18. Lundi

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Ma mère vient me réveiller. Nous sommes lundi.

Lundi.

Le jour le plus long, le plus désespérant. Celui qui vous rappelle que vous avez encore cinq jours à tenir avant de retrouver la paix... pff...

J'embrasse ma mère, qui me caresse les cheveux, et je roule sur le côté pour sortir de mon lit. Je prends mon téléphone en me traînant jusque dans la cuisine. Scott m'a envoyé un petit message.

Scott : Hey ! :3 Passe une bonne journée mon petit fugueur adoré ♥

Je tapote une réponse avant d'aller manger :

Mick : Merci, je te renvoie le message ! :)

Devant mon bol de céréales au quart plein, je réfléchis à mon retour au lycée. Jeudi je me suis fait agresser. Vendredi j'étais à l'hôpital. Samedi je suis allé voir mon psy et j'ai fugué, et hier je suis rentré. Ces quatre jours, j'ai l'impression qu'ils ont été les plus longs et les plus remplis de ma vie.

Mais retourner au lycée, alors que tout le monde a dû être au courant depuis... Ils vont me prendre pour un gros faible qui ne sait pas se défendre. C'est un peu vrai, mais c'est Antonin le connard dans l'histoire ! On a le droit d'aimer qui on veut, non ?

Mon petit-déjeuner terminé, je vais m'habiller. Il fait à peu près chaud, j'opte pour un grand tee-shirt. Il m'arrive aux genoux, mais au moins on ne voit pas ma peau sur mes os. Il est blanc, comme la pureté qui habite mon corps aujourd'hui. Cette couleur que je détestais tellement à l'hôpital. Aujourd'hui, je trouve qu'elle me sied bien.

Je suis assez heureux pour un Lundi. Scott a déteint sur moi. Et c'est chouette.

Oh je l'aime. Ouais. Fort. Si j'étais un gamin, je dirais que je l'aime grand comme l'univers, mais je crois que c'est plus encore.

Mon sac est prêt, je passe à la salle de bain. Puis je pars.

Woah ! Sept heures vingt ? J'ai jamais été aussi en avance. Du coup je ne prends pas le bus et je vais au lycée à pied. Il fait bon malgré la grisaille qui recouvre le ciel.

Si ça se trouve on se sera totalement foutu de moi au bahut. Merde. Ou alors, on n'aura parlé que de moi. Qu'est-ce qui est préférable ?

Hum...

Je sais pas.

Un vieil homme et une vieille dame mange un éclair au chocolat coupé en deux devant la boulangerie. C'est vraiment attendrissant et je me demande si on sera comme ça avec Scott plus tard. Est-ce que je resterai avec Scott toute ma vie ? Est-ce que j'aurai d'autres aventures ? Hétéro ? Homo ? Bi...? Je crois que je suis bisexuel. Mais en fait j'en sais rien.

Non. La vrai question, c'est : mis à part Scott, qui serait capable de m'aimer ? À vrai dire, je suis tellement rabat-joie, distant, voire méfiant, que la plupart des gens qui m'ont adressé la parole ne m'ont plus jamais reparlé. C'est peut-être parce que je l'ai un peu cherché que je suis comme ça maintenant.

Je distingue le lycée de loin. Il est sept heures trente-cinq. Quand j'arriverai, il devrait être ouvert.

Pour moi, les quelques mètres qui me séparent du lycée sont des doutes, des questions, des obsessions.

Que vont-ils penser de moi ?

Pourquoi je retourne là-bas ?

Antonin sera-t-il encore parmi les élèves ?

Et Dean, et Jimmy ?

Mince !

Mais pourquoi je vais là-bas ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Je vais fuguer. Là maintenant, là tout de suite ! Je dois m'en aller.

Mais mes pas me conduisent inexorablement vers le lycée. Je vois les grilles. Les surveillants. Je sors mon carnet pour rentrer. Je rentre dans la cour extérieur.

Je suis un des premiers élèves.

J'ai peur.

J'arrive dans le hall.

Et mes yeux pleurent.

Des pancartes. Des tableaux. Des dessins.

"SOUTENONS MICK !"

Plein d'élèves ont signé des mots, ou des images, pour me soutenir.

Jacques, Franck, Victor, Julie, Tessa, Jacob, Marlène, Idriss, Mohamed, Jeanne, Claire, Diane, Bastien, Lucas, Gilles, Adèle, et tant d'autres...

Ils ont tous pensé à moi, m'ont tous soutenus. C'est... c'est beau.

Je m'essuie les yeux et en lit quelques uns. Un des poèmes me touche vraiment :

Mais toi, tu es le gars seul,

Invisible aux yeux de tous,

C'est bizarre que je te voie,

Kar les autres semblent t'oublier.


Après tout, tu es comme nous.

Léger, cosmique, mais humain.

Alors nous tous, habitants de la terre

Marchons vers la lumière

Pour ouvrir les yeux de l'obscurité.

Unis dans ce combat contre l'intolérance.

Rappelle toi qu'on t'aime, Mick.

-Bruno-

Je lui pardonne son "Kar" parce que c'est dur de faire des acrostiches. Le gars qui a écrit ça, je l'aime. Il dit tellement de choses vraies.

Il y en a un autre qui est pas mal :

~Les homophobes ne sont pas humains, car un humain est censé être beau, et l'homophobie c'est moche~

-Tara-

Et puis là ça me frappe. J'ai jamais été seul.

J'ai juste toujours cherché à l'être.

La solitude c'était le seul moyen pour moi de rester taciturne. J'ai jamais essayé de voir du monde pour pouvoir rester triste. Parce que le triste me fabriquait après le bim bam BOUM !

J'avais besoin de me renfermer, pour chercher à reprendre le contrôle de ma vie. Cette vie qui m'avait glisser des doigts sur les pistes de ski.

Besoin de me renfermer pour ne pas laisser ma vie se faire bousculer par quelqu'un d'autre.

Et je n'ai jamais réussi à ressortir de ma bulle.

L'être humain est beau, alors pourquoi j'en profite pas merde ?

Désormais, je veux être heureux.

Des lycéens commencent à entrer, et certains viennent me voir en me demandant si ça me plait. Je réponds "Oui" tout ému. Contents, ils s'en vont.

Puis j'arrive en retard de deux minutes en cours, et quand je rentre dans ma salle, je suis applaudi.

Clap ! Clap ! Clap !

Des rires. Des cris de joie.

Et mes larmes. De joie elles aussi.

Putain que c'est beau les humains !

Bim Bam BOUM !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant