Chapitre I

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Un coup discret à la porte me tira de mes rêveries. Je ne pris pas la peine de répondre. J'étais trop lasse, lasse de sourire, de faire semblant d'aller bien, d'être aimable. Je voulais juste être seule et avoir le temps de me remettre de mes blessures. Une petite voix brisa le silence.

- Nafyssa, sa mame néna nga nieuw reer!! (Nafissa, ta grand-mère demande à ce que tu viennes dîner !!)

- Khifouma, nopalou rek la beugeu !! (Je n'ai pas faim, j'ai juste besoin de repos!! )

- Mangui lay tibbeul, bo kheuyer suba , ndekeko!! (Je vais te laisser ta part en guise de petit déjeuner pour demain!!)

Celle qui prenait si bien soin de moi est une cousine par alliance, Saly, que j'ai toujours méprisée car elle n'avait pas voulu  faire de longues études. Elle n'en avait pas beaucoup fait d'ailleurs, elle s'était arrêtée en 6e secondaire, sous prétexte qu'elle préférait aider notre grand-mère à écouler ses marchandises au marché. Je n'avais jamais compris ce manque d'ambition et je me disais que l'on était pas du même monde, on n'avait pas les mêmes idées et les mêmes buts dans la vie. Quand j'allais  rendre visite à mes grands parents, c'est à peine si je la saluais. Je dois avouer que j'étais assez arrogante et hautaine avant.

Ironique n'est ce pas? La vie est vraiment pleine de surprises!! Je n'aurais jamais imaginé, même dans mes pires cauchemars, que je me retrouverais un jour, tapie dans l'ombre, me cachant comme une malpropre, et dépendre de ma cousine !! Depuis que j'étais à Ngourane, Saly prenait soin de moi, me forçait à manger, à sortir et m'amuser, sans succés. Je n'en pouvais plus. Le poids sur mes épaules, cette rancoeur dans mon âme , cette peine indélébile, m'empêchaient d'être normale. J'avais honte de la personne que j'étais devenue.

Je vais commencer mon histoire par un retour dans le passé. Je m'appelle Nafissatou T. Je porte le prénom de ma grand-mère paternelle. Je viens d'une famille assez conservatrice et religieuse. J'ai un grand frère, deux petites sœurs et trois petits frères. Papa a une deuxième femme, avec qui il a eu des jumeaux, d'où le terme "3 petits frères ". Nous sommes sept au total, ma mère a eu 5 enfants et sa coépouse en a deux. Elle ne vivait pas avec nous mais nous allions parfois lui rendre visite, histoire de garder de bons rapports avec nos petits frères et elle. Elle est très gentille et nous considère comme ses enfants, tout en respectant ma mère.

J'ai toujours été protégée par mes parents, ils n'ont jamais voulu que j'envie qui que ce soit. Malgré leurs revenus modestes, nous vivions dignement, dans la paix et l'harmonie. J'ai eu une enfance très heureuse, mon père faisait tout pour nous mettre dans de bonnes conditions. J'étais sa "néné" (mère) , comme il aime m'appeler.

J'ai fait tout mon cursus scolaire à Dakar. J'étais une élève modèle et assez brillante, afin quand je me mettais vraiment aux études. J'ai eu à faire des bêtises comme toute adolescente et jeune fille, et certaines d'entre elles m'ont permise de forger la dure carapace que j'ai aujourd'hui.

En terminale, je sortais avec un garçon que j'appellerais Chérif Kane. Il était vraiment tout pour moi. J'ignorais  la nature de mes sentiments pour lui, étant donné que c'était mon premier petit copain. Ayant reçu une éducation assez stricte, le gout de l'interdit était trop tentant, d'autant plus que j'étais l'une des rares filles de la classe à ne  pas  avoir  embrassé de garçons. Mes amies se moquaient de moi tous les jours et j'ai fini par accepter les avances de Chérif. Il était très gentil et prévenant. À cause de lui, je ne me sentais plus comme la fille d'à côté, le mouton noir de la bergerie. J'étais enfin une grande fille.

J'ai eu mon bac en même temps que Chérif. Papa m'a donné l'autorisation d'aller au restaurant avec mes amies, après que mes grands-parents, ma mère et ma tante aient insisté. Ma tante, je l'adore. Elle s'appelle Nabou. Nous avons tous grandi devant elle et elle prenait soin de nous. Elle s'est mariée à l'âge de 19 ans, avec un de ses cousins, mais il l'a laissée continuer ses études. Elle refuse que je l'appelle Tata, elle a un visage si angélique et enfantin que beaucoup de personnes pensent souvent que c'est ma grande soeur. Elle a 11 ans de plus que moi. Elle est la seule personne dans ma famille à être au courant de ma relation avec Chérif. Elle me donne néanmoins de très bons conseils, me demandant de ne pas oublier les sacrifices des parents et d'avoir des limites avec mon copain. Ces conseils étaient importants pour moi car me permettaient d'avoir les pieds sur terre.

Nafyssa: au carrefour des rêves brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant