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Comme une plaie dans son cœur, le temps coulait seconde par seconde devant ses yeux sombres et vides. Comme une plaie dans son cœur, les mots résonnaient dans son esprit embué par la haine. Comme une plaie dans son cœur, les larmes brûlaient ses orbes ennuyées. Comme une plaie dans son cœur, Jungkook souffrait d'un manque d'attention. Jimin était son manque. Cœur meurtri et poésie bancale, ses doigts fins griffonnaient des mots aléatoires sur son cours, la tête penchée et imperméable à son entourage. La philosophie n'arrivait plus à l'intéresser.

Mots hasardeux, politique implacable, ennui dérisoire, faux patriotisme, conservation d'une société embrigadée par des idées répugnantes. Dégoût. Terne. Noir. Morne et mort. Le jeune photographe ne sursauta même pas lorsqu'il sentit une présence devant son bureau. Peut-être était-ce la fin des cours, qu'en savait-il. Il reconnaissait pourtant l'odeur familière de Taehyung et se leva alors silencieusement, tel un automate programmé. Il avait même des doutes quant à ce qu'il était devenu.

Dans un silence de plomb, les deux jeunes adolescents se dirigeaient une nouvelle fois au même endroit, comme tous les jours ; dans une routine sans fin. Ils sortaient du couloir de philosophie et littérature, partaient en direction de l'extérieur sans oublier une halte aux toilettes pour le châtain. Puis ils allaient directement dans leur coin à eux, dans l'herbe ou sur les dalles lorsque le temps n'était clément. Une habitude qui ne semblait vouloir se terminer, les mêmes gestes, les mêmes destinations, les mêmes paysage, le même temps passé à faire les mêmes actions.

C'était terrible, il ne pouvait plus le supporter. Il ne voulait plus avoir à le supporter, plus de cette manière. Il ne voulait pas que son quotidien devienne une plaie, pas déjà. C'était encore trop tôt pour ce genre de chose. Il ne voulait pas déjà devenir aigri par la vie, ennuyé par les choses habituelles. Il ne voulait pas.

Un soupir passa la barrière de ses lèvres alors qu'il appuyait son dos contre le mur au crépi abîmé des toilettes de son lycée. Que faisait-il encore là, à vivre cette vie ennuyante ? Pourquoi s'accrochait-il ? Il n'avait rien, il n'avait personne. Même à travers un écran on se moquait de lui. Pourquoi diable était-il venu en vie si c'était pour vivre un tel enfer ? Presque dix-neuf ans qu'il souffrait, la tendance ne devait-elle pas s'inverser un jour ou l'autre ? Même Hoseok avait réussi a trouver un équilibre. Etait-il instable ? Devait-il se faire suivre ? Et pourquoi ne se suicidait-il pas, pendant qu'il y était ?

Sa tête était douloureuse, ses oreilles bourdonnaient, son équilibre devenait rapidement précaire. Pourquoi se tuait-il à la tâche quand les choses semblaient si faciles d'accès ? Il n'avait qu'à aller dans l'infirmerie de son petit appartement, l'ouvrir et prendre tout ce qu'il trouvait dedans. C'était tellement sûr ainsi que son corps ne tiendrait pas le coup. Alors qu'est-ce qu'il l'en empêchait ?

Son rythme cardiaque s'accéléra, disputant une course folle contre la raison rythmique des battements vitaux. Sa vue se brouillait, il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il devait partir, loin, rentrer chez lui, partir de cette terre, aller mourir dans les étoiles, observer son astre mal luné de loin, sa lune aux couleurs ocres.

Alors sans chercher à comprendre, ses pas le menèrent à l'extérieur de son lycée, abandonnant Taehyung, ses amis, son quotidien pourtant si bien réglé. Il abandonnait tout pour se laisser dévorer par le fil tumultueux de ses pensées gourmandes, qui voulaient le dévorer toujours un peu plus. Elles n'en avaient jamais assez, elles le dévoraient tout entier, laissant un pauvre garçon réduit à néant. Et c'était ça qu'elles aimaient, ces pensées cruelles. Ces pensées qui n'abritaient qu'une seule personne, aux cheveux blonds cendrés et aux lèvres pleines. Que ce garçon tourmenté était bon à dévorer.

Rapidement et sans s'en rendre compte, ses pas pressés et désordonnés l'avaient mené au pied d'un immeuble abritant des appartements riches, appartements qu'il ne connaissait que trop bien. Dans lesquels il avait passé des heures et des heures avec son aîné et ses amis. Ces heures qui avant représentaient tout pour lui semblaient maintenant si lointaines. Qu'avait-il ? Pourquoi n'arrivait-il pas à retrouver ces temps précieux qui répandaient une douce chaleur dans son estomac ? Pourquoi diable Jungkook était-il si perdu ?

Les pensées noires était arrivées dès ce dernier appel avec Jimin. Cette voix éraillée et abîmée par une probable fumée l'avait empoisonné, endoctriné, lui avait prouvé qu'il n'était qu'un objet faible. Car il n'arrivait pas à résister.
Soupirant de son souffle tremblant et glacial, il alla s'asseoir aux pieds des marches de l'immeuble. Il ne sentait même plus le froid ambiant, il avait juste tellement mal à l'âme. Il avait mal à tout ce qui faisait de lui un humain, si mal qu'il s'en retrouvait déshumanisé, rouillé, douloureux. Douloureux à en crever. Dieu qu'il se répugnait.

Les heures passèrent, le visage impassible du brun restait fermé, penché sur le sol, les orbes anthracites incapables de bouger. Il entendait son téléphone vibrer à intervalle régulier et il n'avait besoin de le regarder pour deviner le destinataire de ces nombreux messages. Taehyung s'inquiétait et Jungkook détestait inquiéter son meilleur ami. Et quand son Tae s'inquiétait, il appelait Hoseok, qui ne tardait jamais à faire tout Busan pour retrouver le jeune photographe et le prendre dans ses bras. Le brun voulait un câlin de son frère. Il voulait cette odeur et cette chaleur rassurante autour de lui.

Mais son cœur souffrait trop pour lui permettre le moindre geste. Son cœur voulait juste le laisser mourir, au pied de l'immeuble de son frère, seul. Comme il l'avait toujours été. Abandonnant sa seule famille qui était son noir de jais d'aîné, ses seuls amis qui étaient Taehyung et Yoongi, la seule chose à laquelle il tenait qui était son compte instagram, la seule personne qu'il voulait et qui lui était inatteignable qui était Jimin.

Ce prénom était devenu tabou dans son esprit.

Un soupir résonna dans son cœur en entendant des pas précipités au bout de la rue. Depuis qu'il était né, il avait apprit à écouter et à reconnaitre la façon de marcher de son frère. Il comprit alors ainsi que dernier avait accéléré le pas et s'était mis à trottiner dès l'instant où il l'avait aperçu assis sur ces marches crades. Et quelques secondes plus tard, Jungkook était enfermé dans des bras forts et aimant, aisément soulevé par son frère alors que son corps amorphe était incapable de faire le moindre mouvement. Il avait tellement mal qu'il ne pouvait plus en pleurer.

Il ne pouvait compter que sur son frère. Ce dernier se pressa de le porter jusqu'à son appartement, chuchotant des paroles douces et rassurante au jeune photographe. Il avait redouté la crise de son cadet, il l'avait plus ou moins prévu, il savait que la bombe allait exploser un jour. Cela faisait trop longtemps que le calme durait. Hoseok n'avait pas d'autre choix que d'être fort pour son petit frère.

La porte s'ouvrit sur le salon baigné d'une lumière froide d'hiver et Hoseok s'empressa de traverser le couloir de son logement pour arriver dans sa chambre et poser dans les draps, l'entourant de l'édredon chaud. Son frère était glacé et grelottant. Il devait d'abord le réchauffer. Son frère était tout ce qu'il avait.

« Hyung... commença alors d'une voix cassée le brun, surprenant l'aîné.
- Hm ?
- Pourquoi papa et maman nous ont abandonnés ? Je les ai dégoûtés ?
- Kook, je t'interdis de dire ça, haussa malgré tout le ton J-Hope. Tu es mon petit frère, reprit-il alors en serrant son cadet dans ses bras. Celui que j'aime plus que tout. Tu es une magnifique personne qui mérite tout l'amour du monde, tendre, doux, attentionné et bienveillant. Tu es Jungkook. Nos parents n'étaient juste pas à la hauteur, éblouis par un si beau bébé que tu étais. Ne doute jamais de toi Kook, tu t'en rappelles ? Tu me l'as promis.
- Hm, souffla alors le jeune étudiant, avant de reprendre après quelques longues secondes de silences. Hyung, il me rend fou. Complètement.
- Qui ?
- Il me détruit par son jeu d'attraction - répulsion. Je suis en train de mourir par sa faute, je perds tout.
- Jungkook de qui tu parles ? demanda un peu plus vivement Hoseok.
- Le diable personnifié, Jimin. »

Et ce prénom tabou résonnait dans toute la pièce.

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wow les amis, 700 votes déjà!
seulement dix semaines que
j'ai commencé à poster, vous
êtes juste géniaux. je vous
aime tant.
[ cœur sur vous. ]

ROSE COTONNEUX T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant