Préparatifs (3)

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Cinq jours ! pensait Néria. Dans cinq jours, je courrai le plus grand risque de ma vie. Et si je m'étais trompée ? Et si le Dieu Hélios m'avait épargné la première fois, mais pas cette fois-ci ! Et si de grosses bêtes affamées n'attendaient que cela : un bon repas constitué de deux sirènes échouées sur la berge et incapables de se défendre !

Sur sa couchette, Néria imaginait les scénarios les plus catastrophiques. Malgré cela, elle était convaincue que son beau protecteur ne devait pas prendre le risque de les accompagner.

L'éducatrice ne faisait que penser aux événements survenus la veille, ainsi qu'aux baisers passionnés avec son beau triton. Ses pensées l'obsédèrent et se chevauchèrent dans son esprit toute la journée, à tel point qu'elle commit des maladresses à répétition.

Elle avait renversé son plateau du petit déjeuner, avait oublié de préparer ses outils pour l'atelier sculptage de roches, n'avait pas entendu Cercéis lui poser une question. Elle avait même rit bêtement aux réflexions d'Aura, sans avoir entendu un traitre mot de qu'elle avait dit. Celle-ci s'était visiblement moquée d'elle, vu la tête hébétée que cette dernière fit après les éclats de rire de Néria. Mais tout cela lui était indifférent aujourd'hui.

Elle ne pensait qu'à une chose qu'elle ressassait en boucle : Que représentait vraiment pour elle une famille ?

Un père, une mère, un frère, des amis, un amoureux : tout cela était contraire à tous les principes de leur communauté car dangereux pour l'esprit communautaire imposé ; penser au collectif avant l'individuel !

Pourtant, Néria prenait conscience que ces liens étaient finalement les choses les plus importantes de sa vie. Si on les lui retirait, elle ne se sentirait plus d'aucune utilité, plus d'espoir, plus d'avenir. Ils prenaient une importance de plus en plus forte dans son esprit et dans son cœur. Les relations familiales demeuraient certes encore un peu floues mais elle se laisserait du temps pour les approfondir. Ses relations avec Méléagre allaient peut-être évoluer différemment...

Avant de se coucher, avec un mal de tête terrible à force de ruminer les événements de la veille, elle pensa à ces petites jumelles que Japet voulait tuer. Ce triton était un meurtrier sans cœur. Pour le moment, aucun nouveau-né n'avait été confié à leur section, ce qui était mauvais signe. Ces bébés innocents et inoffensifs n'avaient-ils pas le droit de vivre, juste parce qu'ils avaient eu la malchance d'être deux dans le ventre de leur mère ? Vivement que les choses changent ! Et si tout cela pouvait se régler sans heurt, sans affrontement, sans mort...La naïve sirène s'endormit sur ces pensées, pleines d'espoir.

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Le lendemain matin, Néria se leva de bonne humeur. Un parfum envoutant se répandait dans les couloirs de la section, celui de camedans tout chauds, qui croquaient sous les dents. La journée commençait forcément bien avec ces petites boules appétissantes, si rares au petit déjeuner. Elle en salivait d'avance rien qu'en y pensant. Cela lui donnerait l'énergie dont elle avait besoin pour poursuivre les trois missions qu'elle s'était fixée.

Elle voulait d'abord demander à Flore si celle-ci souhaitait les accompagner à l'extérieur. Etre trois dans l'expédition serait plus réconfortant pour Néria. Elle devait également s'assurer de l'enthousiasme encore présent de Cléia, et enfin demander aux tutrices si elles acceptaient de les couvrir le temps de leur fuite.

Elle se rendit donc dans la salle des repas pour prendre son petit-déjeuner. L'effervescence battait son plein. Les plus jeunes éducatrices, les stagiaires en formation, s'occupaient des jeunes tritons qui devaient rejoindre la section des défenseurs.

Près d'une desserte garnie de jus bouillants d'algues claires, Néria observa avec un regard attendri l'animation matinale dans sa section. Ce joyeux chahut qu'elle allait quitter volontairement devait rester gravé dans sa mémoire. Le mouvement de ses compatriotes qui s'agitaient dans tous les sens comme un ballet bien rodé lui plaisait encore plus aujourd'hui. Cet incessant croisement de sirènes et de jeunes enfants reflétait tellement la vie de sa section ! A chaque classe d'âge, était réservé un créneau pour la toilette dans la cascade ou la piscine du spa, un autre pour le petit déjeuner ou enfin un dernier pour s'occuper des jeunes élèves ou de l'organisation quotidienne. Chaque éducatrice effectuait sa tâche du moment avant la reprise des activités.

Dans le brouhaha du matin, l'éducatrice percevait parfois des mélodies fredonnées, des bribes de conversations chuchotées, des plaisanteries ou des rires, à demi étouffés. Les sirènes, qui saluaient Néria, un plateau ou un bol en bois à la main, s'acheminaient en nageant vers la grande tablée des éducatrices. La jeune néréide vit Cléia appuyée sur le buffet pour attraper une jatte remplie de mousse de crabe et un petit camedan savoureux. Elle observa Cercéis, affairée, qui apportait des plats couverts de nourriture, aidée par Climène ; puis, Héline, la bavarde, qui encadrait des jeunes apprenties pour amener les biberons des plus jeunes.

Mais une scène plus bruyante attira son attention.

NériaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant