I.

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Un fin filet de lumière pénétra dans ma chambre. Tout était noir. Mes yeux étaient clos. Ma journée d'hier fut longue et sans vie.
J'espérais sans relâche que quelque chose se passe enfin mais en vain. Chaque jour avait étroitement décidé de ressembler au précédent.
Je sortais de ma chambre et allai prendre un petit déjeuner. Je n'avais pas très faim. Comme d'habitude lorsque je me réveille tôt le matin. Quelques minutes plus tard, voyant que j'allais être en retard, je me dirigeai vers l'entrée où j'enfilai mes éternels Docs et fermai le "zip" de mon blouson, bien trop lègé pour un mois d'automne.
Le temps était à l'orage. Il faisait froid. J'arrivai à l'arrêt de bus ou des idiots de mon village s'amusaient à se lancer les feuilles mortes des arbres alentours, qui en ce temps d'automne, débarrassaient de leurs parures en feuillages.
Le bus parut au bout d'une dizaine de minute et je grimpai à l'intérieur, laissant mes écouteurs sur mes oreilles, ne montrant aucun signe de politesse envers le vieillard qui nous servait de chauffeur. Je pris place à côté d'une fille blonde, manque de place pour m'asseoir seul. Ses cheveux ondulés tombaient en cascade sur ses épaules, et sa bouche pincée se tordaient d'abord d'une moue inconfortable. C'est au bout de cinq bonnes minutes de trajet que je remarquai qu'elle n'arrêtait pas de me fixer de ses grands yeux verts, cherchant mon regard, cherchant sans doute à attirer mon attention...Elle perdait son temps. Je fis mine de ne pas avoir remarquer son regard insistant tout le reste du trajet, trop occupé à fixer un point en face de moi, et laissait la musique remplir un monde et un esprit vides de sens...

-Hé! On est arrivés, pousse-toi!

Une main aux ongles vernis de bleu cérulé me bouscula l'épaule. Je retirai un écouteur. Le bus stationnait devant notre établissement, attendant que tous les élèves en sortent, et je bloquai ma voisine de siège, trop occupé à m'imaginer un monde qui n'existe que dans ma tête.

Je n'avais pas beaucoup de cours aujourd'hui, mais ceux inscrits sur mon emploi du temps n'étaient qu'une stupide perte de temps.
Je commençai donc une journée banal par un long cours de chimie où la prof nous parla toute l'heure avec des mots incompréhensibles.
J'avais passé toute cette heure là, à regarder le lever du soleil par la fenêtre.
Le temps s'était légèrement éclairci depuis que je m'étais levé, la pluie ne tombait plus, le ciel se dégageait peu à peu.
Mon deuxième cours de la journée fut tout aussi passionnant. Notre professeur d'histoire avais une voix basse et lente. Cette vieille dame ne devait pas être bien loin de la retraite, je pouvais facilement lui donner 60 ans.
Je m'étais placé au fond de la salle cette fois ci, je voulais être tranquille, loin des regards des autres.
C'était notre premier cours d'histoire de l'année alors personne ne parlait. Il n'y avait que ce silence lourd et oppressant dans la salle quand soudainement quelqu'un frappa à la porte. Étant curieux de savoir qui pouvait bien entrer si en retard, je me redressais sur la chaise où j'étais avachi. Notre professeur s'approcha de la porte et l'ouvrit avec la même lenteur dans ses gestes que dans sa voix, elle m'agaçait vraiment.
La porte s'ouvrit avec un grincement très aigu et dérangeant pour mes sensibles oreilles, mais je fis mine de n'avoir rien entendu, bien trop concentré à essayer de voir qui était la personne qui se tenait derrière.
Je ne vis au départ que son jean, un jean noir, déchiré au niveau des genoux, un jean sans grande originalité, un jean fait pour être acheté par tout le monde. Mon regard s'attarda ensuite sur son pull-over, un pull comme je les aime. Noir,et qui, bien que large, tombait parfaitement sur cette silhouette mince. Et sur ce torse, sur ce corps fin et élancé, ce pull pourtant si banal portait le signe anarchiste scandé en rouge qui y trouvait largement sa place. Et puis j'aperçus son visage, ses yeux, charbon, cernés par la fatigue sans doute, et qui lui donnaient un air désintéressé. Ses cheveux, ses cheveux noires, se dressaient en désordre, adoucissant les traits de son visage trop pâle, un peu sombre. Il balaya la salle du regard alors que la professeure le sermonnait de sa voix monotone, et fit un grand sourire à tous nos camarades. Quand enfin elle eut décidé de le laisser gagner sa place, il la remercia et s'installa à côté de la blonde de ce matin. Tiens, je n'avais pas remarqué qu'elle était dans ma classe...
La pose de midi vint plus vite qu'espérer et je remerciai le temps d'être finalement passé assez vite. Et bien que l'envie de vagabonder dehors m'alléchait tout particulièrement, je me résolus à manger à la cantine. Grosse erreur de ma part, le repas ne valait vraiment pas le détour. Je me plaçai à une petite table au fond du self, près des baies vitrées. J'étais tout seul mais, cela ne me faisait ni chaud ni froid. Ma fourchette pendant au-dessus de l'assiette, je repoussais avec dégoût les asperges qui composaient l'entrée. Toujours mon casque vissé sur les oreilles, le dernier album de Radiohead tournait en boucle dans mon Walkman. En levant malheureusement la tête, la blonde du bus m'aperçut du bout de la salle et me fixa avec cet étrange regard. Elle fit un signe de tête en direction de ma table à une autre fille qui prenait son plateau et à un gars, Joakim si je me souviens bien. Lorsqu'elle commença à s'avancer dans ma direction, je baissai immédiatement la tête. Ne viens pas idiote, ne viens pas, suppliai-je dans mon fort intérieur. Mais elle ne sembla pas prendre en compte ce que je marmonnai puisqu'elle s'installa à ma droite, suivi par ses amis.

-Salut, dit-elle seulement.

Je fis mine de ne pas les avoir vu et montai le volume de la musique qui cahutait dans mes oreilles.

-Hé tu pourrais au moins prendre la peine de répondre!
-C'est vrai ça, répond! Fit l'amie de la blonde en secouant sa tête.
-On t'a vu tout seul et sans amis, on est déjà sympa de venir te voir, tu devrais être reconnaissant mec.

Il veut une médaille aussi? Pour qui il se prend ce vieux mec? Il m'insupporte déjà avec son arrogance mal placée. Joakim est typique des gars qui m'insupportent. Grand, baraqué, riche, belle gueule, bon dans tous les sports, qui joue au con et forcément: Populaire. Je le toisai et me levai. Ça ne valait vraiment pas le coup de venir ici, je n'étais vraiment pas fait pour m'intégrer. Et encore moins avec ce genre de personnes.

-Tu vas le regretter Keesly!

Ouais, on verra ça plus tard...

REXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant