Chapitre 13 - Opportunité

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Mike Carter doit arriver d'une minute à l'autre. J'ai décidé que ça serait mieux pour nous d'apprendre à nous connaitre dans un café, non loin de chez moi. A Paris, il peut se balader incognito car personne ne le reconnaît, mis à part les plus grands fans du groupe. J'ai une boule au ventre à cause du stress et je me suis changer trois fois avant de trouver la tenue idéale pour un premier rendez-vous, entre père et fille. Je veux qu'il ait une bonne impression de moi.

Mon portable sonne : « Je suis sur l'avenue Galleron ». Ce n'est pas très loin de chez moi et je m'y rends donc à pied. Sur la route, je me demande à quoi il peut bien ressembler aujourd'hui. Les dernières photographies que j'ai vu de lui datent d'il y a cinq ou six ans.

Je me dirige à l'angle de la rue et arrive au point de rendez-vous. Je vois un café un peu plus loin, peut-être m'attend-il devant. Effectivement, plus je m'approche, plus je discerne une silhouette qui ressemble fortement à Mike. Son regard se pose sur moi et je comprends qu'il se demande si je suis la personne qu'il attend, ne m'ayant jamais vu, ce n'est pas une évidence. Cependant, il n'y a pas d'autre jeune fille d'origine asiatique autour de moi. J'arrive à sa hauteur et nous nous dévisageons.

« Anha je suppose ? » demande-t-il prudemment et en français, ce qui me surprend.

J'acquiesce d'un signe de tête, ma gorge étant nouée, je n'arrive pas à parler.

« Entrons s'il vous plait » décrète Mike, avec une froideur que j'aurais préféré ne pas ressentir.

Nous choisissons une place au fond du café, dans un box. Je ne suis jamais venue auparavant, mais la décoration est typique des brasseries parisiennes, on s'y sent bien immédiatement. J'ai le sentiment d'être comme dans un endroit très familier et l'odeur du café fraîchement torréfié permet de me détendre. Je ne sais pas trop quoi dire, alors je me lance avec une formule de politesse.

« Je vous remercie d'être venu. C'est un moment très fort pour moi, jamais je n'aurais pensé rencontrer mon père. »

Je lui tends la photographie que j'ai trouvée dans le carton du grenier ainsi qu'une de moi bébé. Il les regarde attentivement et je vois un sourire se dessiner sur son visage.

« Ta mère était vraiment magnifique. Tu as hérité de cette beauté Anha, c'est certain et en même temps, j'arrive à retrouver chez toi certains de mes traits. Je n'ai aucun doute que tu es ma fille et tu veux savoir pourquoi ?

- Évidemment !

- Tu as mon nez. Je le reconnais » dit-il en riant.

Petit à petit, toute la tension accumulée s'apaise et je me sens en sécurité en sa compagnie.

« Je remarque que vous parlez très bien français ! Pourquoi vous êtes entretenu avec moi en anglais au téléphone ? je demande, intriguée.

- Je ne sais pas l'habitude je pense. En plus, tu parlais un anglais impeccable. Tu sais, j'ai vécu pas mal d'années en France finalement, presque cinq ans au total. Il m'arrivait de venir ici pour quelques mois ou parfois une ou deux années, notamment lorsque j'ai rencontré Loan. J'aime beaucoup cette langue même si je ne saisis toujours pas toutes les subtilités et je l'ai apprise à mes enfants. J'ai tellement de choses à te dire, je ne sais pas par où commencer, il me faudrait des jours, sourit-il.

- On ne peut pas rattraper toutes les années perdues, je le sais.

- J'ai beaucoup réfléchi pendant cette semaine. D'ailleurs je suis désolé de t'avoir fait attendre. Il y a quelque chose qui te retient ici ? Que fais-tu dans la vie ? »

Je lui raconte alors mes études ainsi que la présence de Léna et de Raphaël, en passant sur les détails à propos de ce dernier. Je ne comprends pas trop où il veut en venir, compte-t-il me demander de venir vivre avec lui ? Je finis mon monologue, il baisse les yeux et contemple d'un air vague son expresso. Soudain, il pouffe et assène :

« J'aimerais que tu viennes vivre avec moi. »

Devant mon air perplexe, il continu :

« Je suis sérieux Anha. J'ai envie de te connaitre, de te présenter à mes enfants et à ma femme. Je veux que tu voies comment est ma vie. On pourrait faire un essai ? Je sais que tout sera nouveau pour toi, notamment la célébrité. Mes enfants l'a vivent très bien, sûrement parce qu'ils ont grandis avec les caméras et les photographes... Ce n'est pas facile je te préviens, mais si au bout de quelques semaines tu te sens bien, tu pourrais rester. Définitivement. Je ne t'en voudrais pas si tu dis non, je comprends que ça te fasse peur. Qu'en dis-tu ? »

Je le regarde, stupéfaite. Je ne rêve pas, il me propose d'aller vivre à New-York et accessoirement un nouveau départ. C'est une énorme décision, il faudrait que je quitte mon appartement et surtout Léna et Raphaël. Je suis tiraillé par les émotions, entre l'envie irrépressible de connaître mon géniteur et l'angoisse de perdre les deux personnes les plus importantes de ma vie aujourd'hui. D'un côté, s'ils tiennent à moi, ils comprendront et accepteront ma décision.

Le mot sort de ma bouche, sans que je m'en aperçoive. C'est oui. Mike se lève de son siège, heureux et me prend dans ses bras. Ce contact intime me bloque mais quand je comprends que sa joie est sincère, je me laisse aller à mon premier câlin paternel. Cela fait un bien fou et je repense au fait que ma mère est partie sans que je n'ai pu la serrer dans mes bras une dernière fois, je sens mon cœur se serrer. Après un moment qui me paraît être une éternité, il dessert son étreinte.

Il se rassoit à sa place et m'annonce qu'il repart dans une semaine, ce qui me laisserait le temps de faire mes valises, prévenir l'Université ainsi que Raphaël et Léna. Je lui parle aussi de mon appartement et il rétorque qu'il payera le loyer jusqu'à ce que je décide de rester ou pas. Je ne pouvais pas rêver mieux, je me rends compte que la valeur de l'argent n'est pas la même entre nos deux « mondes » et cela m'inquiète. Je balaye rapidement cette pensée de ma tête.

Nous nous donnons rendez-vous au même endroit le lendemain et nous quittons. J'ai des étoiles plein les yeux et je décide d'aller voir Raphaël pour tout lui raconter.

Manhattanhenge (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant