Bim Bam BOUM !

6. Là-haut

Je crois que cette heure de voitures est la plus longue que j'ai jamais vécue. J'ai beau lire sur l'autoroute, écouter de la musique en zone rurale, regarder le paysage quand on arrive en montagne, ou discuter avec mon père de mon avenir après le bac, rien ne peut accélérer le temps qui passe. Puis mon père m'indique qu'on arrive bientôt, et je sens mon cœur battre la chamade. TOUKOUM TOUKOUM TOUKOUM.

Lorsque que la voiture s'arrête, je sens tout mes muscles se tendre. Je me dis que ça ne va pas plaire à Scott, qui pense que j'ai un balai dans les fesses tellement je suis rigide. Alors je secoue mes avants-bras pour les détendre. Mon père frappe à la porte du petit chalet. En attendant que quelqu'un nous ouvre, je regarde autour de moi.

Au loin, on peut voir la montagne. Des forêts de sapins encadrent le lieu, et il y a quelques petits chalets aux alentours. C'est plutôt mignon comme coin. Dépaysant.

Le bruit de la porte qui s'ouvre m'indique que je vais devoir sortir de mes pensées. Scott sourit, et nous invite à rentrer. Il sert la main de mon père, puis quand vient mon tour de rentrer, je ne sais pas quoi faire. Poignée de main ? Bise ? Check ? Rien ? Parler ? C'est tout naturellement qu'il me fait un grand sourire et que je lui réponds par un petit coucou de la main extrêmement timide. Puis il nous apprend que son père ne sera pas là de la journée. Il offre un café à mon père pour "rembourser le voyage" et puis m'offre un verre de jus de fruit. Dans un verre violet. Comme la magie, l'inconnu, le mystérieux.

Puis mon père s'en va. Alors on monte dans sa chambre. À l'étage, il n'y a que deux pièces, et on peut voir l'étage du dessous depuis le palier. Il ouvre la porte de sa chambre, et je découvre un petit lieu très traditionnel, tout en bois. Le lit simple est au fond de la pièce, il y a aussi un bureau avec un ordinateur portable dessus, une armoire, et une bibliothèque. Il s'assied sur son lit, et je remarque mon avion (enfin son avion maintenant) sur la table de chevet.

– Comment tu vas ? engage-t-il la conversation.

– Ça va... J'avais hâte d'être aujourd'hui !

– Je suis si attachant que ça ?

Je rougis, puis réfléchis à la question. Oui, il est attachant, je crois.

– Tu peux rester combien de temps ? reprend-t-il.

– Je sais pas... Peut-être que je pourrai dormir ici.

Il rit. Pourtant je disais ça avec sincérité. Mes parents sont si heureux que j'aie une vie sociale qu'ils pourraient réellement accepter !

Puis je lui demande ce qu'on va faire, et il me répond qu'il ne sait pas.

Mais moi, j'ai une idée :

– Dis... Vu que moi je t'ai montré mon village en pleine nuit, tu veux bien me montrer ta bourgade en plein jour ?

– Carrément ! dit-il en se relevant de son lit.

Il décroche une veste de son porte manteau, et me demande de le suivre. Ce que je fais.

On sort.

Dehors, il fait un peu frais, mais ça devrait rapidement se réchauffer. Scott me montre les chalets en me disant qui y habite, depuis quand et s'ils sont sympas ou non. On arrive ensuite devant une maison avec un grand potager. "C'est Josette qui habite ici. Enfin, elle est morte il y a peu. C'est triste de se dire que ces tomates ne seront plus jamais arrosées..." Je lui fais un petit sourire compatissant, devinant qu'il appréciait cette Josette.

On continue notre tournée. Puis il me dit : "t'es prêt à courir ?"

– Hein ? Pourquoi ?

– À moi de te montrer l'endroit que je préfère ici.

– Ah ! Euh... Okay.

Il se met à courir, et je le suis. On entre dans une petite forêt de sapins. On sort du sentier promeneur pour arriver en forêt profonde. Il s'arrête. Et je cherche en quoi l'endroit est spécial. Je me tourne à 90 degrés et remarque un arbre immense, un chêne parmi les sapins. Il se dirige vers lui, et commence à grimper dans l'arbre. Une fois sur une branche solide, il m'invite à le rejoindre. Je galère à accéder à son niveau, et une fois que j'y suis, je m'assied à califourchon sur la branche. Une jambe pendant de chaque côté de la branche. Scott se met dans la même position que moi, en face de moi, et il me sourit.

– C'est ici que je me sens le mieux. Protégé par les sapins, en hauteur, protégé des animaux, seul...

– C'est joli, dis-je.

– Oui.

Un silence s'ensuit. On entend les oiseaux, le vent, le grincement des arbres. C'est chouette. Je me sens tout petit face à l'immensité de la forêt, comme si je foulais une terre sacrée...

– Ça te dit qu'on fasse un jeu ? me propose soudainement Scott.

– Euh... ouais...

– On s'est montré nos endroits secrets, qui font partie intégrante de nous. Alors pour qu'on se connaisse encore mieux, tu vas me dire trois choses qu'il faut absolument que je sache sur toi, et puis après, ce sera moi qui t'en dira trois sur moi. Ça te va ?

– Hum... Okay.

Je suis à la fois heureux d'en apprendre plus sur lui, mais triste d'en dévoiler sur moi.

– Tu commences ? demande-t-il.

– Pas si je peux y échapper.

Il rit, et me dit que je vais devoir commencer, alors. Il me laisse le temps de réfléchir, et plonge ses yeux noisettes dans les miens. C'est stressant, mais je trouve ses yeux jolis. Après tout, les yeux marron sont les plus communs, mais quand ils sont bien portés par celui qui les a, c'est très beau. Il ne sont pas uniques, mais il les rend uniques.

Je me perds donc dans ses yeux en réfléchissant.