Midi ! Ce n'est pas l'heure des sorcières, c'est celle des hordes de lycéens zombifiés qui font la queue devant la cantine. Enfin, pas tous ; aujourd'hui Hayat a ramené à manger pour toutes les trois. Ou plutôt, elle a un plan pour nous ramener à manger, et ce plan s'appelle Nouri.
On sort du lycée et on s'engage sur la route de derrière, un chemin mal goudronné et encadré de deux fossés remplis de mauvaises herbes. En trois minutes nous sommes arrivés à "la cabane". L'édifice, qui n'a de cabane que le nom, est une espèce de cube en béton avec une porte en fer côté route qui n'est plus qu'une vieille plaque de rouille tagguée par des générations de grapheurs. On ne pourrait même pas l'ouvrir si on voulait, à cause des arbustes qui poussent hors du fossé.
Ces mêmes arbustes cachent presque un rocher calcaire, taggué lui aussi, qui a été posé là pour interdire aux véhicules l'accès à la parcelle de terrain en friche qui s'étend au-delà. Obstacle insurmontable pour une voiture ou même une moto, le rocher est facilement franchi par des lycéennes à pieds, non sans repousser les branchages qui font comme un petit corridor végétal hostile à toute présence humaine. Et derrière, en contournant la cabane, se trouve notre repaire du moment.
C'est une espèce de petite zone défrichée entre le petit bâtiment et un grand poirier mort. Elle est à un mètre de la route, mais complètement invisible à cause de la même haie de lierre et autres mauvaises herbes qui recouvre aussi la façade de la cabane. Il n'y a que quand je grimpe dans l'arbre (une habitude que j'ai prise) qu'un passant pourrait voir qu'il y a des gens là, de l'autre côté. Et, je ne plaisante pas, il y a aussi quelques chaises, et ce n'est pas nous qui les avons amenées. L'endroit est très clairement un squat, mais pas en journée : dans ces moment-là, tout est à nous.
Dix minutes après notre arrivée, Nouri, un des petits frères d'Hayat, nous rejoint à vélo. Il ramène un sac en plastique qui sent bon la cuisine marocaine. J'adore Nouri ; il a treize ans et c'est vraiment un bon garçon. Et, bon, je crois qu'il est un peu amoureux de moi. C'est mignon mais je commence à espérer qu'il se trouve une copine bientôt pour m'oublier sans douleur. Je n'ai vraiment pas envie de devoir le repousser ; déjà que je n'ai moi-même aucune expérience dans ce domaine, je pourrai volontiers me passer de ça !
La nourriture déballée, on mange tous les quatre avec appétit. Nouri fini par repartir (lui aussi, il a école) et les filles décident d'attendre 14h ici, à ne rien faire. Je ne me suis pas encore débarrassée du réflexe de sortir mon portable pour lire un ebook, et à chaque fois j'ai la déception de voir dans ma main le clavier et l'écran minuscule, et l'impossibilité d'y lire quoi que ce soit à part des sms. C'est assez frustrant, parce que j'ai dû me remettre à transporter des livres de poche et ils s'abîment à force de les emporter partout.
Je vais éteindre le téléphone quand je remarque un truc bizarre : dans la mosaïque du menu, entre lecteur audio et jeux, il y a une icône que je n'ai jamais vue. Qu'est-ce qu'il y avait là normalement ? Je me creuse la cervelle, je n'y avais pas vraiment prêté attention. Ah oui ! Téléchargements. Je me souviens, ça m'avait frappé parce que je ne pensais pas qu'on puisse télécharger quoi que ce soit sur une antiquité pareille. Je ne m'en étais jamais servi, en tout cas. Et maintenant, l'option n'est même plus là. A la place, il y a autre chose, une icône de miroir. En dessous, il y a simplement marqué écho.
Hmmm... Je me demande ce que ça fait.
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Échos
FantasyLes choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être. Diane, une lycéenne comme les autres, découvre un jour la face cachée de son petit monde. Maintenant la question est : que compte-t-elle faire à ce sujet ?