ROSE COTONNEUX T.1

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Les yeux d'obsidiennes restaient fixés au sol sur ses Doc Martens basse, alors qu'il n'entendait rien d'autre qu'une respiration calme ainsi que le bruit des semelles qui ne cessaient de taper contre le lino du sol grisâtre. Rapidement le tapotement d'ongles en rythme régulier s'allia avec les semelles de cuir et les sens de Jungkook se perdaient entre ses bruits différents mais pourtant alliés. Il sentait que ses deux accompagnateurs s'amusaient à caler leurs bruits presque parasites au même tempo pour détendre l'ambiance lourde qui régnait dans la salle d'attente. Et cela ne le gênait pas en soi.

Il savait qu'ils étaient inquiets, et même si son frère aîné l'avait déjà accompagné de nombreuses fois à ses rendez-vous, c'était la première fois pour Taehyung. Le jeune brun se rappelait encore aisément des derniers jours qui étaient passé, de la fois où il avait appelé Hoseok alors qu'il était en crise de panique aiguë, la décision de reprendre rendez-vous, les événements qui s'étaient enchainés à une vitesse impressionnante. Si bien qu'il n'avait plus eut de temps pour sa scolarité, son compte instagram ni même son téléphone. Et ça avait peut-être été le mieux pour lui. C'était peut-être ce dont il manquait : un retour à ses sources, sans téléphone ni perturbations.

Il redressa pourtant ses prunelles d'anthracite lorsqu'il entendit un long soupir de la part de son meilleur ami. Ses orbes foncées observaient avec attention le profil concentré et préoccupé du châtain à sa droite, sa jambe tressaillait sans qu'il ne puisse y faire quelque chose. Le jeune étudiant sentait l'inquiétude de Taehyung mais il avait l'impression d'être inutile. Après tout lui aussi sentait cette boule dans le creux de son estomac, lui aussi s'inquiétait de revenir voir son médecin alors qu'il l'avait quitté il y a de cela plusieurs années avec l'espoir de ne jamais y revenir.

Mais Jungkook savait qu'on ne guérissait pas d'une bipolarité.

Un sursaut le prit lorsqu'il entendit son prénom résonner dans la pièce par une voix douce après de longues minutes d'attentes. Il regardait son frère et Taehyung se lever rapidement alors que lui-même semblait bloqué sur son siège de plastique qui ne cessait de grincer à chacun de ses mouvements. Que devait-il faire ? Allait-il oser se dévoiler tant en la présence de son meilleur ami ? Etait-il capable de faire ce genre de chose ? Il sentait son cœur instable s'accélérer alors que les questions s'accumulaient dans son esprit, sa respiration se faisait plus lourde et ses mains devenaient moites. Naturellement, il chercha pour son frère aîné, et le regard que celui-ci lui accorda serra son cœur.

Peu importe que Jungkook n'ait pas envie, il n'était plus le temps de reculer. Peu importe que les inquiétudes prennent le dessus sur ses émotions, il avait déjà fait le plus difficile en avouant sa maladie. Et peu importe que son passé soit une catastrophe sans nom, car son présent semblait entre des mains solides et médicales. Alors le jeune photographe prit sur lui-même et attrapa dans un élan de force la grande main fine qui lui était tendue par son frère. Et il rentra dans cette salle toute de blanc pour retrouver les traits graves et tirés de son médecin attitré.

Le même qui avait déjà réussi à lui faire comprendre que l'enfer et ses démons n'étaient souvent que passager lorsqu'il était question de volonté.

* * *

Il enfila son gros manteau noir d'extérieur alors qu'il entendait la voix grave l'appeler d'un air las, que Jungkook savait en fait être un air amusé. Il enfila rapidement ses Timberland tout en haussant sa voix dans un délicat « j'arrive » avant de courir dans son entrée pour y rejoindre son meilleur ami et Hoseok. Ils descendirent tous les trois dans la rue comme ils l'avaient fait de nombreuses fois. Les yeux d'obsidienne se levèrent automatiquement vers le ciel totalement noir, comme il le faisait chaque jeudi soir. Les étoiles s'étaient cachées derrière le gros voile opaque que formaient les nuages neigeux. Les flocons venaient se loger pour mourir sur eux, dans leurs mèches rebelles, les fourrures de leurs manteaux ou encore sur le bitume sale et abîmé.