Y avait-il un danger pour la communauté ? Parfois une attaque de prédateurs avait lieu au niveau de l'entrée de la grotte, pourtant bien fermée par des grilles en tiges solides.
Une seule fois, Néria avait assisté vers ses douze ans à une attaque de requins. Trois d'entre eux avaient réussi à entrer de quelques mètres. Mais tous les défenseurs, alertés par leurs cognements sur les tiges, avaient planté leurs lances dès que la grille avait cédé. Ils avaient tué rapidement les trois monstres effrayants.
Néria avait assisté au dépeçage. Elle avait constaté, à cette occasion, les rangées multiples de dents acérées de ces prédateurs, leur peau épaisse dure à percer. Elle mangea de leur chair, grillée au feu de bois ; se régala, pendant de nombreuses semaines, de ce met très apprécié par tous. Rien ne fut perdu. On apprenait à ne rien laisser de côté, ni os, ni graisse, ni dent : tout avait une utilité. Néria avait pris soin de retenir à quoi servait chaque partie de l'animal.
La cérémonie n'avait toujours pas commencé. La jeune néréide chercha du regard ses anciens compagnons de jeux. Les habitants s'agitaient en discutant de plus en plus bruyamment
Le son de la conque retentit trois fois de suite pour annoncer l'entrée du roi et de la reine. La cérémonie officielle allait commencer. Le silence s'installa immédiatement. Tout sembla alors se figer. Les occupants de la grotte étaient tous rassemblés dans l'immense bassin du forum, droits, les bras le long du corps. Ils entonnèrent en chœur l'hymne royal saluant l'arrivée de la famille royale. L'orchestre accompagnait le chant officiel au son de banjos, cithares, tambours et coquibong, sorte de xylophone formé de coquillages de différentes tailles et de structures.
Cléia en jouait à merveille et s'animait au sein de l'orchestre. La musique la transformait et il suffisait de l'observer pour s'en apercevoir. Son visage resplendissait. Une énergie inouïe l'animait quand elle s'unissait avec son instrument.
L'hymne était un chant glorifiant les anciens ayant formé la communauté et finissait par « glorifions son descendant direct, le roi Agios, qui fait respecter les règles de notre cité pour le bien-être de la communauté ».
A la fin de l'hymne, chacun repartit à sa discussion, comme si rien ne s'était passé. Il fallait attendre, à présent, la mise en place pour le cérémonial qui allait suivre et le déménagement de certains instruments de l'orchestre dans l'espace consacré à la danse.
Néria observa la famille royale et son entourage, cherchant du regard si elle pouvait apercevoir Thétis. Elle ne vit que des visages fermés, mal connus. Ils représentaient la petite partie privilégiée, qui vivait à l'écart et n'apparaissaient qu'une dizaine de fois par an, toujours à une certaine distance de tous.
La reine Daïra était sans conteste la plus jolie sirène de la communauté. Le roi Agios l'avait choisie parmi une sélection des dix plus belles néréides, uniquement pour sa taille élancée et son visage parfait. C'est ce que soutenait Aura qui avait enquêté parmi les plus ancienne. Le roi Agios aurait grandi sans côtoyer aucun autre jeune de son âge et avait donc choisi son épouse en l'observant et sur les conseils de sa mère. La reine souriait peu et se tenait toujours à distance de tous les événements.
Néria se demandait souvent ce qu'elle faisait de ses journées, comment était organisé son logement. Personne ne savait grand-chose à ce sujet car les sirènes et tritons, affectés à son service, sortaient rarement et gardaient le silence ayant l'obligation de ne rien dévoiler. Le mystère entourant la famille royale intriguait la jeune curieuse.
Elle savait juste qu'il y a dix ans, une petite sirène nommée Séris était arrivée dans leur section. Elle était le second enfant du couple royal. Seul leur fils, né huit ans avant elle, avait eu une place auprès de ses parents, au sein de leur quartier si fermé. Dans quelques minutes, Séris serait affectée, vraisemblablement, dans la section des couturières.
La rumeur prétendait qu'ils auraient eu également une fille encore plus âgée, mais qu'étant née sirène, le roi avait décidé de ne pas la garder auprès d'eux, espérant un fils pour sa succession.
Néria se disait que la vie de la reine devait cependant être bien agréable, entourée de son mari et de son fils Cito. Elle avait le privilège d'être libre, de faire tout ce qu'elle souhaitait dans ses quartiers, sans craindre la dénonciation. La jeune éducatrice eut un pincement au cœur en pensant qu'elle-même ne connaîtrait jamais la joie d'être mère.
Ne voyant ni Thétis ni Amédé, Néria se mit à la recherche de ses anciens compagnons d'enfance.
En chemin, elle tomba sur Cléia qui devait ranger son coquibong, ne faisant pas partie de l'orchestre réduit qui animerait la soirée. Celle-ci sollicita son aide pour porter son instrument jusqu'au box de stockage, qui se situait dans un couloir menant à la section des membres du conseil.
VOUS LISEZ
Néria
ParanormalDans son monde sous-marin, Néria découvre les mensonges, l'absence de libertés, les dessous sombres de sa communauté et décide de fuir son destin tout tracé. Au delà de l'étrangeté que représentait une néréide aux yeux d'un être humain, Néria...