Je suis dans mon lit. Je regarde mon plafond parfait, sans faille. Il est même pas blanc comme je me l'imagine chez plusieurs personnes. Non. Dans ma chambre il est vert. C'est dégueu le vert. J'aime pas ça. Scott m'a répondu, il est content pour moi. Moi, je suis même pas heureux d'être enfin dehors.
J'ai rendez-vous avec mon psy dans une heure. J'ai pas envie.
Un oiseau chante dehors, mais ça m'énerve.
Soudain, j'en ai marre d'être allongé. Je me lève, je descends l'escalier, et je vais dehors.
Je me dirige vers mon endroit. Mes ruines, mon atelier, mon chez moi. Je m'assied au centre, non sans avoir poussé quelques débris et feuilles vers le pan d'un mur. Je regarde autour de moi, me souviens de quand j'étais plus petit.
Je venais pendant les week-end et vacances. J'avais avec moi mes plans, mes dessins et mes idées à fabriquer. Une fois ici, je récoltais dans les bois, les champs ou en ville ce qui pouvait m'être utile. Les villageois me donnaient de vieilles chose dont ils ne se servaient plus pour m'aider. Je prenais ensuite ma boîte à outil et commençais à couper, scier, coller, visser, casser, frapper et tordre mes morceaux de bois, de métal, de tissu, de carton et de plastique. J'obtenais de petites bricoles rigolotes. Je ne sais pas où elles sont conservées. Après ma chute, mes parents les ont mis loin de mes yeux, car selon le psy, cela me rappellerait un "avant-traumatisme" qui risquait de booster mes idées noires. Mais j'ai quand même décidé d'en garder trois sur l'étagère de ma chambre. Et le psy a raison, quand je les regarde, je suis souvent triste.
Alors j'ai tout arrêté. Je n'ai plus créé.
Tiens, il est l'heure d'aller voir mon Freud à moi. Je me mets en route vers l'immeuble en ville dans lequel mon psy a son bureau. Je sonne, je rentre, je vais en salle d'attente. Nous sommes Samedi, il est 11h26 et je me sens seul.
Le patient précédent sort de la salle, un type très petit, aux cheveux bleus, et avec un drôle de look. Je sais qu'il est dans mon lycée, mais je ne connais pas son nom. Puis mon psy se met sur le pas de sa porte, et m'indique de rentrer :
– Bonjour Mick ! Comment vas-tu ?
– Ça va, je réponds en m'asseyant sur son vieux fauteuil gris tout moche.
– Fantastique. Alors, qu'as tu à me dire, ce mois ci ?
– Hum... Je ne sais pas.
– Tes parents m'ont dit que tu étais en couple.
Ceux là, je les frapperais. Pourquoi ils sont allés lui dire ça ?
– Ils ont pas faux, dis-je en haussant les épaules.
– Comment s'appelle-t-elle ?
"Elle." Il ne doit pas être au courant pour mon agression ni pour le fait que je suis gay. J'en profite.
– Mina.
– Oh ! Et qu'aimes-tu chez elle ?
Pour faire plus crédible, je m'inspire de ce que j'apprécie chez Scott :
– Le fait qu'elle me parle. Le fait qu'elle sache pour mon "anorexie." (Je mime les guillemets avec mes doigts.) Le fait qu'elle soit spontanée. Elle est chouette.
– Chouette, seulement ?
– Non, elle est un peu plus que ça.
– Explique moi ?
Flûte. Je vais devoir lui dire le fond de mes pensées.
– Ben... Elle est vive, joyeuse, et belle. Voilà. Elle m'aime aussi. C'est important.
– Hum, hum.
Il est passé en mode "radar," il sonde mon esprit, veut que j'éclaircisse ce qui est flou, approfondisse ce qui est amorcé, et dévoile ce qui est caché. Ses "hum, hum" sonnent comme des "bip, bip" de détecteur.
– Ben, c'est vrai quoi ! Elle m'aime. C'est rare, vous trouvez pas ? Une personne qui m'aime.
– Mais non. C'est toi qui ne fait pas l'effort de voir toutes les personnes qui tiennent à toi.
Merde. Il est reparti. Il continue ensuite :
– Tes parents, tes profs, tes amis...
– J'ai pas d'amis.
Il ne relève pas :
– ... Ta famille, tant de personnes qui veulent savoir pourquoi tu es si réservé, pourquoi tu es si mystérieux, secret. Je suis sûr qu'il y a plusieurs personnes en plus de Mina qui t'aiment et qui veulent te connaître.
J'ai failli lui demander qui était Mina. Je suis un piètre menteur...
– Mouais.
– "Pour être aimé, il faut...
– ... D'abord s'aimer soi," je sais.
Je me lève.
– Merci pour cet entretien. Dis-je.
– Mick, ce n'est pas fini.
– Si, si. C'est fini.
Je pars et claque la porte. Il m'a énervé. Mais avant de partir, je rouvre la porte et gueule :
– Oui je ne m'aime pas. Mais c'est justement parce que les autres ne m'aiment pas. Je sais que le regard des autres n'est pas censé nous influencer, mais merde, ouvrez les yeux, on vit dans un monde où autrui nous construit ! On vit à travers leur regard, si les autres ne nous aiment pas, on ne s'aimera pas. C'est tout, c'est comme ça ! Alors lâchez moi les baskets, et taisez vous avec votre Freud à la con, et vos "il faut s'aimer soi d'abord." Quand quelqu'un voudra me connaître, alors je pourrai me connaître. Quand quelqu'un m'aimera, je m'aimerai. Il faut juste du temps et laissez le temps au temps...
Le plus étonnant, c'est qu'il sourit quand je lui dis tout ça. D'un vrai sourire sincère, celui où on voit les pattes d'oie aux coins des yeux.
Je claque à nouveau la porte, et pars, en me demandant où j'ai trouvé toutes ces phrases. Et pourquoi il souriait.
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Bim Bam BOUM !
Teen FictionAprès une chute de ski, Mick est triste. Trop triste. Et il est seul. Trop seul. C'est Scott qui va l'aider. [Série Lycée Rimbaud]