XXVII.

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Je ne m'étais pas réveillé en sursaut comme toutes les nuits, je n'étais pas recouvert d'une sueur collante et bien trop odorante, je n'avais pas la respiration haletante, et je n'avais pas peur. Je n'étais pas effrayé comme lors de ma dernière nuit, parce que je savais maintenant, je savais qui était là, qui se trouvait sur le sol de cette autoroute 29, allongé et sanglant, et savais enfin que je n'étais responsable de rien, que tout cela n'était qu'un simple accident, et que je n'étais qu'une victime, arrivée ici au mauvais moment.
Scampte s'était enfuie au petit matin, Juliet elle, était rentrée bien trop tôt. Je n'ai pas à raconter dans quel état pitoyable je l'ai trouvé, ni la façon dont je l'ai couché dans son lit sans quelle ne bouge le petit orteil.
J'étais passé à la cuisine, j'avais préparé des toasts, du bacon et des œufs, puis j'avais mangé dans un lourd silence. J'arrivais encore à sentir l'odeur dûe l'adeur de la nuit que j'avais passé la veille. Alors je finis à la hâte mon petit déjeuner et je pris une douche, chaude et fumante. J'avais enfilé un jean bleu délavé et déchiré au niveau de mes genoux, mes mythiques bottes, un T-shirt blanc aux motifs et aux patchs décalés et une veste longue brune. Il faisait encore froid dehors, mais le ciel était moins couvert que les jours précédents. Les fêtes de fin d'année touchaient à leurs fins, et nous allions enfin passer à une nouvelle année, une année moins éprouvante et où tout m'était déjà connu. Je n'étais plus cet enfant frêle qui était arrivé de nulle part, qui ne connaissait personne, et qui avait du mal à s'intégrer, non, j'avais simplement grandi, j'étais passé dans le monde des adultes, j'avais découvert de nouveaux horizons, de nouvelles terres. J'étais épanoui, j'avais des amis, une famille qui malgré moi n'était pas aussi présente que ce que j'aurais voulu, mais pas non plus trop absente pour pouvoir être reniée complètement. Les jours avaient avancés, la rentrée approchait plus vite chaque jour. Le lycée avait fixé la date de celle-ci pour le 09 Janvier 1992, et étant déjà le 05, je me devais de réviser au moins le peu de cours que j'avais noté depuis le début de l'année.
Mes cahiers étaient empilés les uns sur les autres sur mon bureau en fouillis. Je reculai ma chaise et m'y installai. J'ai dû perdre trois heures à faire semblant de réviser. Mais à quoi bon m'en plaindre, mieux vaut perdre ces trois heures à lire et à relire des cours que je ne retiendrai pas, plutôt que de m'ennuyer en attendant désespérément l'arrivé du jour J.
J'avais les yeux lourds et fatigués de relire les même phrases encore et encore. J'avais mal au dos, aux jambes et dans le bas ventre. Je me sentais tout engourdi et de petits picotements me démangeaient tout le corps. Je m'étais relevé de ma chaise sur laquelle mon corps avait laissé sa marque, et je me retrouvai à faire les cents pas dans ma chambre. Joshua, Kate ou même Scampte ne m'avaient donné aucune nouvelle depuis une dizaine de jours. Je me sentais simplement coupé du reste du monde. J'étais enfermé dans ma chambre pour ne pas croiser ma mère, et je ne sortais plus. À quoi bon vagabonder seul dans les rues de Livingston?
Le rythme que j'avais donner à la fin de mes vacances se brisa quand mon réveil sonna le matin du 09 Janvier. J'avais mal dormi, je ne me sentais pas dans mon assiette et j'avais faim. Je me suis rapidement habillé, et je suis descendu dans la cuisine me préparer un petit-déjeuner comme jamais je ne m'étais habitué, partis. Il était 7h40 précisément. Un air frais me passait dans mes cheveux devenu bien trop long, me les mettant dans le désordre le plus complet. Le bus est vite arrivé. Je suis monté, saluant le chauffeur au passage comme j'avais l'habitude de faire, et lui comme tous les jours, ne faisait que me fixer et ne montrant aucun signe de politesse.
Il me faisait sourire. J'imaginais sa vie, sa femme et ses enfants, si il en avait bien sûr. J'imaginais comment son couple devait être ennuyeux et plat.
J'avais pris place au fond du bus scolaire à moitié vide. Les fauteuils étaient sales mais confortables pour être transporté qu'une vingtaine de minutes seulement.
Kate me rejoint peu de temps après mon arrivée. Elle portait sa veste en jean clair et son pantalon foncé qu'elle portait souvent. Ses cheveux étaient lâchés et tombaient en cascade sur ces épaules.

