II

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“Comment ça se fait que je n'étais mise au courant pour le nouveau ?”

Je lève les yeux au ciel lorsque Jennifer s'installe près de moi, dans l'herbe de la cour. Elle jette ses cheveux roux derrière son épaule droite, laissant son odeur vanillé s'envoler dans l'atmosphère, pour l'envahir de ce doux parfum. Elle retire sa veste en cuir, la pose sur l'herbe, puis s'installe dessus, sous nos regards.

Je n'ai jamais vraiment apprécié Jennifer. Elle a toujours su me mettre hors de moi, et la façon qu'elle a de se comporter avec les autres me rend dingue, mais je suppose que les autres l'apprécient, puisqu'elle continue de faire partie de notre groupe.

Sébastien frappe dans ses mains, un grand sourire aux lèvres à la simple entente du mot "nouveau". Et une longue conversation s'ensuit, sans que je ne prenne goût à la discussion. Mon regard se perd dans la cour. La journée est ensoleillée, et c'est bien une première à Londres. Je croise mes jambes sous mes fesses, tout en arrachant des bouts d'herbes, alors que mes amis s'échangent les potins les plus croustillants de la semaine.

Je me suis toujours demandée si j'aimais être avec eux. Nous sommes si différents. Ils aiment parler de mode, de garçons, de potins, de news, de stars, et moi, je suis là, entre eux, à essayer de comprendre entre chaque paroles, mais c'est toujours peine perdue. Je préfère largement parler de la vie, ou même de rien du tout. Juste profiter de la nature qui s'offre à nous, et non pas au dernier sac à main que Britney Spears a pu s'acheter.

“Hannah !”

La main de Sébastien s'agite devant mes yeux, et je sursaute. Je pousse un grognement en me tournant vers lui, les sourcils froncés et la mâchoire serrée. Il lève les mains devant lui, et formule un petit "désolée" dans sa barbe brune.

“Tu penses quoi du nouveau ?”

Venait-il vraiment de me déranger dans mes pensées, pour me poser une question sur ce stupide garçon ? Je me retiens pour ne pas me lever subitement, et lui lancer mon sac en pleine figure. N'a-t-il pas été élevé dans l'art de ne pas déranger les gens en pleine réflexion ?

Je soupire longuement, cherchant à formuler une réponse simple, mais mon esprit s'embrouille. Je n'ai aucune approprie sur le nouveau, il semble juste mystérieux, un peu comme tout le monde dans ce lycée.

Je balance les derniers bouts d'herbes, puis je frotte mes mains ensemble, avant de les passer dans mes cheveux.

“Rien du tout.”

Ma voix est froide, presque colérique. Sébastien semble d'abord surpris de mon ton, puis finit par acquiescer. J'attrape mon sac de cours, que je jette sur mon épaule, et salut le groupe. Mes jambes me dirigent vers l'entrée du bâtiment G, derrière la cantine, où se trouve tous les casiers, ainsi que la salle de ma prochaine leçon : art plastique. L'ennuie se lit déjà sur mon visage. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma tête lors du choix des cours libres, mais je devais sûrement être sous l'emprise d'une drogue trop forte pour mon petit corps. Je déteste tout ce qui touche de près ou de loin à l'art. Je n'ai jamais compris le concept de dessiner une vulgaire feuille, pour exprimer sa peine. Et je ne parle pas des autres stupidités qu'on peut voir dans les musées.

Je m'arrête devant mon casier, et je prends un instant pour le contempler. Mon cœur se serre lorsqu'une photo de mon père, Noémie et moi apparaît à l'intérieur. Un sourire triste se glisse sur mes lèvres. J'aurais aimé profiter du temps que j'avais avec mon père, lorsqu'il était encore heureux et non pas un alcoolique, doublé d'un joueur compulsif. 

La sonnerie me sort de mes pensées, et je m'empresse de sortir mes vieilles affaires de mon sac, puis attrape les nouvelles, avant de courir à grand pas vers la salle de classe. Le sac sur le côté, je pénètre dans la pièce, sous le regard de quelques élèves déjà présents. Le professeur, Monsieur Walkins, s'installe sur son bureau, sa main dans sa barbe blondes, les sourcils froncés et les lèvres pincés. Le livre qu'il tient dans ses mains me fait doucement sourire : La fortune des Rougons-Macquart, de Victor Hugo. C'était l'un de mes préférés, avant que je ne tombe sur Germinal de Zola.

SHOOT ME [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant