XXVIII.

22 5 1
                                    

J'avais perdu la notion du temps, je ne savais plus si nous étions lundi, mardi, ou un autre jour de la semaine, tout ne ressemblait plus qu'à un tas de jours mis au hasard, et fait pour se ressembler en s'enchaînant les uns après les autres. J'avais cette forte impression de me perdre dans un cercle vicieux que la vie s'efforçait de maintenir. J'avançais avec le troupeau, enchaînant à mon tour les semaines qui se ressemblaient encore et encore. Je devais me lever le matin, de bonne heure, m'habiller à la hâte, prendre un petit déjeuner assez consistant pour tenir la journée, mais pas trop pour ne pas avoir la nausée toute la matinée. Je devais prendre le bus, assister à mes cours, jouer le jeu des amis, affronter les problèmes du quotidien et rentrer à la maison, et recommencer, chaque jour la même chose. J'avais simplement cette étrange et irréelle impression d'être piégé comme dans un jeu contrôlé par quelqu'un d'autre que moi.
Scampte ne me rendait plus de visites secrètes, elle ne passait plus ses journées avec moi, ni ses nuits à m'épier, assise sur la chaise dans le coin sombre de ma chambre.
Joshua ne m'invitait plus à passer des jours et des nuits chez lui, il ne restait que plus distant avec le temps. Il ne devenait plus qu'un fantôme bien trop occupé par autre chose que par son ami en manque d'attention et d'affection. Kate, elle, elle ne m'adressera sans doute plus la parole de si tôt. J'aurais sans doute dû lui parler de ma "liaison" avec Joshua bien avant qu'elle le découvre. Joakim n'avait jamais été mon grand ami, c'était plus ce gars sans cesse en compétition avec Joshua, ce gars voulant se faire remarquer par tous les moyens.
Et Patie, Patie, la gentille fille qui ne disait jamais rien. Il faut s'attendre à tout avec ce genre de personnes, on pense les connaître et pourtant, il suffit d'un rien pour leur découvrir un tout autre visage. 
J'étais resté au lit alors que mon réveil me hurlait de faire le contraire. J'étais posé sur mes oreillers, la couverture me recouvrait entièrement. Je me sentais bizarre, j'avais un goût amer dans la bouche, j'avais l'impression de n'être qu'une coquille vide, un corps sans âme. Quelque chose manquait à mon bonheur, quelque chose manquait à me combler.
Ma mère était sortie de la maison un peu avant que mon réveil ne sonne. Je l'avais entendu marcher à pas de loup sur le plancher en bois grinçant de la maison.
Je n'avais donc aucune autorité parentale pour me surveiller, ni pour me dire quoi faire. Je n'en avais jamais vraiment eu de toute manière. Je me suis alors rendormi jusqu'à l'heure du repas. Mon sommeil était très agité. J'avais refait ce même rêve pour la troisième fois, je voyais Joshua pleurant et me regardant, me demandant toute la nuit la même chose, je voyais ce cadavre sur le sol, ce cadavre recouvert de sang, de son sang, regarder fixement le ciel de ses yeux vides de toute forme de vie, et je me sentais de plus en plus coupable à chaque fois.
J'avais alors décidé de me rendre là bas. J'avais enfilé mes grosses bottes et j'avais marché jusqu'à ce que j'aperçoive  l'autoroute 29, ou bien évidemment, la circulation était tout à fait normal, Joshua ne s'y trouvait pas agenouillé à terre et pleurant, et aucun corps ne monopolisait la route goudronnée. Je me sentais soulagé que tout ce cinéma ne soit que le fruit de mon imagination, une farce de mauvaise genre orchestré par mon esprit tordu. J'avais donc fait demi-tour et partant comme j'étais arrivé. J'ai marcher sur quelques mètres, tourner à plusieurs coins de rues, et je suis tombeéface à face avec elle.
Elle avait le don de se montrer au moment les plus opportuns. C'était quand je faisais face à la solitude ou à l'angoisse que celle-ci se montrait, rayonnante comme à son habitude. Ses cheveux noirs aux teintes rouges tombant ses épaules dénudée malgré le froid, son visage angélique et son sourire ravageur. Elle avait tout pour plaire.

-Tiens? Toi ici? Tu n'es pas censé être en cours Rex?
-Je n'y suis pas allé. Je n'en avais ni l'envie, ni le courage. Qu'est-ce que tu fais ici ?
-Je suis venue chercher de la nourriture pour me préparer un petit repas, dit-elle en me montrant son panier en osier rempli de toutes sortes de choses. Tu veux passer à la maison? A moins que tu aies des activités de prévues pour la journée, dans ce cas, une prochaine fois.
-Non, non, je serai là, compte sur moi. Laisse-moi simplement le temps de rentrer et de me changer et j'arrive.
-On se dit... 16 heures, ça te va?
-C'est parfait, souriai-je. C'est parfait.

Elle m'avait transmis ses coordonnées par message dès qu'elle fut arrivée chez elle.
Je m'habillai  aussi rapidement que je pus, et j'ai attendu devant la grande horloge du grand couloir. J'avais déjà enfilé mes chaussures et mon blouson, il ne me restait plus qu'à filer entre les ruelles de la ville et arriver devant chez elle. Je m'étais brossé les dents, parfumé, je m'étais fait tout beau, mais je fus déçu en arrivant devant le champs de ruines qu'était la maison de la belle demoiselle. L'habitation ne ressemblait plus qu'à un amas de pierres sales et détruites par une catastrophe quelconque et le temps lui même. 
J'étais à la fois agacé et triste de mettre fait prendre au piège aussi facilement. Je pensais arriver devant une demeure élégante de la charmante fille que j'avais rencontré par hasard, Mais au lieu de ça, elle m'avait amené devant les vestiges d'un ancien bâtiment n'ayant aucune valeur à mes yeux. J'ai rebroussé chemin, ne cherchant pas à comprendre. Je retraçais mon chemin en sens inverse, accélérant le pas sans même me retourner. Je claquai la porte derrière moi et m'affalai sur mon lit au draps colorés. 
La pièce était sombre et froide, comme le peuvent être celles de grands films d'épouvante, juste avant les scènes où souvent, le public présent traille et sursaute après ces moments d'horreur. 

Il était 19 heures quand Juliet fit son apparition.  Elle semblait radieuse. Mais tout n'est que mensonge, alors je me doutais bien que ce n'était qu'un masque qu'elle s'efforçait de porter avec moi.

-Qu'est-ce qu'il se passe Juliet?
-Excuse-moi, tu disais ?
-Non. Rien. Laisse tomber.
-Tu es sûr mon ange ?
-À quoi tu joues, pourquoi tant d'affection alors que tu restes introuvable, que tu disparais pendant plusieurs jours d'affiliés? Je te rappelle que j'ai passé les 3 dernières semaines seul où tu t'en souviens assez?
-Rex, je n'ai pas que ça à faire de t'informer sur la totalité de mes journées, mais maintenant que tu en parles, et que tu as l'air bien plus ouvert à la discussion, j'aimerais te dire que j'ai trouvé un emploi. Je ne t'en ai simplement pas parlé avant parce que tu es fermé à la discussion et que tu ne veux rien entendre.

Je me sentais bête, bête d'avoir aussi vite, mal jugé ma propre mère. J'étais resté sur mes apprioris, je m'étais aveuglément laissé croire que Richard et elle entretenaient une relation cachée, distante, et interdite, mais non. Loin de là. Ma mère ne faisait que ce reprendre en main, elle arrêtait l'alcool, trouvait de petits jobs, faisait les courses. Elle redonnait ce visage maternel que la maison avait perdu depuis longtemps. Et je ne pus faire qu'une chose ce soir-là. La serrer fort dans mes bras.

REXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant