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Les volutes que formait la fumée se répandaient dans la pièce et venaient danser sous les yeux d’anthracites sombrant dans la fatigue. Celle-ci piquait les yeux envoûtant, les rendait rouges et abîmés, mais le jeune brun au corps alanguis dans le canapé de cuir noir ne semblait même pas en souffrir. Sa peau d’albâtre frissonnait sous les bourrasques de vent glacé qui s’infiltrait dans l’appartement aux fenêtres ouvertes, alors que son esprit restait de marbre. Jungkook sentait ses paupières devenir lourdes et ses pensées s’épaissir, alors que ses orbes d’obsidienne ne lâchaient pas le propriétaire du lieu des yeux.

Ses mèches blondes décolorées dressées au hasard sur le haut de sa tête, ses yeux ambrés perdus dans le vide et qui se fermaient gracieusement de temps en temps, son nez mutin, ses lèvres sibyllines enfermant une cigarette roulée à la main, cette fumée charmeuse qui venait voiler le visage mystérieux de l’homme aux milles et uns vices.  Le jeune photographe le trouvait beau, dans ses gestes, dans sa tenue, dans sa respiration et jusque dans son port de tête. Il le trouvait irrésistible, tentant, et diablement plus accessible, durant cette nuit sans étoiles franches. Son esprit malade qui échafaudait des scénarii tous plus surprenants et les uns que les autres se retrouvait maintenant apaisé. Il avait presque l’impression d’avoir amadoué l’espace d’une soirée un animal sauvage effrayé, aguicheur et compliqué.

Le silence résonnait dans ce salon calme, une douce lumière tamisée venait emplir la pièce à vivre, provenant des lampadaires à l’extérieur dans la ville de Busan. Des éclats de voix éloignés se faisaient parfois entendre, mais les deux jeunes se fixaient sans jamais se laisser perturber. Chacun était perdu dans ses pensées, ne faisant finalement qu’à peine attention aux gestes de l’autre mais sans pouvoir s’en détacher. Ils ne savaient pas ce qui se passer dans leur torse, des torrents, des ras-de-marais, des blizzards et d’autres choses brouillant leurs pensées. Ils étaient violents, proches, délicats et surtout ils étaient acharnés. L’un à aimer et l’autre à repousser.

Petit à petit Jungkook commençait à comprendre cette attirance aussi surprenante que destructrice qu’il ressentait pour le blond cendré. Hormis son visage élégant et sensuel, ses gestes emplis de grâce et de luxure, ces habitudes sales et étonnement envoûtantes, le jeune brun était intrigué. Profondément intrigué par tout ce qui avait pu construire ce personnage qui était maintenant jibooty sur instagram. Tout ce qu’il connaissait de cette personne mystérieuse l’attirait et lui donnait envie de connaître toujours encore plus Jimin, et non plus le rôle qu’il se donnait, selon le brun.

Il avait beau n’être sûr de rien sur cet homme, le jeune photographe s’était surpris à aimer imaginer les détails de son quotidien. Et même si souvent il se faisait un mal fou en l’imaginant avec d’autres, même s’il se créait des névroses et des inquiétudes, même si les insomnies ne semblaient vouloir le quitter, l’idée que cet homme était toujours dans un coin de son esprit, menaçant et attirant, lui plaisait. Et même s’il se mentait, il aimait se dire que, peut-être, il en était de même chez l’autre. Et tant pis s’il savait que c’était une chimère inventée par ses pensées.

Un tintement caractéristique d’un message se fit alors entendre dans la pièce plongée dans le silence, résonnant et brisant l’ambiance douce et étrange qui s’était installée. Les yeux d’anthracite, très vite imités par ceux ambrés, se posèrent sur le téléphone portable posé à moins d’un mètre du brun. L’écran allumé éblouissait les prunelles endormies des deux jeunes hommes qui ne s’attendaient pas à une telle perturbation. Rapidement, les notifications s’accumulèrent dans un orchestre désagréable à l’oreille, mais le geste las de Jungkook pour attraper son téléphone était mou, ennuyé, peu inquiet de cette cacophonie. Peut-être qu’en réalité il n’avait pas envie de briser cette bulle fragile dans laquelle les deux hommes s’étaient enfermés. Peut-être qu’il ne voulait tout simplement pas laisser le réel faire irruption dans ce moment si fragile et qu’il chérissait tant.

ROSE COTONNEUX T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant