Préparatifs (4)

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Le jeune Manéo faisait encore des siennes et protestait énergiquement. Il hurlait une fois de plus, à qui voulait l'entendre, qu'il ne partirait pas ce matin. Ses yeux s'arrêtèrent sur Néria. Il la supplia du regard.

— Ménesto est trop méchant, pleurnichait-il. Je n'arrive jamais à sauter dans leurs cerceaux. C'est trop difficile pour moi... Je ne suis pas un dauphin... Il me tape parfois et il crie tout le temps. On ne peut jamais jouer au headball. Et en plus, c'est même pas drôle... Et je suis malade, j'ai mal au ventre, je veux pas y aller...

Néria avait de la peine à le voir aussi triste. Comment pouvait-elle l'aider ? Elle se promit de prendre le temps de l'écouter et de lui parler le soir même pour lui faire accepter cette organisation que personne ne pouvait désormais plus changer. Les camedans tout chauds perdirent tout-à-coup de leur attrait. Ce brusque rappel à la réalité bouleversa Néria. Cette agitation qui lui plaisait tant où elle se sentait entourée et intégrée, cette vie en mouvement, ne risquait-elle pas justement de la perdre dans quatre jours ?

Après le départ des jeunes tritons pour rejoindre la section des défenseurs, accompagnés des cris perçants de Manéo, le calme revint brutalement. On n'entendit plus que le cliquetis des récipients en coquillages qui s'entrechoquaient lors du débarrassage des tables.

Néria chercha Flore des yeux. Elle s'était inscrite dans le même atelier qu'elle « habillage et décoration pour la fête de Cymopole » pour les jeunes sirènes de cinq à neuf ans. Elle espérait ainsi pouvoir lui parler en privé. Depuis son arrestation, Flore semblait triste et anxieuse. C'est en voyant son amie à l'écart des autres depuis quelques jours, le teint pâle et le visage fermé, qu'elle avait eu l'idée de l'intégrer à l'expédition. Cette excursion pouvait lui redonner la joie de vivre et son dynamisme habituel.

Dans le box prévu pour l'activité, elle lui exposa rapidement son désir qu'elle participe à l'aventure, prévue dans quatre jours. En déballant tout le matériel nécessaire, elle lui expliqua qu'elle aurait aimé avoir sa présence rassurante à ses côtés.

En temps ordinaire, Flore était bouillonnante d'énergie, tout comme Cléia, et possédait en outre des qualités non négligeables. Maligne, elle trouvait généralement une solution à tous les problèmes qui se présentaient. Elle détenait une bonne connaissance dans le domaine des plantes et saurait sans doute repérer ce qui était consommable de ce qui ne l'était pas. Flore serait sans doute d'un soutien indéniable. A trois, elles seraient plus fortes.

Celle-ci ne répondit pas immédiatement. Néria n'osa pas interrompre son silence, respectant trop son choix, qui devait être non contraint et mûrement réfléchi.

— Bien-sûr que je viens avec vous ! s'enthousiasma soudainement Flore. Et peut-être que Méléagre manifestera une quelconque émotion à mon égard, pour mon départ, nom de Zeus !

— Si tu pars pour cette raison-là, Flore, tu le regretteras ! la raisonna son amie. Nous risquons notre vie, tu sais. Je ne sais pas du tout ce que nous trouverons là-bas. Réfléchis encore et donne-moi ta réponse demain. Ça ne me pose aucun problème si tu décidais de ne pas nous accompagner. Fais le uniquement si tu trouves de bonnes raisons pour le faire et si tu es prête à tout quitter. Nous ne reviendrons peut-être jamais...

— Je pense qu'il n'y a que des sirènes pour tenter une opération aussi insensée, clama la blonde. J'aime les dangers et les projets complètement dingues.

Néria lui raconta ensuite tous les événements de l'avant-veille, à l'exception de ceux qui ne regardaient qu'Atropos et elle.

Flore l'écouta attentivement et resta très longtemps silencieuse.

— Eh, bien... tu dois être vraiment heureuse de connaître ta famille, supposa Flore mélancolique et soudain attristée.

— C'est très troublant surtout, poursuivit Néria sans se rendre compte que cette nouvelle perturbait son amie.

— Personne ne me pleurera si je ne reviens pas, contrairement à toi, petite cachotière, se plaignit la blonde plantureuse. Et tu penses que je ne sais pas qu'Atropos t'a embrassée ? Ça se voit sur ton visage et tu rougis quand je t'en parle... Ma petite Néria, comme je t'envie de vivre ça ! soupira-t-elle.

— Tu connaîtras l'amour un jour, assura la sirène aux yeux bleus. Je parlerais à Méléagre, si tu veux. Je lui demanderais ce qu'il pense de toi, ok ? Mais promets-moi en retour de ne plus penser à lui s'il m'informe que son cœur ne bat pas pour toi. Qui sait, on trouvera peut-être de beaux tritons étrangers sur la côte extérieure, exhibant leur torse nu au soleil...

Les deux jeunes néréides se sourirent affectueusement, avant que le box ne soit envahi du vacarme des petites sirènes qui s'installaient pour l'activité. Celles-ci s'agitaient dans tous les sens, enthousiasmées par la perspective de participer à cet atelier, précurseur de la réception qui arrivait. Leurs queues en frétillaient d'impatience et la gaieté des fillettes fut communicative.

La matinée se poursuivit dans la ferveur des préparatifs pour la cérémonie : robes, couronnes, rubans et autres accessoires de beauté. Tout devait être scintillant, fleuri et enchanté pour cette fête, qui était toujours la plus joyeuse et la plus animée de l'année.

Avant d'aller se restaurer, Néria profita d'un moment de temps libre pour s'isoler avec Cléia, afin de préparer des affaires à emporter. Toujours aussi enthousiaste, cette dernière avait la fougue de la jeunesse et parlait sans arrêt. Néria devait modérer son ardeur pour que personne ne puisse entendre leur conversation. L'éducatrice prévint son amie de la venue probable de Flore dans leur expédition, ce qui ne réjouit pas Cléia, qui ne l'appréciait pas particulièrement.

NériaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant