L'espoir (6)

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La soirée se poursuivit dans une ambiance festive pour la majorité des participants. Cependant, les membres de leur coalition présents restèrent raisonnables et attentifs à ne pas éveiller les soupçons. La prudence et la méfiance étaient de mise.

Electre et Théos ne se manifestaient toujours pas. Atropos et Doris s'inquiétèrent les premiers. Il était étrange que personne ne les ait pas déjà aperçus. L'imposante cuisinière ne les rassura pas en affirmant que leur amie avait été, soi-disant, convoquée en début de journée au conseil et qu'elle ne l'avait pas vu de la journée. Atropos avait, quant à lui, déjeuné avec son collègue de section avant que celui-ci prenne son tour de garde dans la section du conseil. Depuis, aucune nouvelle non plus de Théos.

 Doris partit se renseigner auprès d'une responsable de sa section et revint rassurée en informant ses cinq autres compagnons qu'Electre se reposait à l'infirmerie après un petit malaise survenue après sa convocation, mais rien de grave, apparemment. Le groupe en déduit que Théos avait probablement échangé son tour de garde contre un autre défenseur pour se rapprocher du pôle médical.

Il était convenu que les trois néréides du groupe Atix, qui allaient tenter de s'enfuir cette nuit, devraient attendre que la salle du forum se soit vidée pour se rendre directement au spa et commencer à ouvrir l'entrée du tunnel avec le matériel stocké dans un recoin d'un box.

Doris et Electre étaient chargées de les rejoindre plus tard pour faire le guet. Méléagre et Atropos les rejoindraient ensuite avec le matériel pour reboucher le trou. Théos, porté volontaire pour la garde de cette nuit, était normalement chargé de distraire les autres gardes et de tout mettre en œuvre pour que ceux-ci ne se rendent pas chez les éducatrices.

Il n'y avait, de toutes les façons, pas énormément de risques. Les soirs de fête, les rondes de contrôle étaient surtout assurées aux abords du forum et dans les sections des tritons, qui abusaient plus facilement du jus d'oursins que les sirènes. Le spa n'était pas non plus fréquenté par les sirènes à ces heures tardives de la nuit.

Flore, Cléia et Néria devaient également simuler des signes de maladie auprès de leurs consœurs éducatrices. Elles firent donc leur possible pour aller se plaindre le plus possible auprès de celles-ci de maux de tête et d'envies de vomir.

La fin de la soirée parut ennuyante et pénible pour tous les membres du groupe Atix, qui vivaient avec anxiété la prise de risques de la nuit et l'absence imprévue d'Electre et Théos. Néria finit par s'isoler dans un coin avec ses deux compagnes de voyage.

Elle observait les enfants jouer au headball dans un coin du bassin. Ceux-ci s'amusaient, se chambraient en s'envoyant le ballon avec leur tête et hurlaient quand la balle entrait dans les cages. Les moments de bonheur sur le visage de ces enfants se faisaient plus rares, maintenant que leur formation stricte se déroulait chez les défenseurs. Le petit Manéo était au comble de l'excitation quand il marqua un but. Il se mit à entonner un chant de victoire. Néria sourit en le voyant heureux ; une petite parenthèse enchantée dans l'avenir compliqué qui se profilait pour cet enfant.

Puis, Médine vint discrètement les saluer et leur souhaiter bonne chance.

Enfin, arriva le moment de quitter les lieux ! Le buffet était à présent quasiment vide et nettoyé. Les anciennes, encore debout à cette heure, finissaient le rangement et le ménage. En scrutant attentivement les alentours, Néria se rendit compte qu'il ne restait plus que deux éducatrices de leur section dans la salle : les perfides Amène et Gallice, soutiens avérés du conseil, qui semblaient être chargées de les surveiller !

— Merde ! Les filles, retournez-vous chacune votre tour et regardez innocemment qui est encore au bar ! La poisse ! Bon, on fait semblant d'être malade, on va se coucher et on se retrouve au spa dès que nous sommes certaines qu'elles sont bien endormies, ok ?

Les jeunes néréides se plaignirent de souffrir atrocement de maux de tête et allèrent même jusqu'à demander de l'aide aux deux espionnes. Elles furent ainsi raccompagner jusqu'à leur couchette respective. Néria était finalement heureuse de pouvoir récupérer sa précieuse couverture juste avant le départ de la grotte et de pouvoir se changer tranquillement. Elle prit son mal en patience pour attendre le silence le plus total dans le dortoir puis fila en douce dans le spa.

Tout se déroula ensuite très rapidement et sans accroc. Leur plan était bien pensé, le matériel bien préparé et le déroulement des opérations se fit sans aucun problème, mis à part la disparition d'Electre, qui intriguait tous les participants de l'opération. Atropos et Méléagre les avaient rejointes pour finir d'ouvrir le tunnel ; Doris était seule, postée devant le spa pour monter la garde. Une fois l'ouverture béante, les trois néréides se passèrent toutes leurs affaires réunies en trois gros sacs et les hissèrent jusqu'au trou.

C'était l'heure du départ. Le temps des au-revoir. Le stress était palpable chez les cinq amis réunis autour de l'ouverture sombre. Cléia monta la première sur la malle et se hissa jusque dans la brèche. Elle réclama la torche pour illuminer et ouvrir le chemin. Flore se serra contre Méléagre qui se dégagea rapidement, mal à l'aise une fois de plus. Cette dernière salua Atropos et prit la suite de Cléia.

C'était le tour de Néria. Elle ne pouvait détacher son regard de celui d'Atropos. Les deux amoureux se serrèrent l'un contre l'autre. Enfin ! pensa Néria en collant sa joue sur sa poitrine. La chaleur de son torse, son odeur masculine, la douceur de sa peau,... Hum ! Je peux m'imprégner de lui avec délice avant de partir.

Cependant, la présence de Méléagre à leur côté les gêna ; ainsi que Flore qui passait la tête hors du tunnel et les observait. Ils n'osèrent donc pas en faire davantage ni se dire d'autre chose qu'un bref au-revoir amical.

Frustrée de ne pouvoir avoir reçu un dernier baiser de son bien-aimé, Néria, sur le point de monter sur la malle, se retourna et l'embrassa fougueusement. Elle ferma les yeux et put apprécier cet échange impétueux, quoique rapide.

Rassurée, elle s'engouffra à la suite de ses deux camarades, un sac de vers lumineux accroché à l'arrière de sa ceinture et un gros bagage sur le dos.

Après un dernier signe de la main aux deux tritons restés sur place pour reboucher le trou, elle suivit Cléia en rampant dans le tunnel sombre, sinueux et étroit.

NériaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant