Échos

39ème Fragment

"Tu as vu comment on s'est débrouillées ? Ça mérite bien un petit restau japonais moi je dis."
"Encore ? Mais on y est allée la semaine dernière !"

Elles sont de retour chez Diane pour souffler. C'est la fin d'après-midi et le soleil a commencé à prendre de très légères teintes orangées qui dorent les cheveux et la peau d'Hayat, allongée sur le lit avec son corps tout à fait détendu. Diane la regarde et l'envie. Elle se montre si insouciante après chaque combat qu'on dirait qu'elle a toujours fait ça, que ce n'est pas plus grave qu'aller faire les courses avec sa mère.

Mais Diane espère bien qu'elle se fait des idées. Parce qu'elles sont en danger, mine de rien, et que si Hayat n'en est pas consciente, c'est un sacré problème pour toutes les deux.

"À quoi tu pense ?" demande Hayat en lui prenant le poignet pour la tirer vers elle. 

"Rien je- hééé !" glapit Diane en roulant sur le lit déséquilibrée.

Hayat éclate de rire et lui tape la joue.

"T'as toujours l'air trop sérieuse en rentrant de mission."

Diane lui jette un regard en coin.

"Et toi pas assez."

"Comme pour les contrôles quoi ?"

Diane secoue la tête. "On ne risque pas la mort pendant un contrôle, Yat."

Hayat doit percevoir quelque chose dans son ton parce qu'elle se redresse sur un coude et la regarde.

"Diane, hé. On se débrouille super bien, tu trouve pas ? Ça fait combien de personnes qu'on empêche Shard de choper ? Neuf, dix ?"

"Douze" répond Diane en lui attrapant une mèche de cheveux ondulés et en l'écartant entre ses doigts pour jouer avec le soleil. Hayat claque de la langue et récupère ses cheveux.

"Voilà, douze. Et le pire qu'on a eut en échange, c'est des bleus."

Le sourire d'Hayat se fige en voyant l'air blessé que prend Diane. Elle réalise ce qu'elle vient de dire et se mord la lèvre. Une douleur à peine éteinte se ravive dans son coeur, et il est clair qu'il en va de même pour Diane.

Non. Des bleus, ce n'est pas le pire qu'elles aient eu lors d'une mission. Elle a vraiment dit quelque chose de stupide. Diane ramène ses genoux sous son menton et regarde par la fenêtre en silence. Hayat se gratte la nuque et ne sait plus quoi dire. Le silence enfle, à peine meublé par la musique qui vient de l'ordinateur, baissée au minimum.

"Les filles ?" la voix provient de la psyché dans le coin de la chambre.  "Tout va bien ?"

Après qu'elles soient devenues des Echos, Diane a déniché le grand miroir dans une brocante pour permettre à Reflet d'être plus présente. La jeune femme les regarde, inquiète, son visage aux traits irréels peints d'inquiétude.

Elles se redressent et Diane secoue la main vers le miroir.

"Oui oui, t'inquiète pas Reflet. Donc on pensait sortir manger un truc pour fêter ça. Le douzième succès."

Dans son cadre, Reflet hoche la tête. "On peut dire que vous êtes bien rodées maintenant."

"J'irai pas dire qu'on est parfaites" lance Hayat, "même si on s'en sort bien."

Reflet se tapote le menton. "Peut-être qu'en regardant des films ou des documentaires militaires..."

Diane intervient. "Ah non, certainement pas ! On n'est pas des soldats non plus ! Déjà quand Hayat parle de "missions" ça me gêne, alors on reste tranquille là."

"Tu pourrais peut-être nous en dire plus sur nos pouvoirs" suggère Hayat à Reflet. "On est fortes, on saute loin, on a quelques attaques spéciales comme dans les jeux vidéos... Mais vu qu'on a tout découvert au fur et à mesure, je suis sûre qu'il en reste !"

La jeune femme du miroir hausse les épaules. "Je n'en sais rien. Ça fait sans doute partie des choses dont je ne me souviens pas."

Hayat se laisse tomber en arrière sur le lit en grognant de désespoir.

"Evidemment que tu ne sais pas."

Reflet croise les bras et gonfle les joues. "Puisque c'est comme ça, je vais, heu, faire des choses de mon côté. Voilà."

Elle sort du cadre du miroir et après un léger ondoiement l'image redevient celle de la chambre.

"Soit plus sympa avec Reflet, ça doit être frustrant d'avoir perdu la mémoire" la gronde Diane en lui pinçant la jambe de pantalon.

"Oui mais avoue qu'elle est quand même pas très utile quand elle s'y met" râle Hayat avec un sourire qui montre qu'elle n'est pas sérieusement en train de casser du sucre sur le dos de la fille du miroir.

Diane ébauche un sourire et la force à se lever en la tirant par le bras.

"Oui bon, mais je ne lui dirai jamais ça. Elle fait de son mieux."

"Nous aussi, pas vrai ?" demande Hayat, soudain sérieuse. "On fait de notre mieux."

Elles enfilent toutes les deux leur manteau et chassent de leurs pensées l'affreux souvenir qui s'y était glissé un peu plus tôt.

"Ouais. Ouais, nous aussi" acquiesce Diane gravement.

Elles referment la porte de la chambre derrière elles.