-Tu vas bien ?
-Ouais, j'étais pressé que la rentrée arrive.
-J'y ai réfléchi Rex, je me suis emportée la dernière fois, et j'en suis désolée. J'aurais pas dû réagir comme je l'ai fait,tu as tous tes droits de ne pas vouloir sortir avec moi, et je ne peux que les accepter.
-N'en parlons plus Kate. Ce n'est pas grave.

Le lycée n'était pas bondé de monde cherchant à rentrer, ou non, les grilles étaient visibles de loin, et le lycée paraissait simplement vide. Nous avions avancé Kate et moi, marchant dans un silence pesant vers l'établissement. Joshua et Joakim arrivèrent avant que nous puissions rentrés. J'avais le cœur qui palpitait dans ma poitrine, et je ressentais encore la chaleur de nos corps bouillonnants, mais je devais mettre un terme à tout ça, je devais stoppé cette excitation grandissante et naissante dans mon corps. Je saluai Joshua, et repris ma place près de ma sœur. Joakim lui faisait les yeux doux, mais elle ne semblait pas vouloir le remarquer.
Nous étions assis dans la salle de mathématiques, notre professeur nous racontait un charabbia sur les algorithmes, alors je n'écoutais pas. Le vent, dehors faisait se coucher les arbres et flotter leurs branches dénudées dans le ciel.
La grande cour était pratiquement vide, seul quelques élèves n'ayant pas cours ce matin étaient assis sous le préau près du bâtiment principal. J'étais dans le vague, j'avais l'esprit vide, j'avais cette étrange impression que quelque chose n'allait pas.
La cloche sonna, encore, encore et encore jusqu'à la fin de la journée, c'était une longue journée, une journée plate et sans vie. Mes amis et moi nous dirigions vers les bus nous attendant depuis une dizaine de minutes, mais un évènement perturbant se produit, là sous nos yeux.
Patie, Patie était de retour, elle était revenue vers nous pour je ne sais quelle raison bidon.

-Vous vous amusez bien sans moi à ce que je vois, lança-t-elle.
-Patie? Mais qu'est-ce que tu fais là?
-Je n'ai pas le droit de venir faire un petit coucou à mes vieux amis? Des amis qui m'ont lâché pour cette ordure de gamin, faut le dire.
-Pat' de qui tu parles? On ne t'a jamais lâché, c'est toi qui nous a mis à la porte de chez toi et nous ne t'avons pas revue depuis.
-Aha, tu me fais bien rire Kate. Tu n'es donc pas au courant de tout à ce que je vois. Rex ne t'a pas raconté?
-Raconter quoi ?

J'ai soudainement rougi. Je sentais les yeux perçants de Katherine plonger dans mon dos.

-Et bien, Rex n'est pas amoureux Kate, il est amoureux de Joshua.

Il y eut un long silence, bien trop long à mon goût.

-C'est donc à cause de lui que j'ai dû partir, simplement parce que cet énergumène ressent quelque chose pour la personne que j'aime depuis bien plus longtemps que lui! Enfin bon, ainsi vont les choses, je vous laisse.

Puis elle est partie, elle s'était retirée comme elle était arrivée, ne laissant plus qu'un énorme cahot entre nous.
Joshua sauta dans son bus, nous laissant réglé le problème pour lui, Joakim n'étant pas dans cette étrange histoire d'amitié corrompue et d'amourette volé préféra lui aussi se retirer. Il ne restait plus que Katherine et moi. Encore. Elle me regardait droit dans les yeux, mais son regard semblait vide, je pouvais m'y plonger et y tomber comme dans un mauvais rêve éveillé.
Elle ne chercha pas à comprendre. Elle se dirigea vers notre bus, y entra et s'assit. Je la suivis de près, mais je ne pus m'asseoir à côté d'elle. Elle avait posé son sac à dos sur le siège libre à sa droite, me bloquant l'accès. J'ai donc baissé la tête, ravalant ma fierté, et m'installai à la même place que ce matin.
Enfonçant mes écouteurs dans mes oreilles,vpuis me laissant aller sur la vitre, les morceaux défilaient sans interruptions, jusqu'à mon arrivée à la maison. J'étais descendu à l'arrêt le plus proche de la maison, je ne voulais pas marcher pour rien, et puis, j'étais déjà bien assez fatigué pour y arriver. À niveau, là devant la porte, je sortis mes clefs, et ouvrai. J'avais pris cette habitude de la verrouillée dès que je sortais, c'était devenu quelque chose de naturel, et je ne me rendais plus vraiment compte de cette futilité.
 Je me suis posé dès mon arrivé à la maison, sur le fauteuil inconfortable près de mon bureau, j'ai patienté quelques secondes, le temps de me remettre les idées en place et instinctivement, j'ai attrapé le premier crayon lourd qui se trouvait dans mon pot au bord de mon meuble en bois, et griffonnais sur mon papier blanc de long traits et de belles formes tel un artiste amateur. Ouais, j'en étais fier. Fier de me rendre compte que je ne savais toujours pas dessiner la moindre chose digne d'être vue.

REXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant