Méfie-toi du loup

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Après avoir repris un tant soit peu mes esprits, je me mets à ramper sur le sol. Je ne sais même pas pourquoi je continue. Que me reste-t-il maintenant que j'ai à nouveau été souillée? Quel est mon but? Et si je restais dans cet Enfer? J'y suis si bien à présent... Je me recroqueville dans un coin et me tiens les épaules, toujours nue. Je ris nerveusement, mais ce sont des larmes qui s'échappent de mes yeux. Ça y est. Je sais pourquoi je continue. Je dois faire ravaler sa fierté et son air hautain à cette connasse frigide. Je me relève et sors dans la neige. Je me précipite vers le premier magasin de vêtements. Ils n'ont plus en stock que des vêtements d'été. Fait chier. Je prends en douce un short, un débardeur, des bottines en cuir à talons et retourne en courant dans le magasin de miroirs. J'accroche solidement mon épée à ma taille avec le reste de mes vêtements déchirés et commence à faire le tour des miroirs. L'un d'entre eux présente quelques anomalies au niveau de mon reflet. Je le touche. Liquide. Parfait. Je passe au travers et reviens dans la salle où je me trouvais précédemment. Un rectangle de lumière m'indique la sortie de ce Cercle... mais aussi l'entrée du prochain.
Je sens que je touche à la fin. Plus que deux Cercles. Courage Alice.
Je traverse le rai de lumière. Celle-ci m'aveugle un moment. L'endroit où je suis à présent est peu rassurant. Un étroit couloir aux murs noirs gravés de millions de petits personnages semblant baigner dans un éternel désespoir. J'avance dans ce couloir, à pas feutrés, essayant de faire le moins de bruit possible. Tu parles! Mes talons claquent sur le sol et résonnent comme un putain de clavier d'ordinateur en pleine nuit. J'entends des rugissements, comme des cris rauques. J'avance dans cette ambiance particulièrement effrayante. Je garde ma main sur la poignée de mon épée.
Plusieurs embranchements s'ouvrent désormais à moi. Génial! Un labyrinthe! J'avais vraiment besoin de ça... je prends le premier à droite d'instinct et progresse avant de voir de nouveaux embranchements.
- Bon, me dis-je à moi-même. Appliquons la technique.
Je pose une main sur le mur à ma droite et fais en sorte de ne jamais la décoller. Je suis le chemin en effleurant les sculptures de mes doigts.
Ma main percute un bras qui dépasse du mur, violacé, couvert de moisissure. Je sursaute à cette découverte et reprends mes esprits. Cependant, le bras prend soudainement vie et se détache du mur. Il se déplace grâce qux doigts de sa main et me saute littéralement dessus. Je dégaine rapidement et tranche net au niveau du poignet. Les deux parties retombent sur le sol dans un bruit sourd, inertes. Je regarde le couloir qui défile devant moi.
- Va falloir faire mieux que ça, chuchoté-je.
Je continue mon chemin et après quelques bifurcations, tombe sur une grande impasse. Je vois là un arbre planté, mort, complètement noirci par l'humidité de l'air. Sur cet arbre se trouve une grande crevasse, assez grande pour y faire passer des enfants. Je n'en suis pas sûre, mais je crois que je vois quelque chose bouger. Je me rapproche pour observer davantage.
Mes iris s'écarquillent quand je vois deux monstres à l'apparence humanoïde. L'un n'a qu'une large bouche qui sourit, révélant de dents pointues. L'autre a un oeil et me regarde. Soudain, le second commence à hurler. Un cri inhumain qui me glace le sang. Des pattes d'araignée transpercent le dos du premier, lui arrachant la peau et projetant son sang sur son congénère. Dans une voix étonnamment féminine, elle sussurre:
- Joue avec moi.
Je me retourne dans un élan de panique et commence à m'enfuir tout en gardant ma main droite sur le mur. Repensant à ce que j'ai dit auparavant, je m'excuse désormais à voix haute.
- Je n'ai rien dit! Ne faites pas mieux, je vous en supplie!
Dans ma foulée, je m'emmêle les pieds et trébuche sur le sol. En relevant la tête, j'aperçois l'un des deux monstres vus auparavant. Celui qui n'a qu'un seul oeil. Je me relève aussitôt, l'enjambe et poursuis mon chemin.
Je sens une vive douleur au niveau de mes mollets. Comme si quelque chose de froid et de métallique venait de me transpercer. Je regarde mes jambes et m'aperçois que plusieurs grosses aiguilles y sont plantées. Je m'effondre de nouveau en laissant sur le sol une traînée de sang.
Je rampe aussi vite que je peux en grimaçant. Je jette un regard derrière moi: les deux monstres sont là, ils me sourient, ils marchent vers moi en chantonnant une comptine glauque.

La fille est toute seule
Elle s'est bien trompée
Mais les soeurs jumelles
Vont le lui rappeler

Il n'y a pas de règles
On va la briser
Quand ce sera fini
Elle ne pourra plus marcher

Je souris et m'adosse contre le mur pour leur faire face.
- En voilà des petites filles mal élevées! leur dis-je. On ne vous a jamais dit de ne pas vous confronter aux inconnus?
- Mais nous te connaissons, Alice, répondent-elles en même temps. Tu es la fille qu'on doit briser. Tu veux nuire au Maître des Lieux, tu ne pensais tout de même pas que ce serait facile?
Je dégaine mon épée et les provoque du regard. Un homme vient interrompre mon élan. Il est vêtu d'un large vêtement à capuchon. Il semble calme et rassurant. Quand il se tourne vers moi, je découvre un visage à demi rongé par des araignées qui pullulent sur cette surface. J'ai un soubresaut et me recule contre le mur, comme si je voulais passer au travers.
- Allons, Alice, dit-il. Ce ne sont que des enfants.
Je sens alors en moi une sensation étrange, comme si je ne contrôlais plus vraiment mon corps. Je panique, mais c'est bien cela. Mon corps agit malgré moi.
- Et alors? dis-je avec cette voix qui n'est pas la mienne. Ils sont déjà morts.
"Arrête tes conneries", pensé-je. "Jamais je ne permettrai ça."
Mon corps se lève alors que mes jambes refusaient de répondre il y a deux minutes et je m'avance vers les deux jumelles pour leur couper la tête, malgré moi. Je pousse un "Non!" qui ne change rien. Puis, avec mon épée, j'ouvre entièrement le ventre du type qui meurt en hurlant et en libérant au passage des millions d'araignées qui semblent assez contrariées. Quand je reprends le contrôle de mon corps, je réalise que je dois m'échapper le plus vite possible.
- Bien joué, Einstein! me dis-je à moi-même.

Alice's Inferno (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant