Chapitre 16

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Si Noël avait été une épreuve, le nouvel an promettait d'être une torture. Parce que j'allais revoir mon père. Père que je n'avais plus vu depuis plus d'un an. Mon père qui était à l'origine de la déchéance de ma vie. Si mon coeur était dans un état merdique, c'était de sa faute. Et rien ne me ferait changer d'avis. Pas même de le revoir après tout ce temps. Pas même si je sais que je lui ai manqué autant qu'il m'a manqué. Pas même s'il s'excuse et regrette. Non, rien ne me feras changer d'avis. Alors ce Nouvel An s'annonçait merdique.

Bien sûr, ma mère a mis les petits plats dans les grands pour l'occasion même si nous ne sommes que trois. Je l'ai aidée car je ne suis pas impolie mais l'envie n'y était pas. Je n'ai pas envie de faire d'effort pour lui. Je n'ai même pas envie de le revoir parce que je sais que de le voir pourrait faire ressortir des sentiments qui pourraient atténuer ma rancoeur et ma haine. Et ça, je ne le veux pas.

En plus, je sais qu'il y a une fête ce soir: Alice et Libertà y sont allés et ils ne me seront donc d'aucun recours. Je suis coincée. Avec mes parents. Situation très étrange. Surtout que mes parents sont en « break » depuis l'accident. Ma mère, par solidarité, a préféré quitter mon père le temps que je m'en remette... Et je me déteste.

Je me déteste parce que je force mes parents à rester éloignés alors qu'ils s'aiment. Mon père habite New-York. Lui aussi avait besoin de prendre de l'air. Il a carrément mis un océan entier entre lui et nous. Ma mère ne le supporte pas très bien même si je sais qu'ils se voient de temps en temps. Ils vont peut-être se séparer. Mais je suis une putain d'égoïste et je me déteste pour ça. Je me déteste d'être incapable de pardonner mon père et de leur redonner le sourire a tout deux.

Je devrais peut-être essayer de lui parler. Je veux dire, de façon civilisée car nos dernières conversation ont été couvertes par mes cris et mes éclats de voix. Je ne voulais plus le voir. C'était de sa faute. Sa faute si mon coeur était cassé. Sa faute s'il était mort. Entièrement de sa faute.

On sonna à la porte et je pris une grande inspiration. Il était là. Merde! Il est vraiment là. Doucement, je me dirigeai vers la porte d'entrée pour surprendre une scène qui me serra le coeur: mes parents s'enlaçaient et le visage de mon père était enfoui dans le cou de ma mère. La scène était tellement émouvante et rare que mes yeux s'humidifièrent. Je fis demi-tour et décidai de les attendre dans le salon.

Lorsque mon père pénétra dans le salon, j'eus l'impression de revenir un an en arrière. Son visage était marqué par le temps et des petites rides marquaient le coin de ses yeux mais en général, il était toujours le même. Les mêmes cheveux poivre et sel, les mêmes yeux bleus pétillants. La seule différence avec notre dernière rencontre est qu'il soit sobre. Sinon, c'est toujours mon géniteur. « Père » est un peu trop affectueux pour ce qu'il a fait de ma vie.

Je respirai un grand coup pour me calmer et me souvenir de ne pas faire d'esclandre. C'était une simple soirée en « famille ». Soirée vraiment gênante.

Mon père ne savait pas comment réagir face à moi et un silence embarrassant ce déploya dans la pièce. Ma mère se racla la gorge et sourit un peu, tentant vainement de détendre l'atmosphère.

-Passons à table. Tu vas adorer les plats que nous avons fait, Philippe.

Sans un mot, je me dirige vers la table de la cuisine, décorée pour l'occasion, et m'assis toujours en silence. Mon père prend place pendant que ma mère pose une assiette garnie pour l'entrée sur la table. Elle s'assoit à son tour et commence déjà à poser plein de questions.

Ma mère est toujours comme ça: curieuse, joyeuse et calme. Mes parents s'aiment, c'est une évidence, et cela faisait très longtemps que je n'avais pas vu ma mère comme ça. Une boule de culpabilité remonta dans ma gorge mais je la ravalai durement. Ce n'est pas le moment. Je suis sensée être en colère.

Coeur FragileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant