Néria

Nouvelles mesures (5)

Le lendemain au réveil, Néria eut la bonne surprise de retrouver Flore au petit déjeuner. Malheureusement, le dynamisme de celle-ci ainsi que son caractère de combattante avait fait place à une mine pâle et cernée. Un maigre sourire se voulait rassurant mais personne n'était dupe, connaissant le tempérament de celle qui vivait à cent à l'heure en temps normal.

Celle-ci mangea avidement, sans raconter quoi que ce soit de ces quelques jours passés hors de la section. Puis, elle demanda la permission d'aller se coucher dans sa cellule. Elle fut aussitôt accompagnée par Climène elle-même. Néria trépignait d'impatience à l'idée de devoir attendre pour avoir plus de renseignements auprès de cette dernière mais elle respectait trop son amie et la laissa donc se reposer en paix. Climène devait déjà l'accaparer suffisamment !

La journée lui parut interminable et même ses élèves ne parvinrent pas à la distraire. Chaque minute lui paraissaient des heures. Son rendez-vous secret avec ses amis, qui allait se tenir le soir même, participait à sa nervosité.

Il y avait également un grand vide dans la section, sans l'agitation des jeunes tritons. Manéo avait encore refusé d'accompagner les défenseurs ce matin. Il avait provoqué une crise de pleurs et de cris chez les jeunes néréides les plus sensibles.

Enis avait été volontairement éloignée pour ne pas assister à la scène. Cercéis, par contre, avait été mobilisée pour regrouper les jeunes tritons récalcitrants et accompagner les trois défenseurs qui ne s'en sortaient pas avec Manéo qui se débattait de toutes ses forces en s'époumonant.

Après le repas, Néria devait se charger de surveiller le dortoir des plus jeunes avec Chloris ; ce qui ne l'enchantait guère ! Elle avala sa pitance avec rapidité pour se rendre discrètement au dortoir des éducatrices avant de prendre son service. Elle trouva Flore endormie et n'eut pas le cœur de la réveiller. Elle partit donc, en rongeant son frein, accomplir son devoir auprès de Chloris. Celle-ci lui jetait régulièrement des regards noirs, ne lui pardonnant pas la dernière prise de bec, qui lui avait valu les reproches d'Aura, son idole absolue ! La surveillance de la couchette lui parut interminable et aussi pénible que les plus longs sermons de Cercéis.

Flore ne soupa pas non plus avec les autres ce soir-là. Néria dut attendre le couvre-feu pour rejoindre celle-ci dans sa cellule. Elle avait tellement hâte d'entendre son récit et de l'informer du rendez-vous prévu au bout du couloir dans quelques instants !

Flore était éveillée et semblait moins abattue que le matin. Elle accueillit Néria avec bonne humeur. Après des embrassades sincères, elles purent enfin tout se raconter en chuchotant. Flore lui retraça en détail les trois derniers jours. Elle avait tout d'abord subi l'interrogatoire en fin de journée le jour de son arrestation. Celui-ci s'était compliqué lorsqu'elle avait soutenu que Méléagre était présent dans le box, lorsque la vieille Amétis avait crié en découvrant le corps inerte du conseiller Hédéos.

— Je n'ai pas réfléchi et me suis enfoncée dans mon mensonge pour défendre Méléagre. Je suis sûre que je lui ai causé plus de tords que de bien. J'aurais dû fermer, une fois de plus, ma « grande gueule »!

Elle fut alors gardée sous surveillance jusqu'au lendemain matin. Un banc en pierre pour dormir et un bol de soupe comme seul repas. Le jour suivant, elle était, de nouveau, interrogée. Les conseillers l'informèrent que Méléagre était accusé d'avoir assassiné Hédéos. Ils étaient au courant que l'éleveur avait quitté le box juste avant le crime. Par conséquent, à cause de son mensonge pour le protéger, elle était inculpée pour complicité. Flore défendit tant qu'elle pût Méléagre, assura qu'elle ne s'était pas rendue compte de son absence et de son départ du groupe auparavant. Elle fut, malgré tout, placée dans une cellule d'emprisonnement en compagnie de Thétis.