– Eh... Scott ? Tu veux devenir quoi plus tard ?
On est allongés dans mon lit, et on discute de tout de rien. J'ai posé ma tête contre son torse, et il m'enlace avec ses bras. J'entends sa respiration et son cœur battre. J'aime pas entendre les battements de cœur des gens. Même celui de Scott. Mais je suis si bien contre lui que je ne bouge pas.
– Je veux devenir professeur des écoles.
– Avec des petits enfants ?
– Ouais. Et toi ?
– Je sais pas...
Il prend un air paniqué en redressant un peu la tête :
– Mais tu sais que tu peux plus mettre de vœux sur Admission Post Bac !
– T'inquiètes pas. J'ai mis une licence d'Histoire.
– Ah... ça te plait l'histoire ?
– Rien ne me plait, Scott...
– Mouais...
On se tait un instant. On profite juste de l'instant.
– Tu te vois comment dans vingt ans ? me demande-t-il ensuite.
– Je me vois... avec un gamin. De quatre ou cinq ans.
– Un fille ou un garçon ?
– M'en fiche. Un gamin. Et toi dans vingt ans ?
– Ben... Sûrement en voyage. Et avec toi !
Il m'embrasse.
Je serais toujours avec lui dans vingt ans ? Hum... Je sais pas. Mais je sais que je serai Papa. Parce que je veux être Papa.
Scott m'observe et me dit :
– Si ça se trouve, tu seras devenu grand et musclé. Et tatoué, et percé ! Et barbu aussi.
– Si ça se trouve, je serai toujours pareil...
Je le regarde. Ses cheveux noirs sont totalement décoiffés. Et il a aussi un petit début de barbe, ce qui me plait bien.
– C'est beau l'avenir quand on l'imagine, mais qui sait ce qu'il va vraiment se passer ? murmure-t-il.
– Je pense que si l'on est heureux, on peut passer au dessus de tout obstacle.
– Ouais, pas faux.
Après cette virée dans le futur, je me lève et Scott aussi. On éteint la musique et on va dans la cuisine. Il est bientôt midi :
– T'as faim ? lui demandé-je.
– Bof... Pas trop.
– Parfait parce que moi non plus.
Enfin, à vrai dire, je n'ai jamais très faim.
– Mais si on mange pas, on fait quoi ?
– Je sais pas... répond-il.
Je m'assieds sur une des chaises de la cuisine.
– J'ai bien une idée, mais je sais pas si tu seras d'accord... lâche-t-il.
– Dis toujours ?
– Si on invitait mes amis désco (*) ?
– Euh...
Dans ma tête se trace un tableau avec la colonne "pour" et la colonne "contre." La "pour" se remplit rapidement, tandis que dans la "contre" ne s'inscrit que : "On ne sera pas que tous les deux." Et "Comment réagiraient Papa et Maman ?"
Je le regarde :
– D'accord, mais à condition qu'en les attendant on s'amuse un peu tous les deux. Seuls.
– Tu veux dire, de la même manière que quand on attendait Marie la dernière fois ?
– Ouais, mais aujourd'hui je te propose comme lieu non pas un arbre, mais un lit.
Il me lance un giga sourire. On appelle donc ses quatre amis. Marie les emmènera en voiture.
Ce qui est bien avec ses amis déscolarisés, c'est qu'ils ont le temps de venir s'amuser. Ils rattrapent leur retard le soir, ou plus tard, ou jamais. C'est comme ils veulent.
Une heure et quelques minutes plus tard, je cuisine un plat de pâte. Scott s'est amusé à plier des serviettes en forme de lapin. J'ai appelé mes parents pour leur dire que je risquais d'inviter quatre autres personnes. Ils ont bien entendu râlé. Mais je sais qu'ils sont contents que je me fasse d'autres amis.
Maintenant que tout est prêt, on s'est assis dans l'herbe, dans le jardin. On écoute les oiseaux chanter, on est contents de ce week-end.
On voit la vieille voiture de Marie arriver. On se lance vers le portail.
Les passagers arrières sortent les premiers. Il y a un roux avec des lunettes et une petite barbichette. Assez grand et apparemment costaud. Il ressemble à un hipster. Il y a avec lui un autre gars dont les cheveux sont rouges et coiffés comme Elvis Presley, avec des yeux très noirs et une veste en cuir.
Devant, il y a donc Marie et une autre fille brune au cheveux courts. Elle a des habits colorés et a l'air toute gentille.
Scott m'indique que le hipster s'appelle Anselme, que Coupe-Elvis-Presley-rouge se nomme Ulrich et que la fille au cheveux court porte le nom de Joe.
Ses amis sont super contents de me rencontrer. Ils me serrent la main solennellement pour rire, et me montre qu'ils ont ramené des bonbons. Je les remercie et puis on rentre.
On mange, on fait connaissance et tout, ils sont sympas. Je dresse dans ma tête la liste de ce qu'ils me disent sur eux.
Anselme : Aime les nœuds papillons et est presque végétarien. Il limite sa consommation de viande. Il a dix-sept ans et quatre cinquième selon ses dires, et joue du xylophone.
Ulrich : Adore trois choses dans la vie : le rock, sa veste en cuir, et ses amis. Il joue de la basse dans un groupe. Par contre il n'aime pas le mot : "Rocambolesque" Oh, et il a dix huit ans.
Marie : Adore par dessus tout les bonbons et sa guitare. Elle se fait ses dreadlocks avec du sucre seule. Elle a des tatouages discrets sur le bras, mais ses parents ne le savent pas (encore comme elle le précise) et veut devenir tatoueuse.
Joe : Timide, calme, douce... elle ne parle pas beaucoup. Mais elle rit très facilement aux blagues, fait des études scientifiques (par correspondance du coup) mais veut aller en prépas en lettres, n'aime pas le steak ni les cloches. Bref, elle est très... différente.
On peut être différent de soi ? En tout cas, ils sont tous supers sympas. Ils racontent leur vie, on rit, c'est chouette.
Puis arrive l'après-midi. Mes parents rentrent en vitesse prendre leurs affaires pour leur nuit, puis nous laissent. Et on décide alors de faire une méga-soirée en plein après-midi.
On allume la musique, on éteint les lumières, on pousse les tables contre les murs.
Et on danse, on rit, on crie, on chante, on s'éclate, on joue, on mange, on boit (sans alcool bien-sûr)... C'est l'éclate totale.
(*) Désco : abréviation de déscolarisés.
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Bim Bam BOUM !
Teen FictionAprès une chute de ski, Mick est triste. Trop triste. Et il est seul. Trop seul. C'est Scott qui va l'aider. [Série Lycée Rimbaud]