Cela fait une semaine que toute cette histoire s'est passée. On est Samedi, premier week-end où je ne vois pas Scott depuis notre rencontre, et je décide de retourner à mon atelier de bricolage. Je prends un tournevis et un marteau. Et je m'assieds au centre de la pièce, essayant de retrouver les sensations de mon enfance. Pendant cette première semaine de vacances, j'ai pu réfléchir à ce que j'y ferai.
Cette odeur de terre mélangée à la sève des sapins environnants. Ça sent bon. Et je me sens bien. Alors je m'allonge complètement au sol. Je laisse mes bras étalés se balader autour de moi. Mes doigts rencontrent un morceau de carton. Je le regarde. Mon autre bras s'emmêle dans un fil noir, je le libère. Mes yeux se promènent sur la pièce et tombent sur le plan de travail, ou un vague objet en bois se tient en équilibre, près du bord de l'établi.
Je me lève. J'ai encore le fil et le carton dans mes mains.
J'attrape un tabouret, que je glisse entre mes cuisses. Je prends le fil, et l'accroche autour du morceau de bois. Je perce le carton. Je coupe du bois, grâce à mes vieux outils rouillés. Je colle difficilement une morceau de métal contre le bois. J'écoute les oiseaux tout en travaillant. Je pense à Scott en faisant mécaniquement mes gestes, tant répétés durant mes années de collège. Je me sens tellement à l'aise... Je veux rester ici toute ma vie.
Je ne pensais pas recréer un jour.
Mais voilà qui est fait : un presse papier en forme de sapin, en bois et en carton, décoré de boules en métal et de guirlandes en fil.
Je souris, je l'observe sous toutes ses coutures, et lime les morceaux de bois qui dépassent et peuvent faire mal, et coupe quand une branche en carton est trop longue.
Il est fini.
Je suis fier.
Je prends une grande bouffée d'air.
J'ai presque les larmes aux yeux.
Je suis de nouveau comme avant.
Le Mick heureux, rieur, bricoleur, qui va faire la renommée du village !
Je suis de retour, et je me sens plus libre, plus fort, plus grand, plus heureux que jamais !
Je me mets à rire, d'un rire chaud, doux, qui s'envole, et qui va rejoindre la cime des arbres avant d'exploser pour que tout le monde l'entende.
Ce que ça fait du bien.
Je prends le presse papier, et je cours jusque chez moi. Je rentre en trombe, je claque la porte, et je m'arrête devant la porte de ma chambre. Je l'ouvre. Je regarde cette étagère, en face de mon lit, que j'observe jusqu'à ce qu'il n'y ait plus assez de lumière pour la distinguer quand il fait nuit. Je pose le presse papier dessus, et il se retrouve entouré de mes quelques autres bricolages, inutiles, mais bricolages tout de même. Des presses papier, j'en ai fais des dizaines, la plupart servent encore, mais celui là, je ne veux pas l'utiliser.
Enfin si, je veux l'utiliser, mais plutôt comme un trophée.
Celui qui signe le retour d'un Mick. De Mick.
Mick Alam'pur est de retour. Le vrai.
Je vais aussi dans le bureau de mon père. Sur le secrétaire, j'ouvre un tiroir, où se trouve tous les documents du psy me concernant. Je prends celui qui m'intéresse. Le "rapport" du 7 avril 2015. Quelques mois après mon réveil du coma.
Voici ce que mon psy avait écrit :
"Mickaël Alam'pur, semble peu réceptif aux liens sociaux (amicaux, amoureux, familiaux...) que son entourage éprouve pour lui. Après analyse, il se trouve que Mickaël ne puisse plus aimer quelqu'un, de quelques manières que se soient. Et cela paraît irréversible. Mickaël a besoin de se sentir aimé, mais n'est plus capable d'aimer."
Je ne l'ai pas dit à Scott. Il est vrai qu'au début, je crois bien que je ne l'aimais pas. Je me sentais aimé, ça me suffisait. Ses baisers ne me faisaient rien. Enfin, non. J'étais heureux de voir que quelqu'un m'aimait, mais je ne me sentais pas amoureux. Mais au fur et à mesure, ça a vraiment évolué. Et tout a explosé le jour où on a fugué. Là, j'ai su que j'étais vraiment amoureux.
J'avais oublié ce rapport. Mais quand mon psy souriait quand je lui ai parlé de Scott... C'était pour ça. Il était heureux que je sois guéri. Et l'autre jour, je me suis souvenu de ce document, en recevant le nouveau rapport de mon psy.
Je n'étais plus capable d'aimer, mais maintenant, je ne suis plus capable de ne plus aimer.
Je prends un marqueur, je barre à coup de grosses lignes noires le mot "irréversible" et je déchire le document en deux.
Je le pose bien en évidence sur le bureau de mon père, et je retourne dans ma chambre.
J'espère qu'il sera content quand il verra ça. Il pensera que je suis guéri.
Ça me fait sourire.
Je m'aime.

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Bim Bam BOUM !
Teen FictionAprès une chute de ski, Mick est triste. Trop triste. Et il est seul. Trop seul. C'est Scott qui va l'aider. [Série Lycée Rimbaud]