Solitude, douce solitude

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Je me revois adolescente. C'était un jour comme les autres. Je me préparais pour me prostituer auprès d'un vieil et riche homme d'affaires. Mon maquillage charbonneux entourait mes yeux gris. Mes cheveux blonds étaient détachés. Je portais une robe noire à paillettes et pas grand-chose d'autre. C'est incroyable comme on se sent seule dans ces moments-là. En attendant sur les escalators qui menaient au métro, je pensais à ce que je m'apprêtais à faire. Quand je vis mon visage maquillé comme une voiture volée dans la glace, j'eus envie de vomir. Je me repoussais tellement... « Tu me dégoûtes, Alice! » me dis-je.
Pourtant je devais le faire. Pour payer mrs études. Pour subvenir à mes besoins. Pour assouvir mes envies de sexe.
Je me retrouve une fois de plus face au miroir. Mon maquillage n'est plus qu'une immense tache sombre autour de mes yeux. Mes cheveux sont dispersés n'importe comment. Leur couleur a vachement tourné au marron dégueulasse. Mes vêtements aussi ont salement morflé.
- Tu me dégoûtes toujours, dis-je. Mais au moins tu t'assumes maintenant.
Je quitte la pièce en laissant derrière moi mes démons et mon histoire. Un bruit titille ma curiosité dans le couloir. Une sorte de bruissement, comme une rivière. Non, c'est beaucoup plus violent que ça... Lorsque j'arrive à un croisement, un réflexe me fait regarder sur ma droite; une immense masse sombre grouillant de plein de trucs indescriptibles mais vivants se dirige sur moi. J'écarquille les yeux. Je détale immédiatement dans l'autre direction. Au bout de deux minutes, je suis déjà à bout de souffle. Je regarde derrière moi: plus rien. Je m'arrête et ballade mon regard sur les murs. Je n'ai pas rêvé. Je ne suis pas folle...
- Ou bien peut-être l'es-tu? annonce une voix que je ne reconnais pas. Tout n'est que folie ici. Même mon thé.
- Qui êtes-vous?
- Je ne suis rien d'autre qu'un fou dans un monde de fous, c'est fou, non?
Je regarde partout autour de moi. Personne. Un nouveau bruissement provenant de derrière. Je me retourne à demi et aperçois l'immense masse menaçante. Je me mets à courir, mais là encore, elle disparaît au bout d'un moment. J'ai atterri à un endroit où j'aperçois un drôle de spectacle: un lièvre brun surexcité par le sucre buvant son thé en tremblotant. Il me voit et affiche un grand sourire.
- Ah, Alice! Tu es là! Hahaha!
- Qui êtes-vous?
- Je t'ai déjà répondu mais vu que tu insistes, je suis le Lièvre de Mars, le lièvre qui passe pour que l'ennui trépasse!
Je le regarde avec un regard blasé et je dégaine mon épée.
- Oh là! Pas si vite, jeune psychopathe que tu es! Ne veux-tu donc pas prendre le thé?
- Sans façon, non.
Je me retrouve malgré moi assise à la table. Une table? Il n'y avait pas de table avant... Mon épée a disparu. C'est quoi ce bordel? Une tasse apparaît devant moi.
- Oh allez! Tu ne peux pas refuser!
Ma main bouge toute seule. Je ne contrôle rien. Je tremble. Mes doigts se referment sur la anse et je porte le breuvage à mes lèvres. Je le bois d'une traîte. Il est si chaud, si bon...
Je tombe dans un vortex coloré et pénible. Je tombe, je crie. Je suis seule. J'atterris exactement dans la même pièce qu'avant. J'ai été droguée?
- Difficile de dire ce qui est réel ou pas, ici, annonce la voix du Lièvre dans ma tête.
Une fumée dense apparaît au loin et mon interlocuteur apparaît gigantesque et cauchemardesque. Ses yeux sont devenus blancs, ses incisives couvertes de sang, ses poils et sa peau manquent par endroits. Je me mets mes bras devant moi par réflexe pour me protéger. Quand je rouvre les yeux, il n'y a plus rien.
- Tu vois? Tout n'est que folie.
- Vous m'avez droguée!
- Ça ne change rien, tu vas mourir ici.
- Seulement si je me laisse faire.
Je souris et fais face à la nouvelle vision: une grande silhouette sombre avec des lames à la place des doigts. Elle se rapproche de moi et me mets un coup que je ne prends pas la peine d'esquiver. Les lames me lacèrent violemment le visage. Je hurle de douleur sous les taillades et le sang. Je me retourne et m'enfuis à toute vitesse. Depuis quand tu fuis?
Je me retourne et dans mon élan, donne un coup à mon agresseur. La lame lui passe au travers et je le regarde.
- Encore?
Il ne dit rien et abat sur moi une main vengeresse venant se planter dans ma scapula. Je hurle et trébuche avant de me relever et détaler. Je me souviens en ce moment de pourquoi je fuis. J'arrive à m'enfermer dans une pièce qui se trouvait à proximité. J'appuie mon dos contre la porte et je m'affaisse sur le sol. Je suis seule maintenant. Que quelqu'un me vienne en aide...

C'est un SOS
Je suis touchée
Je suis à terre
Entends-tu ma détresse?
Y a-t-il quelq'un?
Je sens que j'me perds

J'ai tout quitté mais ne m'en veux pas
Fallait que j'm'en aille, j'n'étais plus moi
Je suis tombée tellement bas
Que plus personne ne me voit

J'ai sombré dans l'anonymat
Combattu le vide et le froid, le froid
J'aimerais revenir, je n'y arrive pas
J'aimerais revenir... aaah

Je suis rien, je suis personne
J'ai toute ma peine comme royaume
Une seule larme m'emprisonne
Voir la lumière entre les barreaux
Et regarder comme le ciel est beau
Entends-tu ma voix qui résonne?

C'est un SOS
Je suis touchée
Je suis à terre
Entends-tu ma détresse?
Y a-t-il quelq'un?
Je sens que j'me perds

Le silence tue, la souffrance est loi
L'entends-tu? Est-ce que tu le vois?
Il te prend et fait de toi
Un objet sans éclat

Alors j'ai crié, j'ai pensé à toi
J'ai noyé le ciel dans les vagues, les vagues
Tous mes regrets, toute mon histoire
Je la refais... Yeaah

Je suis rien, je suis personne
J'ai toute ma peine comme royaume
Une seule larme m'emprisonne
Voir la lumière entre les barreaux
Et regarder comme le ciel est beau
Entends-tu ma voix qui résonne?

C'est un SOS
Je suis touchée
Je suis à terre
Entends-tu ma détresse?
Y a-t-il quelq'un?
Je sens que j'me perds

C'est un SOS
Je suis touchée
Je suis à terre
Entends-tu ma détresse?
Y a-t-il quelq'un?
Je sens que j'me perds

  Je t'aime maman, je t'aime Lilia. Vous me manquez...

Alice's Inferno (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant