1er Fragment

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Je me réveille sans savoir pourquoi, Monsieur Pacha (pas de commentaires) serré contre moi, sa douce forme de peluche bien rassurante dans le noir. Je suis dans ma chambre, allongée dans mon lit, les draps un peu en désordre comme tous les matins. Sauf qu'à travers les planches disjointes des volets je vois qu'il fait encore nuit. VRAIMENT NUIT, pas "juste avant le lever du jour". Ça, c'est pas banal, je suis plutôt grosse dormeuse. Envie d'aller aux toilettes peut-être ? Non, même pas.

Un léger bruit quelque part dans la chambre. L'ai-je rêvé ? Sans aucun doute. Paralysie du sommeil ? J'espère pas !

Quelque chose s'approche de moi, quelque chose de bienveillant. C'est sûr, cette fois, je rêve éveillée.

Je glisse à nouveau dans un sommeil complet, et je rêve encore de la Tour...

"Diane ! Diaaaaane ! Tu es debout ça y est ?"

"Arrghhhh..."

Oui, alors, bonjour. Diane c'est mon nom.  Et la voix, c'est maman, qui mange son petit-déjeuner en bas et qui m'appelle de l'autre bout de la maison. Je roule hors du lit en passant sur Monsieur Pacha, ma grosse peluche qui me renvoie un regard félin fatigué. Moi aussi je suis fatiguée, Monsieur Pacha, moi aussi. Mais ce n'est pas vous qui allez au lycée que je sache ? Je pense que ça me donne gain de cause quant à savoir qui peut rouler sur qui.

Je fais ma toilette, je m'habille, la routine d'une matinée comme les autres. Maman qui se lève avec un gros mot parce qu'elle est en retard ? Routine. Papa qui l'embrasse en récupérant sa tasse sale ? Routine. Je leur fais un bisou et je prends mes céréales dans le placard. Routine, toujours.

Maman est déjà au téléphone avec son assistant (pardon, son collègue) pour lui demander s'il a bien vérifié le nom et l'adresse pour l'interview. Ma mère est journaliste et s'appelle Claire. Vous ne la connaissez sans doute pas de nom, mais c'est elle qui a lancé le scandale il y a trois ans sur cette entreprise qui rejetait ses déchets toxiques dans la rivière derrière ses usines. C'est une sorte de super-héroïne, un peu, même si elle déteste qu'on dise ça ("les vrais héros ce sont les pompiers" et blablabla, ce qui est vrai, mais ça n'empêche rien).

Mon père Daniel, celui qui me regarde manger mes Chocobics en commençant la vaisselle, est artiste. Je ne saurai pas vraiment expliquer ce qu'il fait exactement, il faudrait que vous alliez voir dans le garage, peut-être que vous y comprendriez quelque chose. En tout cas, il sculpte et il peint. Bon, en vrai, c'est surtout le directeur de la MJC, mais on sent bien que sa passion, c'est ce qu'il y a dans le garage, pas la paperasse au boulot. 

Mais il manque une personne à ce tableau (en plus de ma grande sœur Marianne qui est en fac). Quelque chose d'un peu rêche passe entre mes mollets... Et s'y agrippe douloureusement. Ah. Le voilà. Je me baisse et j'attrape Damien avant qu'il ne ruine mes jambes de pantalon. Damien, c'est le chat de la maison, qui s'appelle comme ça à cause du fils du Diable dans le vieux film. Il me regarde de ses yeux dorés désapprobateurs pendant que je le soulève par les aisselles. Son pelage gris est râpé, ce qui est bien normal vu son âge... C'est comme s'il avait toujours été là, et j'ai seize ans. Je le pose sur mes genoux et, toujours selon la routine, je lui verse un plateau de lait que je pose en équilibre sur ses pattes. Croyez-le ou non, mais il ne le fait jamais tomber : il se contente de laper, et parfois, si monsieur est de bonne humeur, il ronronne..

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