Atropos (4)

88 15 9
                                    


Il était temps pour Néria de proposer une autre alternative et de révéler à tous ses amis l'information qu'elle détenait, afin que le choix de l'action future à mener puisse se faire en toute connaissance de choses.

Après avoir fourni à ses camarades des nouvelles de Flore, elle se lança dans le récit de ses aventures. Elle raconta donc tout de son expérience passée à l'extérieur, en précisant avec insistance qu'elle n'était pas restée suffisamment longtemps pour être bien assurée qu'aucune conséquence ne se produirait en cas d'exposition prolongée au soleil.

Sa révélation fut suivie d'un long silence. Les yeux froncés ou écarquillés de ses camarades reflétaient l'incrédulité ou la stupéfaction. Tous avaient en tête les discours rabâchés dans leurs oreilles sur les dangers du soleil et les effets que cela produirait sur leur peau. Après cette confidence, tous les six furent plongés dans leurs pensées.

Atropos, pourtant, releva la tête et fixa Néria d'un regard brillant de fierté et d'admiration ; un regard franc et pétillant qui en disait long sur ses sentiments. Néria sentit son cœur s'emballer. Elle plongea ses yeux dans les siens.

Néria était transportée sur un petit nuage où flottait autour d'elle de belles perspectives et des jours heureux, parfum de bonheur où l'Amour tenait la place principale. Plus aucun des événements actuels n'avait d'importance pour elle à cet instant précis. Atropos aussi semblait captivé par elle au point d'oublier qu'ils n'étaient pas seuls. L'éducatrice n'avait qu'une seule envie à cet instant précis : se blottir dans ses bras puissants, qui pourraient la protéger de n'importe quel danger...

Tous les regards étaient à présent dirigés vers elle.

Néria se sentit l'obligation de sourire à tous en s'excusant presque.

— Peut-être avez-vous du mal à me croire et je comprends très bien. Cela fait deux ans que je cachais cela par crainte qu'on me traite de menteuse. Mais, le tunnel, rebouché à l'époque par les bâtisseurs, s'est ouvert de nouveau récemment. Je l'ai refermé avec l'aide de Cléia mais nous pouvons fuir aisément si nous nous organisons pour le faire discrètement.

— Moi, je te crois, Néria, bien entendu, confirma haut et fort Atropos.

— Bien, enchaîna Théos. Je propose qu'on choisisse maintenant une suite à donner à cette réunion. Il me semble, à mon avis, que trois choix s'offrent à nous.

1. L'action ; en tentant de prendre le pouvoir et renverser le roi et ses proches conseillers.

2. La fuite ; dans l'Océan ou à l'extérieur, en passant par le tunnel, mais nous n'en connaissons pas vraiment tous les dangers.

3. La persuasion pour faire changer les choses : processus long mais pacifique.

— Je pense que d'autres problématiques y sont associées, affirma le bien aimé de l'éducatrice. Si nous choisissons la fuite, il nous faut envisager de libérer Méléagre auparavant ou d'attendre sa libération. Si c'est l'action, il nous faut établir un plan, fabriquer et cacher des armes puis agrandir notre groupe en toute prudence car nous ne sommes pas assez forts et nombreux. Et enfin si nous choisissons la persuasion, quels moyens avons-nous et comment allons-nous faire ?

— Je propose que quelques-uns d'entre nous essayent de s'échapper par le tunnel avant de prendre une décision risquée pour tous, suggéra Néria. Cela nous permettra de se rendre compte si la vie à l'extérieur est envisageable. Je me porte bien-sûr volontaire pour cette excursion, ainsi que Cléia, ma camarade de section, qui m'a fait jurer de l'emmener. Il suffit que l'un d'entre vous rebouche le trou derrière nous avant le lever du jour. On pourrait convenir de rouvrir le tunnel cinq jours après. Ainsi, nous saurions clairement si cette option est viable. Cela nous permettrait dans le même temps de préparer des armes en cas d'action contre le gouvernement. Les deux options ne sont pas incompatibles.

NériaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant