7. Secrets

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Il y a beaucoup de choses que j'aimerais dire. Mais quelles sont celles que Scott doit savoir ? Quelles sont celles qu'il aimerait savoir ? Et quelles sont celles que je veux bien lui dire ?

Ses yeux m'ont quitté pour aller se perdre dans les branches qui nous surplombent. Il sourit, mais je suis trop concentré sur ma recherche de secrets pour pouvoir sourire moi aussi.

– Ça y est, dis-je. J'ai trouvé.

– Vas-y ! lance-t-il enjoué.

– Okay, je commence par la chose la plus dure à dire.

– Hum... D'accord, répond-il vraiment intrigué.

Il hausse même un sourcil en penchant la tête sur le côté.

– J'ai déjà été dans le coma... pendant un petit moment, à cause d'une grosse chute à ski.

– Oh mince !

Il semble sincèrement désolé pour moi.

– C'est après ça que j'ai arrêté de créer, en fait... pas par manque de temps, mais... par manque d'envie... La chute a supprimé mes envies, et maintenant, j'aimerais y retourner, mais je n'ai plus d'idées...

– Double mince.

– Oui.

Je lui laisse le temps de digérer. Puis je reprends pour mon deuxième secret :

– Deuxièmement, j'aime pas les gens.

– Ça j'avais cru comprendre, petit asocial !

Je lui lance un faux regard noir. Mes sourcils sont froncés mais ma bouche sourit. Je lui donne une tape sur le bras, assez forte pour qu'il manque de tomber de l'arbre. Mais il a un bon équilibre. Il se rattrape. Je décide alors de finir mes révélations.

– Et en dernière position des trucs que tu dois savoir sur moi, il y a trois personnes au monde qui peuvent me voir. Ou en tout cas qui interagissent avec moi...

– Comment ça ?

– Quand je suis en groupe, on ne me parle pas, on m'oublie... Tiens, je t'ai dit qu'il y avait un nouveau dans ma classe ?

– Euh... oui, vite fait...

– Même lui ne m'a pas parlé dès le jour de son arrivée, alors qu'il est directement entré dans la "bande."

– Pas sympa... Et du coup, qui sont les trois personnes qui te voient ?

– Mes parents... et toi.

Il bombe le torse, comme s'il était fier de faire partie de cette catégorie de personnes. Puis il dit :

– Eh bien j'en connais un peu plus sur toi maintenant... À moi de te dire mes trucs importants.

– Je t'écoute.

Il tourne son regard vers les sapins.

– Alors, en premier... Je vais commencer par le plus dur moi aussi.

– D'accord.

Il me regarde à nouveau.

– Eh bien...

Il se gratte l'arrière du crâne. Je l'encourage d'un regard.

– Je... commence-t-il, je ne suis pas un enfant désiré.

Et comme s'il lâchait toute la pression qu'il gardait en lui, il dit d'une traite :

– Mes parents ne voulaient pas d'enfants. Mais un jour, la capote a craqué, et quand ma mère s'est rendue compte qu'elle portait un enfant en elle, il était trop tard pour avorter. Je suis donc né, mais ma mère n'a pas supporté de devoir sacrifier sa carrière pour moi...

Il se tait un instant. Et il finit :

– Elle est restée en ville et a demandé à mon père de partir vivre avec moi, loin d'elle...

– C'est pas vrai ? Mais... et ton père... il t'aime, non ?

– Oui, oui... Il s'est rendu compte qu'il n'aurait pas aimé mourir sans avoir eu d'enfant. Ça fait tout de même un bon point dans l'histoire.

On se regarde. Je lui souris timidement. Puis il continue :

– Ensuite... Je suis quelqu'un qui se fait facilement des amis, mais qui a du mal à garder ceux de sexe masculin.

Un pic se campe dans mon cœur. Je ne veux pas perdre un ami comme lui. Mon seul ami depuis deux ans. C'est inenvisageable. Je veux donc me renseigner :

– Comment ça ? Comment fais-tu pour les perdre ?

– C'est quand je leur avoue ce que je vais te dire en troisième position.

Étonné, j'attends la suite.

– Tu promets de ne pas te moquer de moi ou quoi que ce soit ? demande-t-il.

– Promis.

Je lève la main gauche vers le ciel et mets ma main droite sur mon cœur.

– Je ne suis sorti qu'avec une seule fille, dit-il enfin.

Je ris :

– Ben moi je suis jamais sorti avec quelqu'un !

Cette phrase me rappelle à quel point ma vie est vide de sociabilité. Avant que je n'ai le temps de m'interroger sur toute mon existence vide de sens, Scott reprend :

– Non... en fait, ce que je veux dire par là, c'est que je suis principalement sorti avec des garçons.

Il me regarde comme s'il attendait ma réaction. Je suis un peu étonné, certes, je le voyais avec plein de filles à ses pieds. Mais finalement, ça lui va bien. Il me paraissait être quelqu'un de tout à fait normal, mais ça lui rajoute un truc en plus. Comme il me regarde toujours bizarrement, je dis bêtement :

– Ben... t'es gay, quoi...

Il sourit, en baissant les yeux. Pourquoi a-t-il honte ?

– Oui, dit-il en redressant sa tête vers moi.

Et je sais pas pourquoi mon cœur s'emballe. Je ne le juge pas, je crois même que je le comprends. Il est gay. C'est chouette, je trouve ! Je sais même pas quel sexe j'aime, moi... Au moins, il s'assume. Ou du moins, il assume devant moi.

En même temps, c'est pas un gringalet comme moi qui lui mettrait une patate dans le nez en apprenant qu'il est homo. Je pense pas être homophobe.

Et puis surtout, comme ça ne me gêne pas, ça veut dire que je vais sûrement rester ami avec lui !

Il semble heureux de ma réaction. On reste un peu sur l'arbre à discuter de ses différentes aventures homosexuelles, avant de partir car il commence à pleuvoir. Il m'aide à descendre du chêne vu que je suis pas un grimpeur chevronné. Puis on se met à courir sous la pluie qui tombe de plus en plus fortement.

Enfin, on arrive trempés chez lui.

Bim Bam BOUM !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant