Chapitre 7: Zoé.

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Je ne boirai plus jamais. Je grogne en me tournant dans mon lit. Il faut que la première phrase me traversant l'esprit soit un des pires clichés possible. Je me fais presque honte. Je devrais peut-être me resservir un verre pour oublier tout ça...

Je ricane toute seule dans mon lit à mes pensées. L'alcool ne doit pas être complètement évacué de mon corps pour que je pense à de telles idioties de bon matin. Enfin... Un regard au réveil me suffit à comprendre que la matinée est déjà finie depuis un bon bout de temps.

Je vois tout de suite ça comme un signe du destin qui m'incite à ne rien faire du week-end. Super signe.

Bien décidé à suivre ces incitations mystiques, et absolument fausses, je me lève pour me rafraichir dans ma salle de bain avant de m'étaler sur mon canapé. J'adore mon canapé: un monde de douceur et de moelleux. Je n'ai vraiment pas les idées claires ce matin.

Je crois que je me suis assoupie car c'est la sonnerie de mon téléphone qui me fait ouvrir les yeux. Libertà s'affiche sur l'écran. Etrange, que me veut-il? Je décroche.

-Salut!

Sa voix semble beaucoup trop guillerette pour moi et je sens le mal de crâne poindre. Bonne nouvelle, l'alcool s'évacue enfin, mauvaise nouvelle, j'en subis le contre-coup.

-Salut, Libertà, essaye de parler un peu moins fort, s'il te plait...

-Lendemain de soirée?

-Ouais...

Je dégouline sur mon canapé, fatiguée par ce semblant de conversation. J'espère qu'il a bientôt fini parce que je sens mon cerveau s'échapper et que je ne serai, bientôt, plus en mesure de participer à cette conversation ni même de simplement l'écouter.

-Ok, alors je serai bref. Un défilé s'organise dans une de mes boites de nuit, l'Underground, et tu es cordialement invitée. Alice sera là.

Quel défilé? Et pourquoi dans sa boite? Je suis obligée d'y aller? Mais à la place de ces questions, un simple « c'est d'accord » s'échappe de mes lèvres. Maudite flemme et maudit alcool. Libertà raccroche, tout guilleret, alors que je me demande dans quoi je me suis embarquée.

***

Mon week-end s'achève dans la tranquillité et la paresse et je reprend le travail, Lundi, dans de meilleure disposition. D'ailleurs cette journée se déroule aussi sans accroche. C'est Mardi que l'histoire dérape et part complètement en vrille.

Je dois retourner, avec Beverly, dans les bureau de Ciel pour qu'elle passe un nouveau shooting et que je signe des papiers. Sauf que j'ai l'heureuse surprise de voir pénétrer Mme la mère de Beverly comme une Furie cherchant sa proie pour se nourrir sur son cadavre. En l'occurence, moi. Très imagée comme description, non? Pourtant, c'est comme ça que je l'ai ressenti.

-Mme. Lecombe, je suis horrifiée. Qu'est-ce qui vous a poussé à suivre les idées hallucinantes de cette ingrate?

Son éloquence outrancière me fait rire dans un coin de mon esprit. Cette bonne dame, engoncée dans son tailleur sur-mesure, ne sait absolument rien du monde, elle ne vit que dans un petit cocon protégé de la saleté et elle est « horrifiée »? Et sa fille est une « ingrate »? Finalement, je ne suis plus amusée, plutôt en colère. Pour qui elle se prend cette dame, si sûre d'elle sur ses Louboutins? Je m'en vais la faire descendre de dix bons centimètres. Bon, il faut quand même rester un minimum professionnelle.

-Votre fille ne s'en sortira jamais avec une scolarité classique, je cherche simplement un moyen pour elle de se développer au mieux, expliqué-je, calmement.

-En se prostituant?

Je manque de m'étouffer. Pour qui elle me prend, la dinde sur talon?

-Ecoutez, madame, il ne s'agit pas de prostitution mais de défiler pour une célèbre marque de prêt-à-porté et c'est ce que veut faire Beverly. Il faudrait essayer, non?

-Je ne veux pas que ma fille fasse de... défilé! Elle a un bien meilleur avenir qui l'attend!

-Bien sûr, ce n'est qu'un début. Beverly a un très grand talent artistique et ce projet avec l'entreprise Ciel a pour but de lui faire décrocher un stage comme dessinatrice pour une grande marque. Dior, Channel, Louis Vuitton... Ils seront tous là! Vous imaginez votre fille travailler pour l'un d'eux? Avec son talent, elle y parviendra sans problème.

J'affabule complètement pour le coup. Je sais que Beverly aime dessiner, elle m'a montré ses créations et je les ai trouvée magnifique, mais nous n'avions jamais parlé d'un stage... Mais quand je vois la réflexion se peindre sur le visage de sa mère, je me dis que c'est peut-être ça la solution.

-Très bien, je vais vous laisser faire. Mais si elle n'obtient pas de stage après ce défilé, elle partira directement pour un pensionnat pour jeunes filles. Ils seront la remettre dans le bon chemin. Sur ce.

Elle me salue et je lui renvoie un sourire figé. J'ignore si je viens de sauver Beverly ou de la couler complètement. En tout cas, c'est trop tard pour le rendez-vous chez Ciel. Je vais appeler Jon pour prévenir puis j'irai en pause. Toute cette action m'a vidée.

Coeur FragileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant