Miséricorde et Alice

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L'épée qu'elle m'a donnée me pèse déjà sur les bras. Bien à l'abri dans son fourreau, elle ne m'a pourtant pas donné de quoi l'accrocher à ma taille. J'avance dans un long couloir rougeâtre. Les torches incrustées dans le mur me révèlent des corps décharnés soudés les uns aux autres et dont la plupart bouge encore. Des mains s'agitent comme pour demander à l'aide accompagnées des lamentations des murs. Pour me détourner de cette horreur, j'observe plus attentivement la poignée de mon épée. Il s'agit d'une représentation de la croix du Christ en lame avec une garde en argent ornée d'un serpent en or qui s'enroule autour. Très confortable, mais plutôt lourde, cette épée avait dû faire le bonheur de son précédent propriétaire. Mais moi, à quoi me servirait-elle alors que j'ai de la peine à la soulever?
À la fin du couloir, je me retrouve dans une pièce circulaire tout en hauteur et je vois une porte plutôt particulière. Une grande construction en bois dans laquelle sont enfermés des milliers de corps humains, vivants, dénudés et écorchés. Leurs suppliques  me rendent folle. Elle s'ouvre dans un grincement qui recouvre tous les cris. Le mur qu'elle percute est hérissé de piques qui transpercent les corps, libérant du sang qui repeint le bois. Les corps transpercés sont encore en vie, condamnés à se faire trouer pour l'éternité. Un immense gouffre se dresse devant moi. Une lueur blanche apparaît, presque salvatrice ici et se transforme en fumée qui prend peu à peu forme. Miséricorde se dessine alors, son visage éteint. Elle fait un petit mouvement de tête et l'écran s'allume sur sa face osseuse.
- Les Limbes te jugeront. Les âmes damnées qui ont été absoutes sont condamnées à rester ici. Ceux qui ont péché sont envoyés dans les Cercles d'en-dessous. Le Juge n'a aucune pitié.
- Attendez... Quel est votre rôle à vous?
- J'ai été condamnée aux Enfers, mais le Maître des Lieux est tombé amoureux de moi. Je lui ai fait comprendre qu'il ne m'intéressait pas. Il m'a maudite et a effacé ma présence des Enfers. Depuis, j'erre dans ces couloirs en attendant une âme charitable qui saurait me délivrer.
- Vous m'avez appelée?
Elle sembla soupirer et ferma ses yeux.
- Effectivement, c'est moi qui t'ai fait venir. J'étais si désespérée... Je ne voulais pas t'effrayer, je voulais juste t'habituer à la vie ici.
Je m'assois au bord du précipice et cherche le paquet de cigarettes dans ma poche. J'en allume une et la fume en agitant mon pied.
- Vous vous rendez compte que si je raconte ça, tout le monde va me prendre pour une folle...?
- Je ne suis pas là pour me soucier de la capacité à comprendre des autres. Je n'en peux plus de les entendre hurler. Jamais une seule bonne chose ici... Même pour se balader tranquillement, c'est une véritable épreuve. Des visions d'horreur, des choses malsaines, la souffrance perpétuelle...
Je termine ma clope et la balance dans le vide. Je soupire et me laisse tomber. Je ne hurle pas. Il y a sûrement quelque chose en bas pour me rattraper. Le mur du trou me semble fait de pierre. Bonne nouvelle.
J'atterris plus bas sur un tas empestant la mort. Je remarque alors qu'il s'agit d'un groupe d'organes humains entassés. J'essaie tant bien que mal de retirer le sang, mais rien à faire. Un démon noir avec des sabots et des cornes semble garder la porte que je vois plus loin. Miséricorde apparaît à nouveau à mes côtés et elle observe le démon.
- Les serviteurs du Maître des Lieux le protègent assidument. Ils voudront te lacérer, t'écorcher et faire en sorte que toi non plus, tu ne ressortes jamais d'ici.
- Charmant, dis-je en haussant un sourcil.
J'empoigne mon épée et pars affronter mon ennemi. D'abord, j'ai du mal à la soulever pour échanger des coups avec lui et ses coups d'épée m'atteignent à l'épaule et sur les flancs. Je vois mon sang se déverser sur le sol et je ressens des picotements. Emportée par mes élans, je réussis à trancher les mains de mon ennemi. Dans une remontée de fureur. Je lui tranche le cou en criant. Il s'affaisse à genoux et tombe grossièrement sur le sol. Je m'écroule à mon tour sur le sol, le sang s'échappant de mes blessures, je sombre doucement dans l'inconscience.

Alice's Inferno (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant