Échos

18ème Fragment

"Daniel, regarde !" Dit ma mère, face à la femme du miroir.

Je ressens la nausée d'une balançoire qui descend trop brusquement.

"Ces taches-là ne partent plus, je crois qu'elles sont derrière le verre" montre-t-elle à mon père en pointant du doigt. "Et regarde comme les coins s'écaillent. Il faudrait vraiment penser à tout changer."

...Ils ne la voient pas ? ILS NE LA VOIENT PAS ! Je m'effondre presque au sol de soulagement mais tente de faire bonne figure quand ils se retournent vers moi.

"Bon, mon coeur, on te laisse." Me dit ma mère en m'embrassant le front. "Comme il est tôt, je vais en profiter pour avancer dans mon article. Quelqu'un veut du café ?"

"Non, je suis dans les vapes, je vais plutôt essayer de grappiller une heure de sommeil en plus" répond mon père en posant le téléphone sur une commode.

Ils sortent tous les deux en bavardant dans le couloir. J'entends ma mère se rendre à la cuisine et mon père remonter les escaliers. Mon soulagement se mue lentement en un frisson glacial qui me remonte la colonne vertébrale pour venir me raidir désagréablement la nuque. Ils n'oublient pas quelque chose, là ? Je regarde mes bras, toujours entaillés. Ils étaient en train de m'interroger, ils n'allaient pas lâcher l'affaire, ce qui est normal, et puis d'un coup, ils passent à autre chose ?

Je me retourne lentement, très lentement, vers le miroir. La femme est toujours là, et son visage affiche de l'inquiétude et du... regret ? Non : de la culpabilité. Elle a bel et bien fait quelque chose à mes parents pour qu'ils ne me causent pas d'ennuis, elle se doute que ca me perturbe, et elle s'en veut. Je ne sais pas comment prendre ça. Est-ce que je devrais la considérer comme une alliée ? On pourrait dire qu'elle l'a fait pour m'aider mais... elle a quand même hypnotisé de force mes parents, là. Mes yeux tombent sur le téléphone. A travers cette chose, en plus !

Elle suit mon regard, et l'infernal engin se met à vibrer. Je ne suis pas idiote, les vingt dernières minutes m'ont convaincu du lien entre cette femme et mon portable. De potentielle alliée, je la déplace mentalement à nouveau en zone grise ; mon expérience avec ce téléphone n'a rien, mais alors rien de positif. Si elle a lavé le cerveau de mes parents avec, même pour m'aider, est-ce que ca ne veut pas dire que c'est aussi elle qui a essayé de m'électrocuter hier soir ?

Il vibre. Je peux voir l'icône du miroir tourner sur son petit écran pixellisé. Un miroir. Bien sûr. J'aurai dû faire le lien largement avant de la voir ensorceler papa et maman à travers le téléphone. Tout tourne autour des miroirs, même la limace et ses éclats de verre dans le corps.

Il vibre. Elle me regarde.

Vrrrrrrrrrrr.

Bon allez, ça suffit. N'en pouvant plus, je le prends, je m'adosse au mur pour ne pas être projetée en arrière comme dans la rue, et j'appuie sur l'icône. Il y a un petit flash lumineux autour de ma main et une douce sensation de chaleur. Rien à voir avec l'électrochoc d'hier. Il doit y avoir une logique dans tout ça, mais je ne la vois pas.

"Tu t'appelle Diane."

La voix ne vient pas de nulle part comme celle de la limace : elle sort du téléphone. C'est une voix féminine que je n'ai jamais entendue.

"N'est-ce pas ?" Ajoute la voix, et bien sûr, c'est en synchronisation avec les lèvres de l'apparition.

Je déglutis. Je voulais lui parler, hé bien voilà, je suis en train. Et d'un coup, je n'ai plus rien à dire.

"Diane, je suis désolée pour tes parents. Ils vont bien, je te le promets. Mais ils allaient s'inquiéter et poser des questions, et ce n'était pas souhaitable."

Sa voix est calme mais teintée d'inquiétude. Elle me regarde, comme si elle me suppliait de dire quelque chose, n'importe quoi. Finalement, je murmure d'une voix rauque :

"Comment ça, pas souhaitable ? Qui êtes-vous pour décider ça ?"

Elle hoche la tête.

"Je m'appelle Reflet. Et j'ai besoin de tu devienne mon Écho dans ton monde."