Hédéos (5)

95 17 11
                                    


La section des couturières, si divisée aux dires de cette dernière, se composait de vieilles sirènes qui s'attribuaient le droit de coudre du matin au soir, assises dans des hamacs de lianes épaisses. Les plus jeunes devaient se charger des tâches les plus ingrates qui consistaient à nettoyer toutes les parties communes de la grotte, du spa, de décorer et d'aménager le forum les jours de fêtes. Car cette section devait, en plus de la confection des habits, s'occuper également de l'entretien des parties communes et de l'ornementation de la grotte. Cette division du travail provoquait une séparation entre les deux groupes, préjudiciable pour l'ambiance et la vie en commun.

Chez les éducatrices, leur chef Climène arrivait à établir une ambiance calme et apaisée au sein de la section, malgré les cris et l'agitation provoquée par la présence d'une cinquantaine de jeunes enfants. La règle n° 4 était mise en avant : « tout mouvement d'humeur ou toute querelle est interdit. Le respect est obligatoire pour tout membre de la communauté ». Ce n'était pas le cas chez les couturières, où les tutrices en faisaient voir de toutes les couleurs à leurs apprenties sans toujours leur témoigner le respect nécessaire.

Quand Néria arriva, les anciennes étaient attablées en train de souper tandis que les plus jeunes finissaient d'entasser des paquets de linge à répartir dans les sections. Néria ne se montra pas au premier groupe de peur que sa venue soit rapportée à Climène. Ces couturières-là avaient la réputation d'être des sacrées langues de vipères. Elle se dirigea directement à la lingerie où elle prétexta un besoin impérieux de changes pour les nourrissons, qui avaient bon dos ce soir. Elle attira Médine à l'écart dans un box vide. Des algues vertes et grises séchaient, accrochées au plafond, et formaient des rideaux opaques parfaits pour se cacher.

— Ouf ! Je suis heureuse de te trouver rapidement, ajouta Néria, soudain mal à l'aise dans cette section. Sais-tu quelque chose sur Flore ? Je viens d'apprendre qu'elle ne rentrera pas ce soir dans notre section. Je prends un risque en venant te voir... et je pense que je t'en fais prendre un également. Tu préfères que je m'en aille ?

— Non pas du tout, Néria, la rassura Médine avec une voix étranglée. Cela me fait vraiment plaisir que tu viennes me voir. Je me sens tellement mal ce soir.

Médine semblait encore plus gênée et craintive que d'habitude, ce qui inquiéta davantage Néria. Ce matin, quand elle était sortie du box des conseillers, la jeune timide baissait la tête comme pour éviter son regard. Néria avait mis cela sur le compte de l'interrogatoire sans doute musclé qu'elle avait dû subir. Médine était toujours impressionnée par l'autorité et perdait facilement ses moyens en cas de stress. Mais à présent, elle soupçonna autre chose.

— Tu m'inquiètes. Qu'est-ce qui se passe ? interrogea Néria, en se rapprochant d'elle.

— C'est grave, Néria. Les conseillers soupçonnent Méléagre d'être impliqué dans le meurtre d'Hédéos.

— Mais ce n'est pas possible ! Méléagre était avec nous quand ça s'est produit !

— Non. Il était parti peu de temps avant, tu le sais bien. Et toi aussi, tu étais parti au bar avec Atropos.

— Oui, mais il était avec nous quelques minutes avant, répondit Néria perplexe.

— Je sais mais le conseil pense qu'il est coupable.

Médine se trémoussait, mal à l'aise.

— Dis-moi ce qui se passe, je te sens très nerveuse, insista l'éducatrice de plus en plus angoissée par le mal-être de son amie.

— Même si je sais très bien qu'il ne peut pas être responsable du crime, je n'ai pas pu mentir quand les conseillers m'ont demandé où était Méléagre. Je leur ai dit qu'il avait quitté le box, peu de temps avant qu'on entende le fameux cri effroyable d'Amétis. Je suis désolée, Néria. Je me sens tellement coupable !

NériaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant