XVI.

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Scampte me regardait. Elle était confortablement assise sur le bord de mon lit me regardant de haut en haussant un sourcil fière.

-Tu fais quoi là ?
-N'es-tu pas content de me voir ?
-Je n'ai pas dit ça, et ma question était très simple. Que fais-tu là ?

Elle sourit bêtement en guise de réponse, cherchant sûrement à jouer avec mes nerfs. Je soupirai.

-Tu n'es pas de très bonne humeur aujourd'hui! Mal dormi ? Tu t'es disputé avec ton petit ami?
-Mon quoi? Mais tu rigoles je ne sors avec personne !
-Anw Rex, ne fais pas l'innocent, j'ai bien vu les petits regards, tes maladresses et toutes tes excuses bidons pour passer plus de temps avec lui ou aller le voir. Alors à défaut de ne pas sortir avec, avoue au moins que t'as le béguin pour ce "Josh". Très beau garçon en passant.
-Tu dis n'importe quoi.
-Et votre baiser la dernière fois, c'est du n'importe quoi peut-être?

Le rouge m'était monté aux joues, le mot gêne se lisait clairement sur mon visage. Malgré le fait que je veuille le lui cacher, j'étais pour elle un miséreux livre ouvert qu'elle s'évertuait à lire à voix haute, alors je préférai sortir de la pièce sans même lui adresser un mot de plus. Je pris quelques gâteaux dans un panier sur le comptoir en bois de la cuisine, les mis dans mon sac à dos, enfilai mes Docs, pris mon bomber bleu et vert et sortis.
Je faisais de grands pas, mais Scampte était bien décidée à me suivre. Elle marchait près de moi, suivant mon allure, mon rythme.
Scampte...
Je ne saurai dire quand, comment, pourquoi, mais elle avait doucement pris sa place dans mon quotidien. Elle venait et allait au gré de ses envies, libre comme le vent, mais s'installait doucement en moi, aussi vicieuse que la poussière. Je n'étais même plus vraiment surpris de la trouver dans ma chambre au réveil, même si je ne comprenais pas le laxisme de ma mère, que de laisser une fille entrer librement dans la maison. Lorsque j'avais essayé de lui en parler, elle avait juste feint ne pas connaître la jeune fille au teint chocolat, à la chevelure flamboyante frisée d'un rouge vif. J'appréciai néanmoins sa compagnie et j'avais tout le loisir de m'extasier sur la complexité du personnage. De curieuses taches de rousseur sur son nez et ses joues lui donnaient un air enfantin, et ses oreilles presque pointues la faisaient ressembler étrangement à un elfe. Lorsque je me sentais seul ou que je vagabondai dehors, elle me trouvait toujours, et mon visage s'illuminait de voir ses petites boucles de feu dans les parages. J'aimai l'entendre me parler de ses escapades et de ses voyages, et la voir rire à ses propres blagues, pas toujours éloquentes. Elle parlait avec tellement de sagesse et d'expérience, qu'en fermant les yeux j'aurais juré parler avec quelqu'un de trois fois notre âge. Le monde l'ignorait, et elle ignorait le monde. Et elle avait cette charismatique nonchalance qui se mariait drôlement avec la fraîcheur de sa présence.
Scampte...
Elle me tourmentait. Elle m'obsédait. Elle me rendait fou. Elle savait tout. Elle était omniprésente.
Je me rendais chez Kate, mais au tournant de la route, Scampte avait disparu. Je décidai de ne pas faire attention à cette énième disparition et attendais mon amie sur le pas de la porte après avoir préalablement puis après l'avoir récupérée, nous nous rendions vers le café de Lizbeth, qui était un peu devenu le QG de la bande. Nous avions notre table dans un coin ni trop à l'ombre ni trop exposé, près des escaliers en colimaçon qui menait à l'appartement de Joshua. Il régnait dans cette salle, une ambiance indescriptible. Des odeurs de café et de sucre et de fraisiers vinrent chatouiller mes narines lorsque j'ouvrai la porte. Joakim et Joshua étaient déjà installés à notre place quand Kate et moi arrivions.

-Bon on s'y met? On a du boulot aujourd'hui! Fit Joshua, enjoué.
-Patie n'est pas là? Dit Kate.
-T'as franchement envie de la voir là? S'étonna Joakim.
-C'est vrai qu'elle est lourde depuis un moment, ajoutai-je, en rejoignant les autres.

Sans parler de l'altercation dans sa cuisine qui m'avait laissé un goût amer. Enfin, chacun se regarda d'un air entendu comme pour se confirmer qu'elle n'était plus la bienvenue pour l'instant. On passa l'après-midi penchés sur nos cahiers, et 18h venues, je rentrais seul chez moi. Mes pas martelaient le sol avec conviction, je devais parler à ma mère. Voilà des jours que l'on s'ignorait, et le silence était plus pesant qu'en sa période de dépression à forte tendance alcoolique. Mais ma mère eut encore l'air d'avoir eu un coup d'avance et m'attendait de pied ferme.

-Rex prépare-toi, on va au restaurant avec ton père.

Je ne répondais rien et comme d'habitude, je cédai. Je me changeai de façon relative et rejoignais ma mère. Le trajet se fit en taxi, dans une tension monstre. Arrivés sur place, le réceptionniste nous guida vers une table, où mon père nous attendait déjà.

-Asseyez-vous ma femme et ma fille arrivent.

Ma mère et moi prîmes place face à lui et une femme au ventre un peu rond mais à l'élégance folle vint se joindre à nous. De ses lèvres brillantes de rouge, elle embrassa mon père, et nous salua en hochant la tête, d'un sourire amical. Ses boucles blondes en coupe courte lui donnaient un air presque juvénile, et la fraîcheur de ses traits, la rendait radieuse. Lorsque mon regard croisa le sien, je fus surpris de lui trouver un air familier.

-Bonsoir, Joy, enchantée. Il est vrai que la situation pourrait paraître un peu gênante, mais faisons en sorte de s'entendre pour que le repas se passe bien.

Ma mère lui sourit, un peu tendue, jaugeant la femme qui avait volé sa place dans la vie de son ex-mari et père de son unique enfant.

-Où est notre fille? Fit mon père en se penchant vers l'oreille de sa femme.
-Je suis là, répondit une petite voix derrière moi.

Je me retournai pour lui faire face et mes yeux s'écarquillèrent de stupeur.

-KATHERINE?!

REXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant