Il est 8H et je me brosse les dents devant la glace. Je me demande quelles conclusions on peut tirer sur mon existence quand voir mon image dans le miroir n'est plus une évidence, et mérite d'être mentionné quand ça se produit. J'ai dis à Reflet que j'avais besoin de temps pour réfléchir et elle a décidé de me laisser tranquille pour quelques heures. Je sais déjà que je n'aurai pas pris ma décision quand elle reviendra, et que je lui poserai d'autres questions. J'ai besoin d'en avoir plus. Parce que, sérieusement. Devenir quelqu'un de spécial ? Avec des pouvoirs ? Je ne peux pas prendre cette décision à la légère ! En tout cas, je suis rassurée pour ce qui est du téléphone, ce n'est pas l'objet maléfique que je craignais. Je n'ai plus peur de l'avoir sur moi et de l'utiliser.
À peine débarbouillée, je compose le numéro d'Hayat. Jusqu'à maintenant j'ai repoussé l'échéance en me disant que c'était trop tôt dans la matinée, mais là je n'ai plus d'excuse, et je veux lui parler avant de descendre au salon. Ca sonne une fois, deux fois... je retiens mon souffle. Trois fois, puis ça raccroche et me bascule sur le répondeur. Mon cœur se serre. Elle a vu qui c'était et a refusé l'appel. Elle ne veut pas me parler. Je réessaye, ça sonne deux fois, puis répondeur. Je me mords la lèvre, tire nerveusement sur une mèche de cheveux, et essaye à nouveau : répondeur, sur le champ. Hayat a éteint son portable. Je serre mon téléphone contre ma poitrine que je sens prête à exploser. Je m'habille, je fais mon sac et je descends l'escalier, tout ça comme une automate. Je fais tout pour ne pas penser à ma meilleure amie que j'ai peut-être perdue à cause de la Limace.
En bas, mes parents m'accueillent avec un sourire inquiet.
"Mon chaton..." dit ma mère, et elle me prend dans ses bras.
"Tu as eut Hayat ?" demande papa.
Je reste sans rien dire dans les bras de maman pendant quelques secondes avant d'être enlacé par mon père aussi.
"Non" dis-je en enfouissant mon visage dans son cou qui sent l'après-rasage. "Elle a... elle a coupé son téléphone pendant que j'appelais."
Je devine le regard qu'ils s'échangent, et ils me serrent un peu plus jusqu'à ce que je me libère.
"Ca va passer" me dit-il en me frottant l'épaule. "Les mauvais moments ne durent que si on les laisse prendre racine, pas vrai ?"
Je hoche la tête mais je ne crois pas trop à ses paroles, là, tout de suite. Il lève la tête pour regarder pensivement le petit autel de protection de la maison et soupire, ce qui dérange la fumée d'un bâton d'encens et la fait onduler paresseusement. Puis il se retourne vers moi.
"J'ai appelé le vétérinaire dès l'heure d'ouverture."
J'ai une brusque inspiration. "Alors...?"
Il retente un sourire. "Le docteur n'était pas là, mais la secrétaire voyait de quel chat je parlais parce que ca s'est très bien passé pour lui. Il est anesthésié mais il va bien. Elle dit qu'on a beaucoup de chance qu'il ait été en si bonne santé, s'il avait été plus vieux ou malade il n'aurait pas tenu." Le vétérinaire veut garder Damien encore un ou deux jours pour l'anesthésie et les contrôles, mais papa compte aller le voir ce soir.
C'est en entendant mon troisième sanglot que je me rends compte que je suis en train de pleurer, assise au sol. Le soulagement est indescriptible. Si Damien a survécu alors qu'il avait l'air si mal en point... ce n'est pas possible que je perde Hayat. Ca ne serait pas logique.
C'est ce que je me dis en mangeant mon petit déjeuner avec mes parents, qui ont reprit des couleurs aussi et s'essayent au bavardage. Après quelques minutes de mastication silencieuse, je me joins à eux ; je n'arrive plus à broyer du noir. Rien n'est réglé avec Hayat, loin de là, mais les nouvelles du vétérinaire m'ont remonté le moral.
J'ai le cœur plus léger quand je sors de la maison, sac sur le dos, avec l'espoir qu'Hayat sera à notre point de rencontre comme tous les matins. Je ne sais pas encore si je vais lui dire pour Reflet, le Talisman, les Limaces ou l'étrange monsieur Shard.
Enfin, c'est ma meilleure amie. La question c'est plutôt de savoir combien de temps je vais arriver à garder le secret !
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Échos
FantasyLes choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être. Diane, une lycéenne comme les autres, découvre un jour la face cachée de son petit monde. Maintenant la question est : que compte-t-elle faire à ce sujet ?