XVIII.

49 8 0
                                    

Je me réveillai la joue humide, le corps courbaturé. À côté de moi, Scampte était toujours là, presque blottie contre moi, ce qui me surprit d'abord. C'était bien la première fois que j'avais l'occasion de la voir aussi longtemps. Je me tortillai doucement pour ne pas la réveiller, mais en vain, puisque lorsque je tournai mon visage vers elle, la voilà qui papillonnait déjà des cils. Elle me sourit et frotta sa joue contre ma manche de sweat, comme un chat qui demande une caresse. Puis elle s'étira avec la grâce d'une danseuse et quitta son lit de fortune d'une nuit.
Je me levai sans un mot et allai me préparer, avant de venir prendre mon petit déjeuner dans la cuisine où elle se trouvait encore, assise sur une chaise haute près du comptoir. Je lui tendis un beignet à l'abricot, et buvais le contenu de ma tasse, avant de prendre mon sac pour partir.
Scampte me suivit sur le chemin qui me menait chez Joshua et, comme à son habitude, elle disparut dans une ruelle à gauche, sur le trottoir d'en face, sans un signe ou un au revoir. Je n'y prêtai pas attention et entrai dans le "Lizbeth's". Joshua, assis à notre table, me fit un signe de main, m'invitant à le joindre.

-Qu'est-ce que tu fous en pyjama et chocolat chaud à la main ici? Riais-je en prenant place sur la banquette en face de lui.
-Ben je suis chez moi chéri. Et puis on a pas cours avant neuf heures et demi alors ça me laisse tout le temps de boire mon choco-chantilly. Sérieusement tu devrais goûter, ceux de ma mère sont les meilleurs!
-J'aime pas le chocolat chaud.
-Sors de ce café tout de suite, traître! S'offusqua-t-il.
-Tu n'es pas sérieux Joshua.
-Presque. Juste déçu.

Je m'exécutais,  traînant les pieds vers l'avant de la boutique. Je poussai la porte vitrée et sortis. Le froid me glaça les doigts et le vent froid de l'hiver venait s'écraser sur mon visage. J'allais m'asseoir sur le rebord du trottoir, attendant mon ami. Je fermai les yeux, me mettant à penser à je ne sais quoi, je réfléchissais, je me surpris même de percevoir le son d'un lointain violon. Puis mon esprit se tourna de nouveau vers elle, Scampte et sa belle chevelure, Scampte et son étrange fraîcheur corporelle, Scampte et ses yeux profonds, Scampte et ses pulpeuses et douces lèvres, Scampte et son teint irréprochable. Elle me faisait tourner la tête, je finissais par ne plus en fermer l'œil de la nuit. Elle hantait mon existence. J'arrivais encore à sentir la douceur de sa main dans le creux de la mienne. Je sentais ce même mouvement se répéter encore et encore le long de ma paume, comme si elle était encore près de moi, baladant des petits doigts le long de ma main, encore et encore.
J'ouvrais les yeux, sortant de mes pensées, revenant à la réalité, chassant cette adolescente de mes songes. La porte de la petite boutique s'ouvrit. Joshua avançait vers moi. Il tenait dans sa main droite, le dernier morceau de sa viennoiserie et de l'autre son sac de cours.

-Tu viens ? On va finir par être en retard.
-Et c'est toi qui me dit ça? Qui était encore en train de boire son chocolat en pyjama y a vingt minutes?
-Par pitié Rex chéri tais-toi, rigola Joshua.

Depuis un récent épisode où une fille m'a pris pour son copain en m'appelant "Chéri", Joshua avait développé une fâcheuse habitude à m'appeler chéri juste pour se moquer de moi.
En arrivant sur place, nous apprîmes l'annulation des cours pour je ne sais quel raison. Nous nous étions donc levés tôt ce matin pour pas grand chose. Kate ayant appris la nouvelle avait décidée de ne pas rester toute la journée à errer à nos côtés, Joakim l'avait suivi, et nous, nous restions là, comme deux imbéciles loin de chez eux. Un peu irrité et très fatigué, je pris place sur un banc et jetai la tête en arrière. Joshua me saisit par la main, me fit un signe de tête, et se mit à courir, m'entraînant entre les voitures et les camions, nous faisant passer par de petites ruelles. Je restais muet, ne sachant pas où celui-ci voulait encore m'emmener. C'était toujours comme ça. Il m'embarquait sans prévenir, sans rien dire. Ça faisait bientôt quatre mois depuis la première fois que je lui avais parlé et il n'avait pas changé. Toujours aussi imprévisible. Moi qui ne sortait jamais de mes sentiers battus, je n'eus pas la chance de reconnaître le quartier où il m'emmenait. L'architecture des maisons changeait, ça avait quelque chose de plus typique, nous arrivions dans une sorte de parcs aux allures féeriques. On arriva devant une petite maisonnette au bord d'un sentier.

-C'est trop cool ici, fis-je, hébété.

Un banc en balancier était accroché à un arbre, et malgré le mauvais temps, de la verdure continuait de vivre sur les murs de la battisse, s'enlisant dans les gouttières, se moussant dans les arbres. Un petit bassin d'eau vivait, vaguant de petites ondes à sa surface. Je supposais donc la présence de poissons.

-Ça valait le coup de le suivre non?
-Je....Tu m'énerves.

Il me regarda longuement avant de rire. Et comme celui de son adorable sœur, son rire envahit l'espace, rendant l'endroit encore plus agréable. Joshua me devança et sortit une petite clé de sa poche pour ouvrir la porte de la maisonnette. Je le suivi en trainant des pieds.

-Pourquoi on est là Joshua?
-Pour s'évader chéri...

REXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant