Rêve perdu

52 2 0
                                    

Je crois que j'ai toujours été faite pour la scène. Mon âme, c'est la musique. Ma raison de vivre, c'est d'y arriver. Je m'appelle Alice. Je traverserai l'enfer pour vivre de ma passion. Les hommes me trouvent jolie, les femmes me trouvent mignonne. J'ai du mal à me trouver. Je suis une fille simple qui vit de petits boulots sans vraiment s'accrocher tout en s'adonnant à sa passion. Je me sens femme aujourd'hui, âgée de vingt ans. Je vis en collocation avec une amie d'enfance, c'est plus pratique d'être deux filles. J'ai des défauts, comme tout le monde. Je fume, j'ai un petit penchant pour l'alcool et parfois j'organise des soirées chicha où je perds le contrôle de moi-même, me donnant l'illusion de planer dans un monde où les gens m'acclament. Alice! Alice!
Retour à la réalité, jeune fille... ton boulot, c'est de servir des putains de soiffards jusqu'à l'aube en leur chantonnant parfois, pour les habitués. Concerto qui jamais ne sera rémunéré, drôle de vie pour quelqu'un dont l'intérêt est de chanter. À la pause, je sors un moment et m'allume mon plaisir de la journée en le savourant. Je partage quelques paroles avec mes collègues avant de retourner à ma monotonie de serveuse. Une fois la journée finie, je rentre à l'appartement que je partage avec Lilia, mon amie d'enfance. Devant un film et mon repas du soir, je brûle ma deuxième clope de la journée. J'ai mon petit bordel dont je dis que je rangerai un jour, mais qu'en attendant, je range tout dans le bordel. Lilia soupire à chaque fois et range ce qu'elle peut et moi je n'y prête pas attention. Ensuite elle vient s'asseoir à mes côtés en mettant sa tête sur mon épaule.
- T'es la fille la plus insupportable qui m'ait été donné de rencontrer, lâche-t-elle.
- Et toi la plus casse-couilles. Sans arrêt, tu me reproches des trucs. Je vis ma vie comme je l'entends.
- Quand tu auras ton appart à toi, peut-être. Mais tant que je paierai la moitié du loyer, je te demanderai de faire preuve de respect envers l'endroit où nous vivons.
Je lui réponds sans plus d'intérêt tandis que le film m'endort. Et demain je serai partie pour une journée semblable...
Parfois, les choses changent dans ma vie. Je suis invitée, à gauche, à droite pour animer des anniversaires ou des soirées. Ça met du beurre dans les épinards comme on dit... Justement, ce week-end, j'étais invitée à faire le show dans une communion dont je n'avais que foutre, mais je pouvais pas cracher sur 300€. Les personnes qui ont entendu parler de moi étaient de riches héritiers et je devais chanter quelques-unes des chansons préférées de leur fille. Ils habitaient au fin fond d'une forêt plutôt dense et inquiétante. Le chemin qui continue en s'enfonçant dans la forêt est impraticable en voiture. J'avais mis des vêtements plutôt soignés: une veste-blaser noire, un pull en cachemire blanc, un pantalon en jean bleu sombre et des bottines plates noires avec de petites décorations brillantes. Le vent qui se lève soudainement me donne un petit frisson et je remonte le col de ma veste en poursuivant mon chemin. J'ai pris le soin de prendre deux paquets de cigarettes, on sait jamais. Alors que je continue mon chemin, je m'aperçois que je ne sais pas exactement où aller. Au début, je suis tranquille, mais ça me panique rapidement. Je sors mon téléphone portable et appelle le propriétaire de la maison. Qu'est-ce que vous voulez capter en plein milieu de la forêt? Des oiseaux-répondeurs? Je suis paumée. Merde. Je déteste être en retard. Plus je marche et plus ce qui m'entoure devient oppressant, si bien que j'en arrive à halluciner. Les chants des oiseaux semblent s'unir et répéter la même chose, comme une foule miséricordieuse qui acclame. Alice! Alice!... Je trouve ça presque comique au vu de mes dernières réflexions. Alors que je détale le plus vite possible pour retrouver un peu d'air, un immense arbre se dresse devant moi. J'ignore pourquoi mais il se démarque des autres. J'aperçois un trou en son sein et je me hisse sur la pointe des pieds pour épier. Je vois une salle minuscule décorée de guirlandes rouges et une forte odeur âcre me monte à la tête. Un petit personnage humanoïde horriblement laid s'avance sur ce qui semble être une table et observe ce que je n'ai pas vu: un cadavre humain avec l'avant du visage entièrement retiré, laissant apparaître son cerveau. Je comprends alors que les guirlandes accrochées sont en fait des intestins. Je me recule trébuche et écarquille les yeux tout en me retenant de vomir. Était-ce réel? Pourquoi est-ce que j'ai vu ça? Tant pis, je préfère courir et ne pas vérifier. Quand je regarde à nouveau devant moi, je cours sur un arbre à la verticale que j'aurais dû me prendre dans la figure et je tombe dans le creux. Je venais de marcher sur l'arbre que je cherchais à fuir et de tomber dans le trou où j'ai vu toutes ces choses horribles...

Alice's Inferno (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant