Le Broyeur

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Je retire les aiguilles dans mes jambes en grimaçant. La douleur vive me brûle. Je me dégourdis les jambes avant de foncer droit devant moi, les araignées à mes trousses. Hors d'haleine, les jambes lourdes, je continue à courir, ne pensant qu'à ma survie. Je dérape sur le sol pour bifurquer, heurte le mur et continue en essayant de garder mon rythme. Une trappe s'ouvre plus loin et je sens une importante chaleur en émerger. Je double ma vitesse - dans ces situations désespérées, les humains font preuve d'une force et d'une résistance hors du commun - et saute par-dessus le trou. Les araignées tombent dans les flammes et brûlent dans des cris stridents. Je souris nerveusement avant de poursuivre mon chemin.
Pendant des heures, je choisis mes intersections au hasard, tombe sur des culs-de-sac et sur d'autres abominations effrayantes. Un nourrisson géant raccordé à immense coeur, un homme décharné que j'ai dû abattre, d'étranges créatures difformes... Rien ne semblait plus m'étonner ici.
Un cliquetis, un bruit de vapeur et de métal réveillent mon attention. Un hurlement métallique résonne au loin, comme un gémissement. J'écarquille les yeux et ma gorge se noue. J'avance prudemment. Je regarde à chaque angle. Au bout d'un moment, j'observe une grosse masse, postée au fond du couloir. Je reviens dans l'angle, me poste contre le mur et ferme les yeux. Je me présente face à cette chose. Elle avance. Merde. Le rai de lumière révèle un énorme monstre humanoïde mâle avec quelques morceaux remplacés par du métal. Son ventre est ouvert sur une grosse scie circulaire, ses bras sont entièrement en métal et à la place des jambes, il possède des chenilles de tank. Je vois également sur ses tétons deux petits bouts de métal dont je m'interroge l'utilité. Dans son dos, je remarque également une poignée mais je ne peux en voir plus, le reste étant masqué par son énorme corpulence. J'écarquille les yeux alors qu'il se rue vers moi à toute vitesse. Je me reprends très vite et serpente dans le labyrinthe à toute vitesse. Au bout d'un moment, je tombe sur une porte. Vu qu'il s'agit d'une impasse et que revenir sur mes pas me ferait me confronter au truc qui me court après, je décide de l'ouvrir. Une grande pièce aux allures de boucherie, suintant le sang et la mort. Dans un grand seau sont entreposées des jambes humaines tandis que des bras du même genre pendent au bout de crochets. Une victime encore en vie est attachée au mur à l'aide de lourdes chaînes. Il s'agit d'une femme. Je peux lire dans son regard le désespoir et la frayeur. Une goutte me tombe dessus. Je vérifie: du sang. Je lève les yeux et observe des centaines de têtes coupées disposées comme de vulgaires lampes. La porte s'ouvre. Il est là. Je me précipite vers la prisonnière. J'entends un cliquetis. Ses grappins se propulsent rapidement. Ma survie avant tout... je plonge sur le côté et les accroches se plantent dans la peau de la pauvre femme qui hurle. La scie circulaire se met en marche et les câbles qui relient les grappins s'enroulent désormais pour ramener la victime. Elle reste quelques instants à se débattre, ses attaches l'empêchant de partir, mais elle hurle car le métal coupe sa peau. Elle se fait d'abord déboiter les épaules, puis, avec une pression immense, ses chevilles et ses poignets cèdent. La scie la tranche dans une valse de bouillie d'os et de sang. Le monstre se tourne vers moi et me regarde avidement. Je reprends ma course en tentant de lui balancer tout ce que je peux à la figure. Je vois une autre porte. Il avance sans tenir compte de mes projectiles. Je fonce à la porte et la referme en y mettant tout le poids de mon corps. Ses grappins transpercent le métal juste au-dessus de ma tête et arrachent la porte de ses gonds. Je suis arrivée dans une espèce de simulation lunaire avec des monticules de pierres disposés un peu partout. Je me demande d'abord ce que cette pièce fiche ici avant de me rappeler que j'ai d'abord un problème plus urgent à régler. Le boucan des chenilles brisant la pierre me révèle l'endroit ou il est. Je me cache parmi les pierres. Ma respiration est haletante. Mes jambes sont lourdes tandis que je me baisse pour échapper à tout regard dans ma direction. J'écarquille les yeux. Une ombre menaçante pèse sur moi. Il est là, tout proche. Je sens sa respiration rauque former un mot.
- Aaaaaliiiiiissssse....
"Alice". Ce truc connaît mon nom? Étrangement, je n'ai pas envie de connaître le sien... une intuition...
Son regard vitreux croise le mien. Et merde. Je me relève, entends un cliquetis métallique et vois les deux grappins me foncer dessus. Je les détourne avec le plat de ma lame et cours de toutes mes forces loin de lui.
- Ce n'est pas comme ça qu'on se présente à une femme! lui lancé-je.
- Le Maître... ravi... revoir... toi...
- Qu'elle aille se faire foutre!
- Le Maître... pas aimer... parler comme ça...
- Je m'en fous complètement! Je n'ai jamais dit que je l'appréciais. Si je suis ici, c'est pour lui éclater sa sale gueule d'éternelle satisfaite.
Il attrape la poignée dans son dos et dévoile une gigantesque arme à feu. J'écarquille à nouveau les yeux et fronce les sourcils.
- Dis-moi... si le Maître désire tant me revoir, ne devrais-tu pas m'amener à lui en vie?
- Le Maître... ravi... chaque morceau de chair... détacher de toi...
- Quelle pute... marmonné-je.
J'entends la détonation et me jette immédiatement à terre. De petits bruits sourds multiples se produisent derrière moi. Je jette un furtif coup d'oeil: des clous. Des putains de clous... Je me relève, légèrement agacée et détale et saute par-dessus des petits piliers de pierres pour avoir un maximum de distance avec lui. Le cliquetis métallique. Je tourne à demi la tête. Je n'aurais pas le temps de les esquiver. Et merde!
Ils se plantent dans mes épaules. Je hurle quand mes scapulas se font transpercer et que je vois les bouts de métal se déplier pour accrocher ma peau. Les câbles se rembobinent et me tractent en arrière si violemment que mes fesses se retrouvent sur le sol. J'attrape les câbles avec mes mains... comme si cela allait changer quelque chose... Je me fais tracter comme une vulgaire bête. Tout en hurlant de douleur, tant la pression sur mes épaules est intense, j'ai un élan de lucidité et me retourne en croisant les câbles pour avoir les genoux sur le sol. Dans un dernier effort surhumain, je me saisis de mon crucifix et l'enfonce entre deux engrenages contrôlant sa scie ventrale. Je souffle de soulagement lorsque les câbles arrêtent leur infernal mécanisme, mais la pression des engrenages a rendu mon crucifix inutilisable. Après un regard sévère, il pointe son arme sur moi et je serre les dents, à demi retenue au-dessus du sol par les grappins. Mon épée, elle, je l'ai laissée tomber quelque part... Je tire de toutes mes forces, ma peau et ma chair se déchirent sous mon poids. J'y mets toutes mes forces, je hurle. La détonation. Enfin ma peau décide de céder. Trop tard. Cinq clous viennent se planter dans mon visage avant que je ne heurte le sol. Deux dans mes joues, un dans ma lèvre supérieure, un dans l'arête du nez et un au-dessus de mon sourcil gauche. Depuis le temps que je voulais un piercing... La douleur est tout de même très vive. Abattue, fatiguée, je me mets à ramper sur le sol en grimaçant alors que je sens son regard peser sur moi. Mais son canon est de nouveau pointé sur moi. J'avance. Une détonation. Une dizaine de clous se plantent dans mon dos. Je grince des dents, mais j'avance. Je suis forte. Je suis déterminée. La douleur n'est qu'une information. Le Maître des Lieux m'a fait bien plus de mal. Un mal psychologique que je n'effacerai jamais de ma mémoire. J'agrippe enfin mon épée. Je le vois une nouvelle fois appuyer sur la détente. Rien du tout. Poussée par un élan de volonté, je me relève en prenant appui sur la lame et j'ai un petit rire nerveux.
- T'es à court d'arguments?
Je me précipite vers lui et prends un malin plaisir à lui trancher le bras qui tient l'arme à feu en visant une partie faite de chair. Il hurle inhumainement en se reculant et en secouant la tête.
- Bienvenue en Enfer, enfoiré!
Je lui fends le crâne en deux en y mettant mes dernières forces et en hurlant de soulagement, de fureur et de détermination. Il s'affaisse simplement tandis que je m'écroule pour la énième fois, vidée, à bout de souffle.

Alice's Inferno (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant