Une petite fille âgée de huit ans dormait paisiblement à l'arrière de la voiture familiale. Le ronronnement rassurant du moteur avait un effet soporifique sur l'enfant.
Son père était au volant, il fixait la route avec appréhension. Quant à sa mère, même aveugle on pouvait deviner qu'elle cédait à la tristesse la plus profonde. Ses reniflements digne d'un enfant et son regard larmoyant aurait pu faire s'effondrer n'importe quel homme. C'était une femme si belle et au regard si envoûtant, qu'il était impossible de résister. Il se dégageait d'elle une aura de bonté et de sagesse digne d'une mère.
- Calme toi chérie, elle survivra, dit le père d'un ton doucereux.
La petite fille endormie, ignorait tout de la détresse de ses parents, elle pensait partir en vacances avec sa famille. Elle rêvait, paisiblement, sans se douter du moindre danger.
- Tobias, commença la mère entre deux reniflements, ils nous retrouvent toujours.
La magnifique femme d'habitude pleine de confiance et d'audace, sanglotait maintenant, recroquevillée sur son siège. Tobias s'obligeait à rester neutre et à ne pas sombrer comme sa compagne, mais il n'en menait pas loin intérieurement.
- Nous devons être courageux Natasha, il faut absolument la protéger, même si cela nous coûte la vie.
- Je veux qu'elle vive heureuse, répondit la mère, un éclair de détermination digne de son véritable caractère passant devant ses yeux.
- Alors faisons en sorte d'échapper aux meutes.
Et sur ces mots, Tobias accéléra, conscient que la vie de sa petite fille se comptait en minute. La forêt qui entourait la route sur laquelle roulait leur voiture défilait à une vitesse folle. Cet élan de vitesse et l'accélération du ronronnement de la voiture réveilla la jolie petite fille ressemblant traits pour traits à sa mère. Son petit visage angélique aux bouclettes châtains émis une petite moue de mécontentement, elle avait raté le meilleur moment de son rêve.
Elle se frotta les yeux et releva sa tête qui était jusque-là appuyée contre la vitre passagère. Les sens encore brouillés par son réveil, elle ne vit pas les deux énormes mammifères foncer vers sa voiture. Elle ne les vit pas sauter en direction du pare-brise et de ses parents. Elle ne vit pas les larmes de sa mère, et le désespoir de son père. Elle ne vit pas leur impuissance.
Tout se passa très vite, la voiture fut stoppée férocement par les deux gigantesques mammifères. Des éclats de verres s'éparpillèrent, le métal de la voiture se tordit. Ils se jetèrent sur les parents qui luttèrent férocement. Mais ils étaient impuissants même si auparavant ils étaient respectés de tous, procurant respect et soumission.
Ils avaient donné toutes leurs forces à leur enfant, leur ange. Ils n'étaient même plus capables de se transformer depuis cinq bonnes années. Offrant jours après jour leur énergie à Alba, pendant huit années.
Dépourvu de leurs énergies bestiales, ils étaient presque humains, même si leurs origines et leur sang démontraient le contraire.
La petite fille était terrifiée, les yeux écarquillés. Elle voyait le sang, le sang de ses parents. Elle voyait l'un des mammifères planter ses crocs dans la jugulaire de son père. Elle voyait sa mère enfoncer un bout de verre dans l'œil de son ennemi puis se faire griffer férocement le ventre.
- Alba ! cria sa mère au bord du désespoir, fuie !
La bête affrontant sa mère tira la magnifique femme hors de la voiture à travers le pare-brise détruit. Laissant des trainées de sang provenant de son ventre blessé. Son père malgré sa mort imminente dû à sa blessure à la jugulaire cria à sa fille de partir d'une voix éraillée et maladive.
La petite fille au bord de l'évanouissement, tendit des mains toutes tremblantes vers la portière de la voiture, qui avait été il y a quelques minutes, un lieu serein. Elle l'ouvrit et se glissa hors de la voiture.
Les yeux remplis de larmes et le corps pris de spasmes, elle vit sa mère crier, allongée sur le béton, la mâchoire d'une bête immense enfoncée dans son cou. Son père, lâcha prise, son corps se détendit, ses yeux se révulsèrent, il ne devint rien plus qu'un poids.
A la vue de l'horreur, la petite fille, innocente il y a quelques instants, cria de terreur et de douleur voyant sa famille mourir devant ses yeux. Elle ne pouvait plus bouger, appuyée contre la voiture. Elle criait de toutes ses forces, les larmes dégoulinaient de ses yeux verts perçants et envoutants.
Sous le choc, la petite fille ne comprit pas ce qui se passait en elle. Ses os se craquelaient, ses mains grandissaient, son dos se déformait. Mais elle n'avait pas mal. La fureur, la stupeur, le désarroi l'envahie. Sans comprendre pourquoi elle se retrouvait à quatre pattes, elle fit ce que ses parents lui avaient demandés. Elle courut vers la forêt, à toute allure, sans comprendre pourquoi elle allait si vite, ou pourquoi son corps était si puissant.
Les deux mammifères relevèrent la tête, leur principale proie s'enfuyait, ils se mirent à courir après avoir terminé leurs sales besognes.
Elle avait peur, elle voulait leurs échapper, elle ne pensait qu'à courir, courir, courir pendant plusieurs heures. Elle avait peur, elle avait froid, elle ne comprenait pas pourquoi son corps était si étrange, mais elle courrait, pour obéir à ses parents.
Fuir.
VOUS LISEZ
ALBA
ParanormalLa brise du vent, les rayons du soleil sur son pelage. L'odeur de la terre et des fougères. Les bruits des proies aux alentours. C'est le quotidien d'Alba, qui depuis dix hivers, vit dans une forêt sauvage des Pyrénées, sous sa forme de Métamorphe. ...