28ème Fragment

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De retour en classe, l'après-midi se déroule sans incident... ou presque. À la fin du cours d'Histoire, monsieur Benoît me retient pour me demander pourquoi je n'avais pas mes devoirs quand il m'a donné la parole. Je ne peux pas lui dire qu'Hayat ne me les a pas rendus ce matin ! Il se montre compréhensif quand je parle de mon chat, et je l'assure qu'ils étaient faits et que j'ai simplement oublié de les apporter au lycée parce que je n'étais pas dans mon assiette. Je suis sur le point de partir quand il me retient.

"Diane, est-ce que tu sais pourquoi Hayat n'était pas là aujourd'hui ?"

Je grimace. J'aime bien monsieur Benoît, je l'adore même, mais là pour le coup c'est quand même trop personnel.

"Non monsieur aucune idée, et elle ne répond pas à mes textos donc je ne pourrais vraiment pas vous dire."

Il prend un air ennuyé qui plisse son visage carré.

"Je vois, je vois. Bon hé bien, file. Et j'espère que ton chat ira bien."

"Merci monsieur."

Marion m'attend devant la porte, que je ferme derrière moi avec soulagement.

"Ca va, il ne t'a pas démolie ?" me demande-t-elle en se mettant à marcher avec moi.

"Monsieur Benoît ? Meuh non. Il est sympa tu sais. Je t'ai déjà raconté quand on s'ennuie en contrôle avec Hayat et qu'elle écrit le début d'une blague dans sa copie et que je la termine dans la mienne ? Ben il nous corrige normalement et il fait des commentaires marrants au passage."

Marion glousse, un peu gênée. "J'arrive toujours pas à croire que vous ayez le culot de faire ce genre de truc. Moi je pourrai pas, j'aurai trop peur que le prof le prenne mal. C'est gonflé."

Je hausse les épaules. "T'inquiète, on le ferait pas avec un autre prof. C'est seulement avec lui, il est cool."

Dehors, le soleil est bas sur l'horizon, et la lumière de fin d'après-midi a le manque de chaleur d'un jour d'entre-saison qui a décidé de pencher vers la saison froide plutôt que l'inverse. Les bancs et les tables inoccupés du parterre d'arbres prennent des allures d'aire d'autoroute abandonnée sous cette luminosité, et je me prends à espérer l'arrivée du printemps pour redonner un peu de vie à tout ça. 

Au loin, les élèves rentrent chez eux, et je vois avec joie que le groupe de Vanessa s'est déjà séparé. Leur meute éparpillée, on n'a rien à craindre des hyènes pour ce soir.

"Tu vas voir Hayat, là ?" demande Marion en ajustant son bonnet.

"Oui, tu veux venir aussi ?"

Elle hésite et secoue la tête.

"Non, là c'est entre vous. Bon, après, n'hésite pas à me prévenir si ça ne va pas, hein." Elle sourit. "Je l'appellerai et je lui dirai que je t'ai pardonnée et qu'elle doit te donner une chance aussi."

"Ok d'accord, ben on verra."

On marche ensembles jusqu'à ce qu'elle doive tourner et elle me quitte avec un coucou de la main. 

Je regarde Marion s'en aller et tente de faire comme Reflet m'a expliqué : je l'appelle dans ma tête. En quelque secondes, elle apparaît dans un panneau d'affichage vitré. Je me mets en route et comme ce matin, son image me suit d'une surface à l'autre.

"Bonsoir Diane, comment vas-tu ?"

"Ca va... Je me prépare psychologiquement à affronter Hayat, mais à part ça, tranquille."

"Tu ne lui a pas parlé au lycée ?"

"Elle n'était pas là. Donc je vais chez elle maintenant."

"D'accord, c'est une bonne idée. Sinon, la journée s'est bien passée ?"

J'ai l'impression de parler à ma mère ! Je lui raconte comment j'ai tenu tête à Emilie, allant même jusqu'à la gifler, et comment toute la classe ne parlait que de ça ensuite.

"À part ça, rien de spécial" conclus-je.

En disant ça, j'ai une drôle d'impression, comme en oubliant quelque chose d'important de la liste de course alors que je suis à la caisse. Il n'y avait rien d'autre ?

Les mots me viennent, un par un, difficilement.

"J'ai revu Mr Shard, aussi, à midi."

Reflet fronce les sourcils.

"Qui ça ?"

"Shard, tu sais, le type bien habillé ?"

Elle secoue la tête.

"Je t'en ai forcément parlé ! Il est comme toi et les deux autres."

Reflet a l'air inquiète maintenant.

"Je t'assure que tu ne m'as jamais parlé de lui ! D'où le connais-tu, tu te souviens ?"

Evidemment ! C'était hier en fin d'après-midi, dans la ruelle. Sauf que ça, je le pense... Mais je n'arrive pas à le dire. Les mots ne viennent pas. Après un moment, Reflet pince les lèvres et le Talisman dans ma poche se met à chauffer doucement. 

"Je l'ai rencontré hier soir, après le lycée, et..."

Je m'arrête. Ma langue s'est déliée comme par magie ! Je sors le portable, qui luit un peu avant de s'éteindre.

"Reflet ? Comment tu as fait ça ?"

"Pardonne-moi. Je t'ai transmis un peu de ma puissance, même si je sais que tu n'as pas encore donné ton accord. J'ai eu le pressentiment que ça t'aiderait. Peut-être que ma mémoire revient lentement."

"Oh... Qu'est-ce que ça veut dire, tout ça ?"

Elle prend un air grave.

"Je ne sais pas."

ÉchosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant