Peurs profondes

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En déballant le sandwich, je découvre à mon grand étonnement, un paquet de cigarettes et un briquet avec. Je souris et lève les yeux au ciel.
- Connasse, tu perds rien pour attendre, je sussurre entre mes dents.
J'engloutis le sandwich et en savoure chaque bouchée. Et cette clope si délicieuse après tant de temps... un vrai paradis dans cet infâme endroit. Remise sur pieds, j'observe mon entourage. Un plateau plat, du sombre à perte de vue, rien que du sol. Je pense à une blague en ce moment. J'imagine un décorateur d'intérieur: « Alors la on a retiré tous les meubles... », le client répond « Et...? » et l'autre reprend: « Bah c'est tout, là, on a retiré tous les meubles. ». Rigolez!
Avant que je ne fasse un pas, une forte lumière apparaît un peu plus au fond. Je plisse les yeux mais à cette distance, difficile d'apercevoir quoi que ce soit. Je m'avance. Je suis seule. Seul le bruit de mes talons sur le sol résonne dans ce vide. C'est comme si j'étais en train de franchir la dernière ligne droite. Puis, une voix s'élève dans les airs.
- Il n'y a pas d'échappatoire...
Je lève les yeux au ciel. Je sais de qui il s'agit.
- Vous m'avez trahie, Chapelier.
- Erreur. Je n'ai jamais déclarer haut et fort d'être de ton côté.
Je serre les poings tout en avançant.
- Vous êtes complètement malade.
- Nous sommes tous fous, ici. Toi y compris.
- Que recherchez-vous? La gloire? La fortune?
- Le sang.
- Le Maître des Lieux vous a privé de beaucoup de choses, pourquoi lui prêter allégeance?
- En fait je me suis rendu compte... qu'elle m'avait sauvé. Sauvé de sombrer dans la normalité.
Je sens des mains se poser sur mes épaules. Je tourne la tête et aperçois une tête gigantesque cauchemardesque, avec un sourire à glacer le sang, des yeux blancs transperçants et une couleur de peau pas naturelle. Puis, il disparaît aussi vite. Tandis que mon coeur fait des sursauts dans ma poitrine, la voix provenant des airs continue.
- Je sais de quoi tu as peur, Alice. Je peux te vaincre.
Je tourne la tête pour voir mon objectif. Il s'est soudainement rapproché. Il s'agit d'un porche de maison. Au-dessus de la porte se tient une personne. Sa joue gauche et quelques parties de son corps ont été retirées. Je reconnais Lilia. Je mets la main devant ma bouche et tombe. Les larmes coulent toutes seules sur mes joues. Le sandwich me remomte soudainement dans l'oesophage.
- Tu as peur de la vérité. Tu es venue de ton propre gré car tu ne voulais pas regarder la vérité en face.
Le visage de Lilia me regarde brusquement.
- C'est toi qui m'as fait ça! Tu es une tueuse! C'est pour ça que tu prends tant de plaisir à tout dépecer!
Un miroir apparaît subitement à côté de la porte mais c'est le Maître des Lieux qui me rend mon regard.
- Tu es comme moi.
Je jette mon épée dans la glace et ferme les yeux.
- Je n'ai rien à voir avec toi! Je n'ai jamais touché ma meilleure amie, les gens qui m'aimaient, qui me réconfortaient! Je les protège!
- Que c'est mignon! entends-je. Mais toi, qui te protège?
Je ressens une violente lourdeur dans mes jambes qui me cloue immédiatement au sol. J'ai l'impression que tout mon corps va s'enfoncer dans le sol. Je lutte, à genoux. Mes bras supportent une pression énorme. Je sens mes os se briser, mes bras se tordre, je hurle de douleur. Ma peau commence à se déchirer, je suffoque, je ne peux même plus crier. Dans un élan de bravoure que je ne peux décrire, je relève la tête et attrape mon épée.
- Je... suis assez... grande pour... me protéger... toute seule...
Je lance ma lame en arrière et la pression s'arrête immédiatement. J'halète en me roulant sur le sol de douleur. En me retournant, je vois le Chapelier qui a pris mon arme en plein dans son oeil gauche. Il vit toujours mais je ne suis plus sous son emprise. Ayant les bras complètement disloqués, je me relève en m'appuyant sur le mur du porche. Mes jambes aussi sont dans un sale état. Le Chapelier tombe à genoux et a quelques soubresauts accompagnés d'étincelles. J'avance en boitant sévèrement, prenant appui sur ce que je peux, gémissant de douleur à chaque mouvement. Je réussis à attraper la poignée de mon épée. Je regarde le Chapelier dans son seul oeil valide.
- Je vous suggère fortement d'avoir peur de moi!
D'un geste, je lui ouvre la boîte crânienne avec un mouvement latéral. Il hurle à la mort tandis qu'un flot de sang et de pièces mécaniques se déversent sur le sol. Moi aussi, je m'effondre en soufflant.
Le sol est froid. Il fait noir. Je suis seule. Mes yeux se mouillent. Mes articulations ne répondent plus. Je sens que je vais avoir des courbatures demain. Oui, mais... s'il n'y avait pas de demain? Si j'étais condamnée à mourir dans cet Enfer? À qui je manquerais? Qui s'est aperçu de mon absence? Lilia? Ma mère? Est-ce que mon souvenir a été effacé de leur mémoire? Et si leurs morts étaient réelles? Une boule se crée dans mon estomac. Je dois sortir d'ici... Au moins pour en avoir le coeur net.

Je n'ai aucune envie de dire ce que je ne pense pas
Aucune envie de fuir ce que je ne vois pas
Dis-moi, si on ne devrait pas tous être comme ça
Suis-moi, je t'emmène là où le fou est roi

Dans ce grand cirque la comédie ne me changera pas
Je n'ai jamais eu peur de devoir tourner le dos
Et dans ce bal des masques, les clowns ne m'impressionnent pas
Je peux jouer s'il le faut

Je suis moi (I am me), je suis moi (I am me), je suis moi
Oh dans tous mes états, quoi qu'on en dise
Je suis moi (I am me), je suis moi (I am me), je suis moi
Oh dans tous mes états quoi qu'on en dise, je suis moi

Plus comme elle, moins comme celle-ci
Au paradis des références, tu es plutôt celle-ci
Le rôle te va à merveille, enfile ton costume
Sois simplement belle, souris, assure

Dans ce grand cirque la comédie ne me changera pas
Je n'ai jamais eu peur de devoir tourner le dos
Et dans ce bal des masques, les clowns ne m'impressionnent pas
Je peux jouer s'il le faut

Je suis moi (I am me), je suis moi (I am me), je suis moi
Oh dans tous mes états, quoi qu'on en dise
Je suis moi (I am me), je suis moi (I am me), je suis moi
Oh dans tous mes états quoi qu'on en dise, je suis moi

Alice's Inferno (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant