PDV ALBA :
Il n'émettait aucune énergie, malgré que je puisse de nouveau ressentir son odeur. Je ne savais pas comment il faisait mais cela m'intriguait.
Mais je ne m'attardai pas sur cette réflexion, Eliaz s'arrêta devant son camping-car. Il se baissa et pris une clé cachée derrière la roue avant du véhicule. Il se releva, clé en main et ouvrit la porte. Il se pencha en avant et appuya sur un interrupteur positionné sur le mur d'entré. Les lumières s'allumèrent. Il se décala en se retournant et me fixa.
- Tu es très grande, taille humaine à peu près. Mais tu es fine, tu rentreras facilement à l'intérieur. Allez, dit-il en me montrant l'entrée d'un coup de tête.
Il était toujours impassible, je n'arrivais pas à savoir ce qu'il pensait réellement. Il était complètement inexpressif. Cependant, ses paroles sur ma taille me chiffonnaient. Je restais plus grande qu'un homme adulte comme Scott. Eliaz était juste plus grand que moi de quelques petits centimètres. Il devait mesurer plus de un mètre quatre-vingt-dix. En y pensant, je n'avais jamais croisé d'hommes plus grands que lui au cours de ma vie. Enfin ce n'était pas si extraordinaire, j'avais passé plus de la moitié de ma vie dans une forêt.
Je ne m'éternisais pas et montais dans l'engin avec précaution. J'aurais pu rester dehors, mais quelque chose me disait que je le regretterais. Et de plus, Eliaz, n'avait pas l'air enchanté que je dorme autre part que dans son camping-car. Pourquoi ? Aucune idée. Il avait peut-être peur que je m'enfuis ? Ce n'était plus une option pour moi, la curiosité me grignotait de minutes en minutes. Et puis, je n'arrivais pas à détacher mon regard d'Eliaz, je ne voulais bizarrement, plus m'éloigner.
Le sol grinça sous mon poids mais résista. Je me trouvais désormais à l'intérieur, il me semblait extrêmement luxueux. Je ne m'y connaissais pas en camping-car, n'ayant passé que huit ans aux côtés des humains. Mais je jurerais que ce véhicule était démesurément grand et lumineux. Il représentait tout de même Eliaz dans certains aspects. Il y avait beaucoup de noir mais aussi de bois. L'intérieur avait tout de même un côté assez chaleureux et pourtant sobre.
Je sentis Eliaz monter à son tour et se placer derrière moi.
Je m'avançais légèrement. A ma droite une table avec banquette. A ma gauche un long canapé séparé en deux par une commode. Au-dessus une sorte de plaque noire et plate. Qu'est-ce que c'était ? Je me rapprochais, humait l'air tentant de savoir son utilité. Je l'observais sous ses moindres coutures. J'étais en équilibre précaire sur le canapé, touchant avec mon museau la surface lisse et noire. J'étais un peu ridicule de m'extasier devant quelque chose qui en vérité, n'avait peut-être aucune valeur.
- C'est une télé à écran plat, dit Eliaz en me faisant sursauter. Quand tu t'es transformée, à ton époque, les télévisions étaient encore assez volumineuses et très lourdes. La technologie à évoluée depuis. On peut la regarder depuis la banquette.
J'écarquillais les yeux. Je me souvenais d'avoir regardé la télé plusieurs fois lorsque j'étais petite. Et celle-ci était grise, mais aussi très grande. Elle était imposante et ressemblait plus à un bloc de béton très gros qu'autre chose. La technologie faisait vraiment des miracles pour créer des outils aussi plat et fin.
Je descendis du canapé et continua à marcher au milieu du camping-car. Eliaz me suivait, observant la moindre de mes réactions. Je cru déceler un semblant d'amusement dans son regard lorsque je me retournai pour la énième fois. Je voulais être sure qu'il était toujours là même si mes sens me l'indiquait très clairement. J'aimais juste observer son visage.
J'atterris devant une cuisine plutôt bien équipée et rangée. Je continuai mon chemin et passa une porte menant à une petite chambre composée d'un lit double, d'une table de chevet où plusieurs objets s'entassaient, ainsi qu'une armoire. Une porte entrouverte menait à une salle de bain petite mais utile. L'odeur d'Eliaz était encore plus concentrée dans sa chambre et sa salle de bain que dans tout le camping-car. Mes poils se hérissèrent, mes muscles se tendaient. Mon Dieu, cette odeur devenait de plus en plus dure à supporter. Elle m'envoutait complètement. A chaque inspiration, mon cœur se gonflait et se réchauffait. Cela me mettait à rude épreuve, je devais résister à me rouler en boule dans son lit.
Au niveau de l'entrée, l'odeur délicieuse d'Eliaz m'avait percutée, mais cela était supportable. Cependant dans ce petit endroit reclus et douillet, la senteur de la nature mêlée à la vanille, me captivait.
Je sentais Eliaz derrière moi. Cette fois-ci je ne voulais pas me retourner. J'allais lui sauter dessus si je croisais son regard. Cette odeur présente partout, Eliaz près de moi, cette endroit petit et pourtant luxueux, cela devenait difficile. Je ne savais pas ce qui arrivait à mon corps, à mes sens, mais tout mon être était tendu. Un peu plus et je me rompais moi-même.
Malgré mes nombreuses années dans la forêt, j'avais affuté mes sens et tous les jours, même si je n'appréciais pas, je reprenais le contrôle sur mon animal et réfléchissais. Souvent, je répétais l'alphabet dans ma tête pour ne pas oublier les lettres, les mots, les métaphores, les sens. Je me souvenais des paroles douces de ma mère et de mon père, des mots que je ne comprenais pas, je tentais de deviner leurs sens en les coupants bouts par bouts. Je n'étais pas devenue idiote, non au contraire j'avais continué à entrainer mon cerveau. Mes parents me répétaient sans cesse que l'intelligence ne faisait pas tout, mais qu'elle aidait énormément dans la vie de tous les jours.
Ayant une mémoire visuelle et auditive affutée, j'avais retenu beaucoup d'éléments de la vie humaine. Alors je me les ressassais sans cesse dans ma tête pour ne jamais les oublier. Et cela avait fonctionné. En dix ans j'aurais pu facilement oublier le nom d'un simple canapé ou même d'un camping-car.
Cependant il y avait encore beaucoup de choses que j'ignorais, la société avait évoluée depuis. Et même si prendre le contrôle sur mon animal me rebutait, j'avais tout de même continué à réfléchir dans mes moments de détentes. Je n'aimais pas ça, certains souvenirs désagréables me revenaient. Une fois, j'avais même vomi, au tout début lorsque j'avais commencé ma nouvelle vie, et je détestais cela. Mais je devais le faire, déjà pour ne pas devenir un simple animal et m'emporter, je savais que laisser mon animal me submerger était une mauvaise idée, je voulais quand même toujours garder une petite marge de manœuvre.
Mais aussi car je voulais faire honneur à mes parents, je voulais que même de là-haut, ils voient que je n'étais pas restée une enfant de huit ans. Je voulais qu'ils voient qu'au fond de moi j'avais évoluée, je n'étais pas restée au stade zéro, même si je vivais dans une forêt. Mon refuge.
Il ne faut pas croire que cette vie sauvage avait été facile. Non, pas le moins du monde j'ai énormément souffert. Il ne faut pas croire que ma transformation ne m'avait pas choquée quand je me suis rendue compte que j'étais une tigresse. Il ne faut pas croire que je n'ai pas craqué, que je n'ai pas pleuré même sous forme animal, que je n'ai pas déversé ma rage en tuant des dizaines d'animaux en une seule fois, que je n'ai pas mangé plusieurs jours d'affilés dégoutée de moi, que je n'ai pas connu la famine, la soif, que je ne me suis pas battue contre des animaux sauvages pour survivre, que je n'ai pas saigné, que je n'ai pas eu envie d'abandonné. Non j'ai fait tout cela et encore bien plus. Encore bien pire. Encore plus insupportable pour moi-même.
J'ai souffert, mais tout cela m'a énormément endurcie. Et pourtant, à présent, l'odeur d'un homme avait complètement détruit mes repères.
- Je te laisse ma chambre, je vais dormir dans le canapé lit, me dit Eliaz en se retournant et fermant la porte derrière lui, me laissant seule dans son antre.
Mes barrières cédèrent. Je sautai gracieusement sur le lit et me roula en boule au creux des draps, son odeur empreignant mon être. Je crois que j'étais au paradis. Je ne m'étais même pas rendue compte que mes pattes étaient pleines de terre.
Désolé Monsieur Le bon sens, je n'ai pas pu résister, et puis, c'était si gentiment proposé.
VOUS LISEZ
ALBA
ParanormalLa brise du vent, les rayons du soleil sur son pelage. L'odeur de la terre et des fougères. Les bruits des proies aux alentours. C'est le quotidien d'Alba, qui depuis dix hivers, vit dans une forêt sauvage des Pyrénées, sous sa forme de Métamorphe. ...