Néria

Révélations (3)

Un bébé se mit à pleurer et mit définitivement fin à la discussion. Elles s'occupèrent de lever les nourrissons un par un, de les changer et de les conduire ensuite dans le bassin avoisinant où les jeunes apprenties, qui sortaient de leur cours, devaient se charger de leur distraction.

Les jours qui suivirent ne permirent pas aux deux jeunes filles de se retrouver sans la compagnie d'autres sirènes. Il ne fallait pas attirer les soupçons, surtout après les propos de Passédi concernant l'attitude de Néria lors de la visite de Manéo et de son ballon dans la section des défenseurs.

Cependant, cette dernière était plus attentive désormais à ce qui se passait autour d'elle, aux relations entre tritons et sirènes, à la supériorité affichée voire au mépris de certains. Elle était à l'écoute de toutes les petites histoires de ses compagnes de section et posait des questions aux plus anciennes pour en apprendre davantage sur la communauté, les tritons, les dangers de l'Océan.

Elle se rendit compte que peu d'informations étaient connues par les éducatrices, qui se contentaient de répéter les leçons apprises. Seules les rumeurs semblaient révéler des choses étranges : des membres du conseil qui interrogeaient des éducatrices et se permettaient des gestes inconvenants, des tritons violents qui n'étaient jamais sanctionnés, des sirènes qui disparaissaient subitement pour le service de la reine et qu'on ne revoyait plus ou dont on apprenait parfois la mort prématurée.

Récemment, elle avait entendu parler d'Atix, une jeune couturière de dix-huit ans, avec qui elle s'était amusé enfant, qui s'était mystérieusement volatilisée. Elle prêtait aussi davantage attention aux défenseurs qui passaient dans leur section pour y effectuer leurs rondes.

Ceux-ci effectuaient une dizaine de passages en binôme ou trinôme au cours de la journée. En plus de leur veste grise caractéristique de leur poste, hors de leur section les défenseurs portaient toujours une lanière de peau de poisson tannée portée en bandoulière sur leur torse. Des liens plus fins cousus sur cette large bande permettaient d'attacher des cordes, des poignards. Des poches adaptées contenaient des silex ou d'autres armes confectionnées en bois dur et pierres affutées. Une gourde pendait enfin sur leur hanche. Les tritons s'habillaient tous d'un pagne grisâtre pour la partie basse de leur corps et recouvert par de grosses mailles à la façon d'un filet de pêche.

La veste affichée par les chefs arborait des dents de requins à l'instar des conseillers qui accumulaient sur leur tunique particulière des trophées de leur chasse en mer. Les dents alignées en colonne sur le devant de leur veste se cousaient en partant des épaules jusqu'au niveau du cœur. Ménesto étalait une bande d'une quinzaine de dents de prédateurs.

Trois jours après la fameuse nuit, Néria revit Atropos et Théos. Ils ne lui adressèrent qu'une salutation de politesse étant, une fois encore, accompagnés d'un autre défenseur. Elle s'amusait alors avec des jeunes enfants qui riaient aux éclats et applaudissaient lorsqu'elle sautait comme un dauphin hors de l'eau, en prenant soin de bien les éclabousser avec sa queue en retombant. La jeune sirène surprit, un bref instant, le regard insistant et attendri d'Atropos.

Le soir même, Néria s'isola avec Flore, la seule de ses anciennes amies affectée également dans la section des éducatrices. Flore était une grande sirène au visage un peu rondouillard avec des longs cheveux blonds toujours soigneusement attachés. Néria l'avait toujours connue d'un dynamisme à toute épreuve, jamais abattue ou même fatiguée.

Son énergie communicative était souvent à l'origine de grands projets qui plaisaient aux plus grands des enfants, attirés comme un aimant par ses jeux passionnants comme les chasses aux trésors ou les parcours extraordinaires qui prenaient toujours des heures à installer. Flore était têtue et obstinée ; elle ne renonçait jamais quand elle tenait à quelque chose et s'acharnait à obtenir ce qu'elle convoitait.