IX.

73 13 12
                                    

J'étais allongé sur mon lit, mon plaid sur les épaules, regardant le plafond, voyant encore et encore son doux visage, cette fille m'avait piqué à vif, elle hantait mes nuit, et frappait mes pensées le jour, je n'avais jamais consacré autant mon esprit à une personne, elle m'obligeait presque sans cesse à penser à elle.
Il était 7:00, le soleil daignait enfin se lever, un dégradé bleu et orangé nuaient le ciel. La faim me tenaillait le ventre, mais le réfrigérateur de la maison ne répondait pas à ses douloureux appels. Je me vêtis d'un simple jean gris et enfilai un pull noir un peu effiloché. Un, deux, trois,... quinze pas et je me retrouvai dans le petit jardin de la maison. Fouilli, petit mais bien agencé, c'était l'un des seuls endroits de la maison que ma mère tentait encore de faire vivre.
Le vent souffait. Il faisait froid. L'hiver prenait enfin place dans la ville. Et la neige elle? Elle était absente.
J'ouvrais la porte de l'entrée, rentrant du jardin où mes pieds m'avaient conduit et me dirigeai vers la cuisine où, je me servis un grand verre de limonade. J'ouvrais le grand frigo presque vide et pris le bocal à cornichon tout aussi rempli et m'installai dans le sofa tâché du salon. Il n'y avait toujours aucun bruit à l'intérieur de la maison, je quittai donc le canapé, décidé à partir à la recherche de ma mère. Elle était introuvable, elle devait sûrement être sortie pendant mon absence, mais cela ne lui ressemblait guère. Elle était plutôt du genre à rester enfermer toute la journée, à siroter mille et un cocktails douteux.
Sur les coups de 14 heures, elle rentra pourtant enfin à la maison étonnament... sobre, une ribambelle de sacs à la main. Elle enleva ses grandes bottes fourrées et se dirigea dans le salon pour poser ses charges, sous mon regard alerte.

- Pourquoi me regardes tu comme ça? Fit-elle en souriant.
- Non non rien du tout, rien du tout.

Ma mère me semblait bizarre. Elle avait l'aire joyeuse pour une fois. Avait-elle réalisé à quel point j'avais besoin d'elle? À quel point j'étais désolé de ne pas avoir été le fils que j'aurais dû être pour elle? Je doutais que ce soit notre conversation de la veille qui l'ait soudainement mise dans cet état, mais ne sachant point quel avait été le véritable déclic, je me cantonnais à observer Juliet jouer les ménagères, parfaitement habillée, maquillée et manucurée. J'eus presque envie de lui dire qu'elle était belle. La suivant dans son balet de choses à faire et à ranger, je la regardai presque avec des yeux admiratifs. Par curiosité, je me penchai ensuite sur les sacs qu'elle avait apporté pour découvrir enfin ce qu'il y avait à l'intérieur, histoire de savoir quel trésor elle avait apporté. Dedans, les couleurs se mêlaient aux aromes. Tissus, vêtements et légumes, fruits, gâteaux et farine. Sucre, jus et parfums, chaussures, épices et cascades d'articles en tout genre. Tout y était, rien ne manquait. Et à la place de ses traditionnelles bouteilles de forts alcools, je m'étonnai de ne trouver qu'une sobre bouteille de vin ainsi qu'une festive bouteille de champagne.

«Qu'avait il bien pu se passer pendant que je dormais? C'est une étrange et excellente question. »

Abasourdi, je décidai néanmoins comme ma mère, de prendre les devants, et d'aller, exceptionnellement, faire correctement ma chambre. Les fenêtres n'étaient toujours pas ouverts, mais le soleil avait réussi à se faufiler par les petites failles des planches de bois en décomposition qui composaient mes volets, éclairant le tiers de la pièce. Je traînai les pieds jusqu'à ma fenêtre et les ouvris avec aspiration. Un voile de poussière m'irrita les yeux. L'air frais en profita pour pénétrer dans la pièce et la refroidir, laissant place par ailleurs à un nouvel air, moins puant et dérangeant. J'accusai ma mère mais je pouvais aussi me montrer tout aussi négligeant qu'elle, finalement. Cette journée s'annonçait bonne à vrai dire, ma mère se révélait, moi ouvrant pour la première fois depuis des semaines mes fenêtres, la vie prenant enfin place dans la maison. Quelque chose se passait sous nos yeux, mais nous les fermions, comme si, nous voulions simplement pour une fois profiter de ce qui nous étais offert. Juliet arriva dans la chambre où je me trouvais et elle me proposa de déjeuner avec elle. Je me dépêchais alors d'arranger le désordre que j'avais mis dans ma chambre, allais me changer et passais à table. La limonade et le pot à cornichons ne m'ayant pas satisfait, je pris place sur le bar ouvert près du salon. Le bois salis du comptoir donnait à la maison cette étrange air délaisser, faisant même presque abstraction à notre présence. Quand ma mère alluma le feu sous la casserole, je sortis de mes pensées et regardai délicieusement les casseroles qui émanaient une odeur alléchante des aliments qu'elle faisait cuire. Les œufs doraient lentement dans la poêle pendant que les haricots cuisaient doucement. Je pouvais voir la fumer monter haut dans la pièce, et disparaître le long du plafond. Je fermais les yeux et sentais. Elle s'était enfin réveillée et assumait enfin son vrai rôle de mère divorcée. Je relevais la tête et vis ma génitrice portant un grand sourire béât sur son visage. Elle me regardait, comme si elle voulait rattraper le temps perdu avec moi, comme si, tout était redevenu comme avant la soudaine "disparition" de mon père.

Pour ne pas la décevoir et la faire replonger dans son mal-être continue et inlassable, je la regardais à mon tour, la bouche en cœur et le sourire aux lèvres. Quelques secondes plus tard, on toquait à la porte et je me demandai qui pouvait bien demander à nous voir en ce dimanche midi. Je laissai Juliet dans la cuisine et recevai l'invité. Derrière les carreaux de la porte se trouvait un homme carré. Larges épaules et sa taille moyenne, il avait l'allure d'un pitbull et la carrure d'un bulldog.

-Rex, ouvre! Cria Juliet encore derrière les fourneaux.

J'ouvrai la porte avec méfiance. Deux grands yeux noirs me fixaient et me scruptaient de long en large. Un frisson me parcourut l'échine du dos, je reculai de quelques pas en penchant la tête et trébuchais sur mes chaussures qui traînaient dans le hall.

Ma mère sortit de la cuisine, essuyant ses mains sur son tablier et s'avança vers moi, assis sur le sol comme un idiot suite à ma chute, m'aida à me relever et salua son hôte. L'homme entra. Il me regardait toujours. Ma mère afficha un sourire tordu, gênée. L'invité se baissa, ébourriffa mes cheveux et me sourit aussi.

-Salut bonhomme, tu te souviens de moi ?

REXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant