23ème Fragment

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"Inutile de faire cette tête, Écho." déclare la femme nommée Gouache.

Dans sa bouche, ça sonne comme un titre officiel.

"Tu as peur de nous ?" demande Lavis.

Je plisse les yeux. Dans ma poche, ma main s'est resserrée sur mon téléphone, sur le Talisman. Reflet a dit qu'elle voulait me donner son pouvoir, mais je n'ai pas encore accepté. Du coup, si ces deux-là m'attaquent dès maintenant, est-ce que j'ai la moindre chance ? Je me suis débrouillé avec la Limace, mais...

"De quoi ils parlent ? Tu les connais, Diane ?"

Je tourne la tête vers Marion. Toute à la confrontation, j'avais oublié sa présence, alors même que je m'étais déplacée pour la protéger !

"Pas vraiment, enfin je ne suis pas sûre" je m'emmêle dans les mots. "c'est une drôle d'histoire..." conclus-je, incertaine.

Gouache, qui m'étudiait pendant ce temps, murmure soudain : "Tu n'es pas encore un Écho".

Lavis fronce les sourcils et me regarde mieux. Pourquoi ai-je l'impression qu'ils voient autre chose que ce à quoi se limite ma propre perception d'humaine lambda ? Finalement, les deux intrus se collent dos à dos et me regardent avec un air un peu déçu malgré leur sourire qui persiste.

"Nous nous reverrons" déclarent-ils, avant de se détourner.

Alors là c'est le pompon. Je commence à en avoir assez de toutes ces salades, de ces gens qui débarquent dans ma vie et jouent les mystérieux avant de repartir !

"Et sinon, vous êtes qui ? Ça vous tuerait d'être clairs ? Vous êtes avec Shard et Reflet, c'est ça ? Vous avez un petit club tous les quatre dont le but est de me rendre chèvre ? Ou alors vous allez me dire que vous aimeriez faire de moi votre Écho, vous aussi ?"

J'ai presque cru qu'ils allaient me coller un vent et disparaître en plein milieu de ma diatribe, mais à ma grande surprise ils se retournent.

"Toi, notre Écho ? Je crains que non."

Le ton n'est pas moqueur, mais c'est comme si j'avais proposé quelque chose de fondamentalement impossible.

C'est irrationnel, mais je me sens franchement vexée. "Oh, je ne suis pas assez bonne pour vous ? Mais pour Reflet par contre, ca va ?"

Ils échangent un regard.

"Cela n'a rien à voir" fini par dire Lavis. "À chacun ses forces et ses faiblesses."

Je secoue la tête. "Je n'y comprends rien. Il n'y a rien que vous puissiez me dire, au lieu de repartir comme ça ?"

"Tu n'as pas encore accepté la proposition" déplore Gouache. "Tu n'as pas gagné le droit d'en savoir plus, j'en suis navrée."

Cette fois, malgré une nouvelle exclamation de ma part, ils ne s'arrêtent pas et se dissipent comme des fantômes de fumée. Je ferme les yeux, me pince l'arête du nez, et inspire profondément.

"Alors, Marion, comment te dire..."

"Oui ?"

Je m'arrête net. J'ai déjà vu le regard flou qu'elle me renvoie. C'est celui de mes parents ce matin, après que Reflet ait fait son vaudou sur eux. Aurait-elle oublié la rencontre ? À tout hasard je tente le coup :

"Heu, quelle heure il est ? On est en retard ?"

Elle secoue la tête comme pour chasser le sommeil et regarde son portable.

"Non, mais... il faudrait y aller."

J'ai ma réponse. Gouache et Lavis, Reflet... j'aimerai revoir Shard. Lui au moins n'a pas joué avec les souvenirs de mes proches, même si dans les deux cas cela m'a évité des questions trop gênantes. Je laisse Marion partir un peu devant en prétextant un lacet défait et à la première vitrine, j'apostrophe Reflet.

"Ah, Diane !" Commence-t-elle.

"C'était quoi, ça ?" Ma voix est un grondement, et je refuse de ralentir le pas, pour la forcer à adopter mon rythme.

"De quoi parles-tu ?"

"Les deux sagouins là, Gouache et Lavis, des copains à toi ?" je les lui décris, ainsi que ce qu'ils ont fait à la mémoire de Marion.

"Je ne sais pas de quoi tu parle" dit-elle en secouant la tête.

"Ok, super. Tu veux la jouer comme ça ? À plus." Je l'ignore et commence à marcher vite.

"Diane. Diane !"

Quelque chose dans son ton me fait tourner la tête. Elle me jette un regard implorant depuis la carrosserie des voitures qui attendent au feu.

"C'est ça que je voulais te dire tout à l'heure, Diane. Quand il fallait que je t'avertisse."

"J'écoute."

"Tu t'es déjà fait attaquer une fois, Diane ; infecter, même. Et là, tu me dis que deux personnes étranges qui sont au courant pour le Monde-Miroir t'ont confrontée en pleine rue."

"Et donc ?"

"Maintenant que tu as le Talisman... tu es repérable."

ÉchosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant