ce n'est pas sérieux, je dois rendre mon travail demain.

- Ce n'est pas grave, tu iras l'après-midi t'inquiètes. »

Son sourire enjôleur réussit à me convaincre, il m'en faut peu face à lui.

« A moins que ... tu veuilles prendre un dernier verre chez moi ? » propose-t-il avec une fausse innocence.

Ma tête tourbillonne, je commence à zigzaguer au lieu de marcher et ma vision se brouille. Grâce – ou à cause – du rhum, j'accepte son invitation en sachant ce qu'il va se passer.

Nous sortons du bar complètement éméchés et décidons d'appeler un taxi pour plus de sécurité. Une fois arrivés à notre immeuble, nous montons les escaliers quatre à quatre, il ouvre sa porte et m'emmène directement à sa chambre, sans passer par la case « dernier verre ».

Manhattanhenge (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant