Chapitre 9: Jace.

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Trouver l'adresse de Zoé et son lieu de travail n'a pas été compliqué. Pour moi, c'était carrément facile. Elle est devenue éducatrice spécialisée, c'est le détail qui m'a le plus percuté. Pendant un instant, je me suis demandé si notre relation n'avait été qu'une expérience pour elle puis je me suis ressaisis. Cette situation me fait imaginer le pire... et le plus invraisemblable. Au final, je ne sais pourquoi mais ces informations m'ont découragé. En apprendre autant sur la personne que je cherchais à éviter depuis des années m'a assez déstabilisé pour refroidir mes élans de reconquête.

Mardi. La journée touche à sa fin et je n'ai toujours pas rencontré Zoé. Je me sens un peu... nul. Pourtant, je ne fais rien pour y remédier. En soupirant, je quitte mon siège pour m'étirer. Toute cette histoire me retourne complètement le cerveau et j'ai du mal à me concentrer sur mon travail alors je suis à quelques jours d'un des événements les plus importants pour ma société.

En parlant de ça... Jon est sensé finir les photos pour notre prochaine collection. Je devrais aller y jeter un oeil, ça me changera les idées. En plus, la nouvelle doit signer. Je préfère qu'elle finisse chez nous au lieu de tomber sur un vieux pervers qui utiliserait son jeune âge pour se faire du fric sur son dos. Je n'ai pas choisi le milieu le plus honnête et j'ai déjà eu assez d'expériences désagréables pour ne le souhaiter avec personne. Los-Angeles avait vraiment fini par changer quelque chose en moi.

Je pris l'ascenseur pour descendre les sept étages me séparant du studio photo. J'ignore si j'ai jamais aimé l'ambiance qu'on y trouve. Tout est tellement lumineux, assourdissant, éblouissant et mouvant. Pourtant, c'est aussi ce genre d'endroit qui m'a vu réellement naitre et agir pour moi. Le fait que cette pièce et tout l'immeuble m'appartienne me fait sentir puissant. Et cette puissance me tient en sécurité. Pas de pétage de plomb, pas de peur ou de désir. Ni Dieu ni maitre.

À 18 ans passés, j'ai eu une révélation. Ma vie ne m'appartenait pas. Elle était ce qu'en faisait mon père. Mes mains étaient les siennes, mes pensées lui étaient connues et mes actions n'existaient que pour son but. Ma vie n'était pas la mienne. Cette pensée... m'a fait dérailler. Littéralement. J'ai envoyé mon père à l'hosto et je me suis barré à Los Angeles. Meilleure décision de ma vie? Certainement pas mais elle m'a aidé à avancer.

Jon s'arrête dans son travail pour venir me saluer. Il me prend ensuite par les épaules pour m'emmener voir quelques unes de nos mannequins qui se sont rassemblées dans un coin pour bavarder. Je reconnais nos mannequins habituelles en plus de notre toute nouvelle recrue. Il faut que je lui fasse signer les papiers. Je jette un regard aux alentours alors que Jon entame la conversation. J'ignore ce que je cherchais -une petite dame ronde au sourire bienveillant- mais mon regard s'arrête sur une chevelure blonde au téléphone.

Bon. Réfléchis et respire Jace. Actuellement, Zoé est à moins de deux mètres de toi. Tu ne vas pas fuir. Mais qu'est-ce que tu pourrais lui dire exactement? Un verre, un resto ou un ciné? Et pourquoi tu cherches à l'inviter? C'est mieux pour discuter, certes, mais...

Ses yeux bleus se tournent vers moi. Perdu dans mes pensées, mes pieds sont allés de leur plein gré vers elle. Elle semble surprise quelques secondes mais se reprend rapidement. À la lumière du jour, elle est encore plus belle. Ses joues ont perdu leur rondeur d'adolescente, ses lèvres me semblent plus pulpeuses et ses yeux plus bleus. Un océan qui me face de m'engloutir.

« Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire

J'ai vu tous les soleils y venir s'y mirer. »

Aragon avait forcément l'image d'une Zoé en tête car ce sont ces vers entre tous qui m'ont traversé l'esprit. Cette culture, je l'ai obtenue durant mon semestre à Harvard. Pas d'amis, pas de famille, une tendance colérique et des cours barbants m'avaient poussé dans la lecture. En fait, je ne faisais plus que ça. Je préférais me réfugier dans des livres que trainer avec des fils à papa plus hypocrites les uns que les autres. Du coup mon cerveau a tendance a ressortir ce genre de phrases.

Coeur FragileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant