Le vent glacial frappe mon visage de plein fouet. Les jambes dans le vide, je contemple la Seine qui coule sous mes pieds. Ce soir, les clapotis de l'eau contre les berges ne réussissent pas à m'apaiser. J'essaye de reprendre ma respiration après avoir couru comme une dératée. Mon cerveau ne cesse de ressasser tout ce qu'il s'est passé ces derniers jours. Ma dispute avec Ken, ma dispute avec ma mère, ma dispute avec Baptiste. C'est à croire que tout le monde m'en veut. Ou que je suis une plaie, et que je mérite ce qu'il m'arrive. Ma vue est brouillée par les larmes de rage qui coulent toutes seules le long de mon visage. Je suis un désastre ambulant. Le manque de sommeil n'arrange rien à mes problèmes.
Peut-être le fait qu'aujourd'hui soit un jour bien particulier a quelque chose à voir avec mes angoisses ? J'ai l'impression d'avoir accumulé un an de névrose, un an de problèmes refoulés, un an à vivre une vie qui n'est pas la mienne. Aujourd'hui tout part en éclat. Dans ma tête du moins. Toutes mes pensées se chamboulent. J'essaye de me concentrer mais mon cerveau part dans tous les sens et je ne contrôle plus rien. J'ai extrêmement chaud, pourtant, je suis en t-shirt et robe.
J'entends lointainement les rires des gens qui sont eux aussi assis sur les berges et font la fête. Je n'ai pas la force de tourner la tête pour les regarder, je les imagine très bien, transpirant le bonheur et l'innocence. Comme j'aimerais être à leur place. Comme j'aimerais tout oublier et recommencer à zéro. Comme j'aimerais penser que la vie est simple, que l'amour est éternel et que les gens qu'on aime ne disparaissent jamais.
Mon portable me coupe dans mes pensées. Il n'arrête pas de vibrer depuis que j'ai quitté la fête. J'ai envie de le lancer dans l'eau qui scintille sous mes pieds.
De : Lucas
T'es ou ma raie ? On s'inquiète ici, donne signe de vie.Les autres SMS sont tous les mêmes. Des messages des garçons qui veulent savoir où je suis. Des appels en absence. Je n'ai même pas de poche dans cette fichue robe. Je pose le téléphone à côté de moi, consciemment omettant de répondre à qui que ce soit.
La dernière fois que j'étais ici, assise au bord de la Seine à regarder l'eau couler sous mes pieds, j'étais avec Ken. Je frissonne en pensant à ce moment. En pensant à la douceur de ses mains caressant mes bras, à ses yeux pétillants, à son sourire malicieux. Puis je repense à ses yeux noirs, ses poings serrés et son rire empreint d'ironie. J'ai du mal à comprendre son comportement. J'ai l'impression que notre relation passe de l'amour à la haine sans raisons apparentes. A part le fait qu'il m'insulte de pute. Ca c'était une très bonne raison de lui montrer toute la haine que j'avais en moi. A vrai dire, ce n'étaient pas tant ses mots qui m'avaient blessé. Je les avais entendus trop de fois, et ils ne me faisaient plus aucun effet. Ce qui m'avait touché, c'était que je pensais que nous aurions pu être proches, lui et moi. Je pensais qu'il faisait parti des mecs à peu près bien, qu'il était différent. Mais il ne l'est pas. C'étaient tous les faux espoirs que je m'étais fait, combinés à mon manque de sommeil qui exacerbait ma sensibilité, trop d'alcool, et un trop de tout en même temps qui avait fait que je lui avais mis mon poing en pleine figure ce soir-là. Quand mon poing a rencontré son visage, j'ai eu la sensation de faire éclater mes espoirs en éclats. Et hier, quand je me suis réveillée dans ses bras... ugh. Mon cerveau ne savait plus où donner de la tête. J'avais envie de partir, de rester, de le pousser le plus loin de moi possible et que son corps ne s'éloigne jamais du mien. Je détestais avoir des sentiments aussi conflictuels. J'avais l'impression d'avoir à faire à deux personnes différentes et je ne savais jamais sur laquelle j'allais tomber.
- Rhéa ?
Je me retourne rapidement pour voir la personne qui vient d'appeler mon prénom. Maladroite comme je suis, je fais tomber mon portable dans l'eau en même temps. Je soupire en le voyant couler dans les eaux sombres. J'imagine que c'est un mal pour un bien. Exaspérée, je lève les yeux vers la personne qui m'a surprise ainsi.
VOUS LISEZ
The heart wants what it wants
Fanfiction« Il était mon monde. Alors que tout changeait autour de moi, que tout se bouleversait et que tout ce que j'avais connu jusque-là volait en éclat, il était ma seule constante. La personne qui m'importait le plus. Celle qui me faisait le plus de mal...